6 - Je t'aime plus que de raison
Oh putain, putain, putain. Je dois faire quoi ?! Le sang qui coule de son poignet me paralyse, ces plaies béantes me tétanisent, son regard mort me terrifie. Il se redresse et me fixe, et je ressens un immense désespoir quand j'observe ses prunelles vides. Il n'est pas avec moi. Bon sang Shouto, où es-tu ?
Je réussis à me détacher de ma soudaine sidération, et je dévale à toute vitesse les escaliers. Il faut que je le sauve, il faut que je le soigne, il faut qu'il aille bien... Il mérite tellement d'être bien... Il anticipe mes mouvements et n'hésite pas à ériger un mur qui me sépare de lui, et une soudaine rage explose en moi.
« À quoi tu joues, Shouto ?! Pose cette lame tout de suite ! C'est dangereux et loin d'être drôle !
- Je ne joue pas, Izuku. Quand elle te dira, elle aussi, qu'elle t'aime, tu me laisseras. Je n'ai aucune chance contre elle.. »
Mes larmes coulent d'elles-mêmes, et je suis incapable de contrôler ou d'arrêter leur voyage le long de mes joues. Il se force à me faire un sourire, qui ressemble plus à un rictus désespéré. Je ne comprends pas, je me sens vraiment en colère, et triste aussi, très triste. De quoi il parle ? Qui est « elle » ? Comment ça, il n'a aucune chance ? Il me tourne le dos en fixant son poignet ensanglanté et que je ne peux plus voir ce qu'il en fait, j'ai l'impression de vouloir détruire le monde entier, tant la rage en moi bouillonne.
« Shouto ! Regarde-moi ! Je ne sais pas de quoi tu parles, mais pose ce truc ! »
Je me surprends maintenant à hurler, alors qu'il me lance un regard, toujours dos à moi. J'arrive à percevoir cette lame, plantée dans sa chair sanglante, et je sens petit à petit l'arrière-goût de la bile dans ma gorge. Je sens la nausée arriver, il ne me regarde plus. J'ai le cœur qui se déchire lentement, qui tremble de terreur et semble hurler de colère.
« Tu ne te rends pas compte, Izuku Midoriya, d'à quel point tu étais le rebord grâce auquel je ne tombais pas. Mais ce rebord s'est résorbé. C'est le prix que j'ai à payer pour avoir pu t'observer et être avec toi ces derniers jours. Merci beaucoup de m'avoir fait découvrir la chaleur agréable qui a pu dégeler mon cœur. »
À présent, je ne retiens ni mes sanglots, ni les tremblements de mes mains refroidies sur le mur de glace. Pourquoi est-ce qu'il dit ça ? Ne se rend-il pas compte qu'au contraire, je serai toujours là ? N'a-t-il pas compris la portée de mes sentiments ? Sa voix semble plus pressante, moins automate et morne. J'entends les murmures de sa respiration saccadée.
« Ne t'en fais pas pour la personne que tu aimes. Vu à quel point tu es adorable, je suis persuadé qu'elle t'aime presque autant que je ne le fais. Et si seulement tu savais à quel point je t'aime.. »
Ma respiration s'arrête, mes poumons décident de faire la grève. Vient-il de dire qu'il m'aimait ? Mais pourquoi est-il parti ce matin ? Ah, tu n'as rien compris, Todoroki... Mon cœur bat beaucoup trop vite, hors de question de le laisser faire. S'il m'aime vraiment, pourquoi veut-il me fuir ?
« Tu vois ? Je t'aime tant que tes mots m'anéantissent. Je t'aime tellement que je ne peux pas vivre dans un monde où tu n'es pas mien. Mais c'est normal, ne culpabilise pas. Tu ne m'aimes pas. Personne ne l'a jamais fait, alors pourquoi ça devrait arriver maintenant ? C'est dans l'ordre des choses. Merci de m'avoir libéré. Merci de m'avoir fait espérer, un court instant, que j'y avais droit. C'était les trois jours les plus beaux de toute ma vie. »
Je ne peux pas rester là sans rien faire, alors qu'il me dit qu'il m'aime, MOI, et qu'il veut mourir parce qu'il pense que ce n'est pas réciproque. Je brise le mur de glace qui commençait déjà à s'effriter avec un coup de poing, et je me rue vers lui. Par réflexe, il saute en arrière, puis une prison de glace vient le séparer de moi. Une fois encore. Il me regarde d'une manière méfiante, alors j'essaie de contrôler tous ces cris que je veux lui lancer, et tous ces coups que je souhaiterais mettre à cette putain de glace.
« Shouto.. Tu n'as pas compris ce que je voulais te dire... Tu as tort. Moi, je le ferai. Moi, je t'aimerai. Laisse-moi passer, je t'en prie.. »
Je pose mon poing sur cette fichue glace. Je pense que je suis affreux, au vu de toutes les larmes qui dévalent à présent mon visage. En plus, je sens que ma morve coule, que ma bouche se tord en une grimace horrible. J'attends une réaction. Au fils des secondes, son sang ruisselle toujours, quelques larmes viennent souligner son joli visage. Maintenant, son regard n'est plus mort. Mais j'y vois de la souffrance, une énorme tristesse, du désespoir. Un puit sans fond de désespoir. Je ne sais pas pourquoi, mais un sourire cynique vient déformer les traits froids de son faciès.
Que faire ? Je ne pense pas qu'il me répondra. Il est persuadé que je ne l'aime pas. Son sang me terrifie. Pourquoi ne s'arrête-t-il pas de couler ? Il a totalement perdu le contrôle depuis tout à l'heure. Il rigole de manière cynique, explose en sanglots, grimace de désespoir, puis de terreur. Mes jambes n'ont plus la force de me tenir debout, je glisse sur mes genoux, face à lui. Par désespoir, je donne un petit coup dans le mur. Quel héros serais-je, si je ne peux même pas sauver ceux que j'aime ? Après tout, doit-on sauver quelqu'un qui ne souhaite pas l'être ? Je ne sais pas quoi faire. Le laisser se délivrer de lui-même, et être désespéré toute ma vie durant ? Ou le sauver, lui interdire de faire un tel choix, et peut-être attiser sa haine éternelle ?
Hais-moi donc, Shouto. Mais je ne te laisserai pas mourir.
« Shouto.. Je t'en supplie, laisse-moi une chance de te le prouver.. Laisse-moi une chance de te rendre heureux, de te faire voir la vie d'une manière plus chatoyante, de te prouver que tu es digne d'être aimé.. Laisse-moi passer.. »
Son sourire triste me fend le cœur, une fois encore. Il tend sa main vers moi, la pose contre mon poing, mais rejoins le sol rapidement, laissant sur la glace une traînée écarlate. Todoroki ferme soudain les yeux, vacille, et tombe sur le sol alors que je hurle son nom. Je panique, brise cette glace avec un second coup de poing, et viens saisir son corps. Il est chaud. J'ôte mon pull pour lui faire un garrot improvisé, je vérifie s'il respire toujours. Je pleure, panique, mais il est toujours en vie. Je le prends contre moi et cours de toutes mes forces vers l'infirmerie. Son corps est lourd, mon cœur est lourd, le regard des autres derrière moi est lourd. Il ne peut pas mourir, pas maintenant.
J'arrive enfin à l'infirmerie, après un temps qui me semble beaucoup trop long. J'entre comme une furie, et je manque de provoquer un arrêt cardiaque à Miss Recovery. Mais lorsqu'elle voit l'état dans lequel Shouto est, elle se retient de faire une remarque. Je le pose sur un lit, et elle me demande de retourner en cours pendant qu'elle s'occupe de lui. Je ne peux pas bouger... Me voyant larmoyant et tremblant, elle soupire et me dit de m'installer dans le lit, à l'opposé de celui de Todoroki. Je me couche, heureux de pouvoir être là, mais pas rassuré pour autant.
Bon sang, s'il meure, ce sera de ma faute. Il ne m'a pas compris. Et je n'ai pas bougé quand il s'est enfoncé cette lame dans le poignet. Pourquoi n'ai-je pas réussi à bouger ces foutues jambes ? Je suis un incapable. S'il meure, je peux me résigner à être un héros. Si je ne peux même pas protéger ce que j'aime le plus au monde, alors à quoi bon ? Toutes les deux minutes, je me retourne vers le rideau tiré où je peux entendre les manipulations de Miss Recovery. Elle ne parle pas. J'angoisse tellement. Mes larmes ne veulent pas s'arrêter, mon inquiétude me ronge.
Il m'aime. Il m'aime au point de vouloir mourir si je ne suis pas à lui. Il m'aime au point de ne plus vouloir vivre sans moi. Je trouve ça horrible, mais ça me rend un peu heureux. Mais je suis tellement en colère également. Quel sale gosse ! Il ne pouvait pas m'écouter deux minutes ?! Non, impossible voyons ! Todoroki Shouto, tu as intérêt à vivre, sinon je ne pourrai pas t'engueuler !
Après un certain temps (DES HEURES OUI), l'infirmière de Yuei sort de ce foutu rideau. Je me redresse précipitamment alors qu'elle vient vers moi, le visage grave. J'angoisse énormément.
« Que s'est-il passé, Midoriya ?
- Il est vivant ?!
- Oui. Raconte-moi ce qu'il l'a mis dans cet état. »
Un énorme soulagement me prend, et je sens tout mon corps se détendre à l'entente de la nouvelle. La petite femme s'assoit sur le lit avec moi, et me prend la main pour me rassurer, me soutenir probablement. Je lui raconte que Todoroki avait énormément de soucis personnels, et qu'il a craqué. Je n'ai pas évoqué sa famille, ni même ce qui l'a fait craquer. Elle m'observe d'un air maternel, hoche la tête quand je parle, complète parfois mes phrases. Parfois, je craque à mon tour et pleure longtemps, et elle me caresse le dos pour me consoler...
L'attente est insupportable. Après trois bonnes heures, elle m'autorise à aller le voir. Son bras est parsemé des bandages écarlates, et son visage fatigué est plus exsangue que jamais. Je peux voir ses cernes sombres, ses lèvres rosées, ses longs cils. Quand je touche son front, je me rends compte qu'il est terriblement froid. Je me retourne, paniqué, vers Miss Recovery, qui me crie presque dessus.
« Mais je te dis qu'il est pas mort ! »
Je pousse un soupir de désespoir, et reviens à ma place, sur le lit d'en face. Je veux absolument qu'il se réveille, mais en même temps, je le redoute. Il va me détester de l'avoir sauvé... Si ça se trouve, si je lui crie dessus en premier, il oubliera totalement ce tout petit détail ? Faut essayer. Rah, faites qu'il se réveille... La vieille femme se dirige vers Todoroki pour laisser respirer les pores de sa peau. De ce fait, elle arrache ses bandages, et les fils noirs qui viennent refermer sa chair et ses plaies me provoquent un haut-le-cœur. Les nausées reviennent, et je détourne le regard pour ne pas vomir. C'est horrible. Le sang coagulé décore ces traces noires, sa peau jaunie par l'anesthésiant est incroyablement sanglante. Un long frisson progresse le long de ma colonne vertébrale.
L'infirmière ne quitte pas des yeux mon ami, et me lance un petit sourire. Je me mets assis, à l'affut, et je vois qu'il papillonne des yeux. Je me sens tellement soulagé que mon corps pourrait devenir du flan sous le coup de la décontraction. Pendant deux minutes, on l'observe en silence. IL EST VIVANT. Oh putain, je vais pouvoir le défoncer. Miss Recovery lui déclare qu'elle est heureuse de le voir éveillé, puis elle part et quitte la salle. Elle a probablement compris, au vu de mes explications et de mes larmes, que je devais lui parler. Je l'observe se redresser, et il fixe longtemps son poignet amoché. En voyant son état, il fait une petite grimace de dégoût, alors j'en profite pour lui signifier ma présence.
« C'est moche hein ? Imagine ce que ça a fait à mon cœur, il est dans un état encore plus dégoûtant. »
J'ai l'impression que toute ma colère sort maintenant. Il sursaute et redresse son regard vers moi, et semble totalement déstabilisé. Une larme coule le long de sa joue, et j'ai très envie de la saisir puis de caresser son visage, mais je dois rester concentré et lui donner une leçon. Je fais semblant de rester impassible devant son visage attristé, mais au fond, il me brise un peu plus le cœur. Sa bouche s'ouvre, puis se referme. Que voulait-il dire ? À la place, j'ai droit à un petit sanglot, et il baisse les yeux. Puis, au bout de quelques secondes où il semble se torturer mentalement, il plante son triste regard dans le mien, et une myriade de larmes vient dévaler ses joues.
« Midoriya... Je ne sais pas par où commencer..
- Peut-être par le moment où t'as décidé de ne pas m'écouter, de m'abandonner sans te préoccuper de ce que je pourrais ressentir ? »
Je me sens tellement agacé. Même son visage triste, même le fait qu'il décide de ne plus feindre avec moi, même sa voix tremblante et rauque. Même tout ça, qui pourtant me fait atrocement mal au cœur, tout ça n'attise en rien ma rage. Son visage se tord de douleur, et ses larmes redoublent d'intensité. Je me sens mal, au fond, de lui infliger ça. Mais si je fais ça, il ne recommencera plus jamais.
Je me rapproche de son lit, et je me place devant lui. Je veux qu'il regrette suffisamment pour qu'il ne recommence plus. J'ai terriblement envie de l'enlacer et de ne plus jamais le lâcher. Je ne veux plus qu'il s'éloigne de moi. Je ne veux plus voir son sang couler, ni voir ce visage froid et indifférent.
« Si tu savais à quel point je suis désolé.. Je pouvais pas revenir en arrière dans cet état, je pouvais pas, soit j'explosais, soit...
- Soit tu mourrais, c'est ça ? Et moi dans tout ça ? Tu t'en foutais ? De mes sentiments, de ma vie après ta mort ? Ça ne t'a pas traversé l'esprit que j'étais capable d'avoir des émotions aussi fortes que celles que tu peux ressentir ? »
Il hésite à me répondre. Je le vois plongé dans un torrent de questions, de réflexions, de songes.
« Tout ce à quoi je pensais, c'était avoir la paix..
- Bah bien sûr, parce que je participe à ta souffrance, parce que moi je ne peux pas te l'offrir, ta paix ? »
Plus je parle, et plus je sens ma rage exploser dans ma gorge. Mais de plus, je me sens triste. Avoir la paix ? Cela nécessite qu'il m'abandonne ? Ou alors c'est bel et bien moi qui le trouble et qui le rend si malheureux. Il serre les dents.
« Non, tu ne peux pas !
- Ah oui, et pourquoi ça ? Je suis pas assez bien pour toi ? Pas assez grand, pas assez beau, pas assez fort peut-être ?
- N'importe quoi ! Parce que je t'aime, Izuku ! »
Il hausse le ton, et sa dernière réponse me fait taire. Son visage déformé par les sanglots, je souhaiterais ne plus le voir. Je veux le voir sourire, rire. Il est si beau, quand il rit. Il renifle, et je ne sais pas si je dois continuer à l'engueuler.
« Parce que je t'aime, et que tout ce que je ressens pour toi est tellement fort, que ça m'est insupportable. Quand tu m'as avoué tes sentiments pour une personne, j'étais persuadé que tu parlais d'Ochako. Je suis sûr que si tu avais bien écouté, tu aurais entendu le bruit de mon cœur qui se brise en mille morceaux. Tu étais la seule chose pour laquelle je vivais, la seule raison pour laquelle je continuais. Et tu venais de me prouver que tu n'avais pas besoin de moi. Et tu venais de détruire le peu qu'il restait de moi. Je ne voulais pas m'effondrer devant toi.. Alors j'ai essayé de me dissocier. De détruire ma capacité à ressentir. Ça a marché, jusqu'à ce que tu viennes dans le couloir – tu pourras demander à Ochako, je crois que je lui ai fait un peu peur. J'ai voulu en finir car je ne pouvais pas me faire à l'idée de vivre sans toi.. Parce que si je ne pouvais pas vivre dans tes bras, alors je ne vivrais pas du tout. »
Pendant de longues secondes, on se fixe d'un air effaré. Nos regards semblent accrocher, et je refuse de détourner les yeux, même si ces lueurs dans son regard, aussi attirantes qu'intimidantes, semblent m'ordonner de le faire. Je ne dois pas lui dire que je l'aime, je ne dois pas m'adoucir. Je le lui dirai après, mais là, je dois lui remonter les bretelles (ou les baisser... Argh, pourquoi je pense à ça moi ?!). Je comprends son désespoir, et pourquoi il a fait ça. Je comprends. Mais ce n'est pas une raison pour le lui pardonner.
Dès que je le vois bouger, mes pensées disparaissent et je sens une grande colère monter en moi. Que va-t-il faire, encore ? Pourquoi est-ce qu'il bouge alors qu'il vient de frôler la mort ? Quand il passe une jambe en dehors de ses draps, mon regard semble le paralyser. Il ne va pas réussir à se lever, alors pourquoi essaie-t-il ?
« Bouge ne serait-ce qu'un doigt de plus, et je n'hésiterai pas à faire en sorte que tu ne puisses plus bouger, cette fois. Pas une seule seconde. »
Alors qu'il me lance un regard choqué, je relève une manche de mon pull pour faire apparaître mon avant-bras en guise d'avertissement. Je ne pense pas qu'il aurait la force de me repousser, mais si je peux le dissuader de bouger totalement, cette technique me convient. Argh, il est adorable quand ses yeux s'écarquillent de cette façon.
« Tu ne peux pas m'empêcher de bouger ! Je suis un être humain merde, je fais ce que je veux !
- Oh si, avec ce que tu viens de me faire, je t'assure que tu ne bougeras pas.
- Et si je veux pisser ? Tu vas pas me la tenir quand même ? »
Alors que je me sentais amusé par sa voix remplie d'injustice, sa dernière remarque fait tomber le masque colérique que je brandissais jusqu'à présent. Quelques images traversent mon esprit, et je me sens terriblement troublé. RAH LE SALAUD, IL M'A EU. J'essaie de reprendre le contrôle de mes traits d'expression, puis je lui marmonne que je n'irais pas jusque là. Je n'avais pas pensé au fait qu'il avait des besoins physiologiques, lui aussi. Je l'observe du coin de l'œil, et je me sens méfiant vu l'émotion dessinée sur son tendre visage. Je lui déclare qu'il est nécessaire qu'il se repose, et qu'il est hors de question qu'il fasse quoique ce soit. Incroyable, on dirait un gosse ! Il me lance un petit sourire, qui fait paniquer mon cœur. Argh, pourquoi doit-il être aussi attirant ? J'aimerais qu'il arrête de me faire ce sourire là, mais j'adorerais le voir encore et encore. Pourquoi mes pensées deviennent aussi paradoxales quand je suis avec lui, quand je pense à lui ?
Je le vois esquisser un énième mouvement, et mes songes disparaissent. Est-il en train de me tester ? Si je ne réagis pas, il va croire que mes paroles ne sont pas fiables. Je me jette sur lui (argh, je prie pour ne pas lui faire mal), saisis ses épaules et le colle contre le matelas. Je sais qu'il ne pourra plus bouger le haut du corps, mais cette pensée disparaît quand je l'observe. Mon débile de cœur rate quelques battements lorsque l'image de Todoroki Shouto, en dessous de moi dans un lit, le visage rouge et troublé, arrive à mon cerveau. Je sens une grande brûlure se propager dans le bas de mon ventre, et mon cœur tape dans ma cage thoracique aussi fort qu'une vieille voisine dans le mur d'un énième voisin bruyant. Etrangement, je ne me sens pas gêné : je pense que son trouble est si exacerbé qu'il vient d'aspirer le mien.
Il est si adorable, comme ça. Je ne peux pas m'empêcher de faire un sourire pervers, et mon rictus semble le troubler d'autant plus. Je ne sais pas trop quoi lire, dans ses prunelles. Elles m'hypnotisent, tant il semble énivré lui aussi. Je ne peux même pas bouger, car si je le fais, je pense que je mettrai fin à ce moment, et j'en ai tout sauf envie. Ses cheveux frôlent lascivement le drap blanc, et son visage troublé fout le bordel dans mon estomac. Je peux sentir les muscles tendus de ses épaules sous mes doigts, son odeur revient taquiner mes narines. Et j'ai terriblement envie de nicher ma tête dans sa nuque pour humer cette odeur encore et encore, pour sentir sa chaleur encore et encore. Un léger rire s'échappe d'entre mes rêves, tant sa mine gênée est adorable, tant cela me semble incroyable.
Alors que je m'attarde sur ses lèvres rougies, un petit rictus vient me sortir de ma torpeur. Ses prunelles prennent une teinte mesquine, et une énième brûlure vient hanter le bas de mon ventre, qui me démange un peu trop.
« Et si je continue de bouger malgré tout, tu vas me faire quoi ? »
OH MON DIEU. Mais c'est quoi cette voix si sexy ? Mon cerveau semble s'être éteint, puis quand je pense à ce que je pourrais lui faire pour qu'il ne bouge plus, je sens mon visage surchauffer. Je bafouille, mais aucune réponse ne veut sortir de ma gorge. Un grand sourire vient illuminer son visage, heureux de sa victoire sur moi. Se rend-il compte que s'il continue de me sourire comme ça, je vais lui sauter dessus ? Ce rictus empire cette gêne que je ressens dans ce foutu bas ventre qui me torture depuis déjà de longues minutes, et je me redresse précipitamment pour pas qu'il ne le remarque. Je prétexte que je dois rendre compte de son état à Miss Recovery, et je quitte la pièce.
Une fois dehors, dos à la porte, je pousse un long soupir. J'essaie de ralentir cette respiration qui, sans que je ne m'en rende compte, était devenue légèrement haletante. Il va me rendre fou je vous dis. Quel genre de personne peut vous faire passer du désespoir au désir le plus ardent ? Je croise l'infirmière dans le couloir, qui semblait attendre des nouvelles. Je lui annonce qu'il a l'air de pas se porter mal, et que je resterai avec lui au cas où.
« Je te fais confiance, Izuku. Je veux bien ne rien dire à personne, même si cela me semble beaucoup trop inquiétant. Sois vigilant et viens me voir régulièrement pour me tenir au courant, d'accord ? »
Je lui lance un sourire rassurant en hochant la tête, et elle me souhaite une bonne soirée. Je vois sa petite silhouette s'éloigner au fond du couloir, et je vois que l'établissement est totalement vide depuis la fenêtre. Il fait légèrement sombre, et pas un chat ne semble errer dans le bâtiment. J'essaie de penser à autre chose pour faire dégonfler tout ça – hors de question que j'aille me soulager dans les toilettes, c'est beaucoup trop gênant et un peu dégueulasse aussi. L'image de la vieille infirmière avec une couche, réalisant une danse endiablée sur une table, fait disparaître immédiatement la brûlure qui me hantait. Je me sens mal de l'imaginer comme ça, mais c'était nécessaire. Sinon, la vue du visage de Shouto allait me tenter plus que de raison.
Je reviens dans la pièce et lui annonce qu'il n'y a plus personne, et donc qu'on pouvait partir sans croiser quiconque. Je vois dans son regard une sorte de gratitude, puis il semble soudainement troublé. Je lui lance un regard interrogatif – pour une fois que je n'ai rien fait pour...
« Ehm.. Pour ce soir.. ? Tu restes toujours avec moi ? »
Sa demande me fait sourire malgré moi. Il est trop mignon ! Je m'approche de lui et ébouriffe ses cheveux déjà bien décoiffés (mais le fait de le voir aussi négligé capillairement parlant le rend encore plus beau). Je lui annonce que ça tient toujours de mon côté, et son visage s'illumine. J'adore le voir comme ça. Plus jamais, je ne veux le voir comme il était il y a quelques heures. Indifférent, froid, distant. Plus jamais je ne veux voir ses yeux vides.
« Tu penses que tu peux te lever, ou tu es encore un peu dans les vapes ? Sinon je peux te porter jusqu'à chez toi.. »
J'essaie de garder une tête innocente, mais j'avoue que l'idée de sentir sa chaleur contre moi me tente beaucoup trop, et rien que pour ça je pourrais devenir malhonnête et utiliser l'excuse de « tu ne dois pas bouger » pour l'avoir contre moi. Il veut tout de même essayer de se lever, et je me mets à sa portée pour le rattraper si jamais il tombe. Il arrive à se lever en grimaçant, mais dès qu'il se met debout, ses jambes semblent l'abandonner et il retombe sur son lit. Il me lance un adorable regard désolé, et je ne peux m'empêcher de lui sourire. Bon, ça m'arrange.
« Je vais te prendre sur mon dos, ce sera plus pratique pour marcher. »
Je m'accroupis devant lui, les mains en arrière pour tenir ses jambes, et j'attends qu'il vienne se coller à mon dos. Après quelques secondes, je sens une agréable chaleur contre moi, et une masse assez conséquente qui s'appuie contre mon dos. Il passe ses bras autour de mon cou pour s'accrocher, je pousse sur les muscles de mes jambes pour me tenir debout, et je lui annonce notre départ. Il n'est pas si lourd que ça.
Je peux sentir sa respiration contre mon cou, et ça me donne des frissons. Les mèches de ses cheveux viennent frôler ma peau, et j'en ai la chair de poule. J'espère qu'il ne peut pas sentir les battements de mon cœur. Les rues sont désertes, la nuit s'est installée. Je l'entends murmurer quelques mots à mon oreille, et ça me fait frissonner encore plus.
« Je t'aime, Izuku. »
Ses dernières paroles me paralysent, et je me stoppe un instant. Mon cœur panique, mes poumons font la grève, mes jambes continuent malgré moi le chemin après une seconde de repos. Je me sens heureux. Je peux sentir son souffle régulier contre mon cou.
« Todoroki ? »
J'attends sa réponse pendant de longues secondes, mais je crois qu'elle ne viendra jamais. S'est-il endormi ? Avec les émotions qu'il a ressenties aujourd'hui, ce n'est pas étonnant. Un sourire vient s'emparer de mon visage, et il reste si longtemps que j'en ai mal aux joues.
« Je t'aime aussi, Shouto... »
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