15 - Retour vers l'entraînement

Avant que Shouto ne puisse bouger un cil, je vois une jeune femme sauter sur lui. Le cri qu'il lance lorsqu'il tombe me transit, et quand j'aperçois les deux couteaux plantés dans son dos, je hurle à mon tour son nom. Ils n'ont pas le droit de lui faire du mal. J'ai accepté, je remplis ma part du marché, mais ils n'ont pas le droit de le toucher, de le faire crier, de le faire souffrir. Je me lève doucement, déterminé à me rendre ma liberté de bouger. Je ne tremble rien qu'à l'idée de me défaire du clou qui me condamne à rester bloqué sur cette table. Je prends mon poignet dans ma main valide, et tire d'un coup ma main vers le haut. J'entends les tissus de mon corps se déchirer, et je pousse un hurlement de douleur. Un trou béant remplace quelques parcelles de la peau de ma main, et cette vue me provoque un haut-le-cœur.

« Izuku. Assis. »

La rage bouillonne dans mon ventre. Je refuse de montrer un tel spectacle à Shouto. Il ignore ce qu'ils m'ont dit, il ignore le marché que l'on a passé. Et si, pour me détruire, ils l'utilisaient ? Il n'aurait jamais dû venir... Résigné, je pose mes fesses sur la chaise derrière moi, et je peux sentir son regard interrogatif sur moi.

« Pourquoi tu lui obéis, Izuku ?

- Dis-lui, Izuku. Dis-lui que tu as accepté d'être ma chose. »

Je ne peux m'empêcher de baisser la tête et de serrer les dents. Je ne quitte pas des yeux les gouttes de sang qui coulent de ma plaie, et qui recouvrent mon poignet et mon avant-bras.

« J'ai accepté, Shouto. C'est mon choix. Tu n'aurais pas dû venir...

- Mais pourquoi... ? Je ne comprends pas... »

Sa voix crispée me fait comprendre à quel point ces lames le font souffrir. Je sens les doigts de Shigaraki passer dans mes cheveux, tandis que je retiens un frisson de dégoût.

« Izuku, lève-toi. »

À ces mots, je me redresse et lui fais face. Que veut-il faire ? Que va-t-il me demander ? Comment faire pour mettre Shouto à l'abris ? Conclure un autre marché ? J'aperçois sa main approcher de mon visage, et je me retiens pour ne pas faire un pas en arrière. Souhaite-t-il réduire mon visage en poussière ?

« Embrasse-moi. »

Je pose mon regard sur lui, alors que mes yeux s'écarquillent sous le choc de sa demande. Je peux entendre mon amant grogner, alors qu'il me caresse la joue. Merde... Il a compris ce qu'il y avait entre moi et Shouto. Je pose mon regard sur lui, et cette vision me brise le cœur. Il faut que je me dépêche, il ne survivra peut-être pas à l'hémorragie causée par les lames dans son corps. Le sourire de Shigaraki me terrifie, mais il faut que je le fasse. Peut-être que cela sauvera Shouto ? Je me rapproche de lui, et je vois mon amour se débattre comme un diable, faisant tomber la fille de son dos. Cependant, l'homme aux multiples brûlures lui assène un coup de pied dans les côtes, et il tombe sur le côté. Dès lors, je pose une demi seconde mes lèvres sur celles de mon bourreau, et m'écarte rapidement. J'ai envie de vomir. Le contact de ses lèvres m'a fait frémir. Je me sens sale.

« C'est bien ce que je pensais. Vous vous aimez, tous les deux. »

Shigaraki se tourne, avance vers Todoroki et le prend par les cheveux pour le traîner dans la pièce. Ma haine bouillonne, mais je repense aux paroles de l'homme aux lunettes, et mes jambes refusent de bouger.

« Non, ne le touche pas, je t'en supplie !

- Tu sais bien ce que je veux te faire, Izuku. Te briser. Te détruire. Quoi de mieux pour ça que de briser celui que tu aimes ? »

Je vois le côté gauche du visage de Shouto s'enflammer, et mon assaillant le lâche en hurlant de douleur. Mon amant se redresse, et mets ses deux poings contre son visage, prêt à se battre.

« Tu ne pourras pas me briser, Shigaraki. Au bout d'un moment, à force de casser un verre, on ne peut plus en briser les miettes. »

Il faut qu'il parte. Pour sa sécurité, et pour le marché que j'ai conclu avec l'autre type. Sinon, à quoi servirait tout cela ? Je ne veux pas qu'il souffre davantage. Il a déjà tant souffert.

« Shouto, je t'en supplie... Si je n'obéis pas, et si tu ne pars pas, il ne va pas libérer les enfants... Ni rendre l'alter à Kacchan... Et il m'a dit qu'il prendrait l'alter de chaque élève de Yuei, si je n'obéissais pas... Attention ! »

J'aperçois la jeune femme foncer sur lui, mais quand il se retourne il est déjà trop tard. Il tombe sur le dos, et son hurlement de douleur fait monter mes larmes insidieuses.

« Ne bouge plus, sinon je serai obligée de trancher ta si belle gorge. »

Ainsi, quand je vois qu'elle pose son énorme couteau sous la gorge de mon ami, c'est la goutte d'eau.

« Laissez-le partir !

- Eh bien, je ne sais pas... Tu ne m'obéis pas de toute ton âme, Izuku... Cela me rend réticent à accepter ta demande...

- Je ferai tout ce que vous voudrez.

- Non Izuku, ne fais pas ça... »

Shigaraki semble réfléchir dans son coin. J'espère que cela permettra de le sauver. Je l'espère tant. Si je ne devais sauver qu'une seule personne dans ma vie, alors je veux que ce soit lui. L'homme aux cheveux gris relève la tête vers moi, le regard plein d'amusement et de haine.

« Alors embrasse-moi vraiment, comme si j'étais Shouto Todoroki. Je suis certain que tu peux faire mieux. »

Je lance un regard désolé à Shouto, alors que les dernières flammes de mon honneur s'éteignent. Alors ça y est, je suis devenu sa pute ? Je passe ma main derrière sa nuque et ferme les yeux, pour ne pas voir son visage. J'ai envie de vomir, alors que je pose mes lèvres contre les siennes. J'essaie d'imaginer que c'est Shouto, mais ce n'est pas ses lèvres, ce n'est pas son odeur, ni sa chaleur. Sa langue passe la barrière de mes lèvres, et j'ai envie de pleurer lorsqu'il touche la mienne. Je veux partir loin d'ici. J'ai envie de me laver la bouche à l'eau de javel.

« Mais ne pleure pas, Shouto-kun ! Je suis toujours là moi ! Jamais je n'embrasserai Tomura-kun, promis !»

Je m'écarte soudain de lui, dégoûté et sali. J'ai embrassé un autre homme devant Shouto. Je me sens sale, si sale. Il prend mon menton entre ses doigts et me relève la tête, alors que j'ai envie de pleurer.

« Serais-tu plus à l'aise s'il n'y avait que toi et moi, Izuku ? On pourrait y faire tout ce que nous voudrions...

- Ose le toucher encore une fois connard, et je te fais bouffer toutes les mains qui cachent ta sale tronche. »

Je peux entendre le rire de Shigaraki. Tout chez lui me terrifie. Son sourire sadique, son rire sardonique, ses yeux fous et ses paroles froides et menaçantes. Tout mon corps me hurle de fuir, mais je ne peux pas. S'ils partent, que voudra-t-il me faire ? Je ne veux pas le savoir...

« Je ne te savais pas si vulgaire, Shouto... Je vais avoir besoin de toucher un peu à ton éducation. »

Pourquoi il l'appelle par son prénom ? Je me retourne vers l'homme qui vient de parler, les sourcils froncés. Son éducation ? Il se prend pour son daron ou quoi ? Soudain, le type qui m'a escorté jusqu'ici ouvre la porte en trombe, essoufflé.

« Les héros sont dans le couloir ! Ils arrivent ! Je vais prévenir Black Mist pour qu'il fasse des portails ! »

Une lueur d'espoir fait battre mon cœur un peu plus vite, alors qu'il part aussi vite qu'il est arrivé. J'aperçois Shouto geler l'arme qui le maintenait au sol, et il renverse la jeune fille qui était sur lui. Je ne peux m'empêcher de sourire face à ce retournement de situation.

« Dommage Izuku, je voulais m'amuser avant de te tuer... »

Todoroki gèle la porte après avoir envoyé l'homme en dehors de la pièce. Ce sera du deux contre deux. Avant que Shigaraki ne m'attaque, Shouto détourne son attention en le frappant d'un coup de pied. J'en profite pour m'éloigner de lui, activer mon alter et m'occuper de la fille aux couteaux. Celle-ci me lance un sourire fou, et me lance trois couteaux que j'esquive aisément. Je prends de l'élan et lui lance un crochet si puissant qu'elle ne se relève pas. J'entends Shouto hurler, et quand je me retourne, je le vois à terre, la main contre ses côtes, et le marteau enflammé à quelques mètres de là.

Dès que Shigaraki enlève l'un des couteaux du dos de Shouto, je m'élance vers eux. Cependant, quelque chose agrippe ma cheville et je tombe, face contre terre. Je me retourne et vois la jeune femme que je croyais inconsciente, me regarder en se léchant les lèvres.

« Ne me sous-estime pas. »

J'active mon alter dans ma jambe, et la frappe si fort que sa tête, en retombant, cogne lourdement contre le sol. Je pense qu'elle est définitivement hors d'état de nuire. J'aperçois Shouto ramper, et l'état de son avant-bras me fait frémir. Il n'y a plus de vêtement, plus de peau. Ses muscles s'effritent, et je pourrais presque voir ses os dépasser. Je prends de l'élan et fonce sur Shigaraki qui ne semble pas m'avoir vu. Après un pied-bouche bien placé, celui-ci s'effondre.

Pendant de longues secondes, je fixe son corps inconscient, ne souhaitant pas faire la même erreur qu'avec ma précédente adversaire. Shouto se lève et me prend doucement dans ses bras, et je grimace quand ma main frôle son corps meurtri.

« Espèce d'idiot... Toujours à te mettre dans le pétrin...

- Désolé Shouto... Tu avais raison... Je n'aurais pas dû venir... »

Il prend mon poignet entre deux de ses doigts et observe ma blessure. On a fini. On va s'en sortir. On a vaincu les vilains, et on est vivants. Les héros arrivent et viennent nous chercher. Je pourrais presque en pleurer tant je suis heureux. Mon amant écarte ma main transpercée et m'embrasse à pleine bouche. Cette fois, je ne me sens pas sale. Je l'embrasse de toutes mes forces, comme si c'était la dernière fois que sa bouche se mouvait contre la mienne. Ses mains sur mon visage me remplissent de bonheur, alors que je profite de la chaleur si particulière de ses lèvres, des courbes de celle-ci, de sa respiration contre ma peau.

Soudain, un éclair semble me transpercer le ventre, et je hurle de douleur. Les yeux écarquillés, je peux voir le visage tordu de douleur de Shouto et, derrière lui, la jeune femme que j'ai battue précédemment. Le bout de son épée dépasse du dos de mon amant.

« Désolé mes chéris, mais vous étiez trop mignons. Il fallait que j'immortalise ça. »

Avec l'élan, nous chutons tous les deux au sol et le poids de Shouto sur moi me fait crier de douleur. Je crois que l'épée n'a pas traversé tout mon abdomen, mais pour mon amant, c'est le cas. J'halète et je ne suis pas le seul. Il tousse, et je peux sentir son sang couler le long de mes joues. Son propre sang coule le long de ses lèvres, ses yeux mi-clos et sa respiration qui ralentit m'indique que c'est probablement la fin.

Notre fin.

« Allez, je me tire avant qu'ils n'arrivent. Bisous Shouto ! »

Mon amant pose son front sur le mien et, d'une main tremblante, me caresse le visage. Je retiens un sanglot, et son sourire déchirant de douleur me tord le cœur.

« Tout va bien, Izuku... Tout va bien...

- On va mourir Shouto... On va mourir là, toi et moi... »

Sa voix est si pincée par la douleur. Ses râles d'agonie se mêlent aux miens, alors que ses larmes et les miennes me noient dans la souffrance. J'ai l'impression que du feu sort de mon abdomen, tant cela fait mal. Je ne peux que songer à deux choses : à quel point j'ai mal, et que nous allons mourir. Sa main remonte le long de mon visage, et ses doigts se perdent dans ma chevelure souillée par le sang, la transpiration, et les larmes.

« Chuuuuut... Tout va bien, on est ensemble... On va s'en sortir...

- Je t'aime Shouto...

- Je t'aime aussi... »

Cela m'étonne qu'aux portes de la mort, il soit l'optimiste et moi le pessimiste. Dans la vie de tous les jours, c'est totalement l'inverse. Je lutte, mais mon corps devient faible. Mes yeux se ferment tout seuls. J'ai mal, j'ai tellement envie de fermer les yeux. Juste quelques secondes. Je peux sentir Shouto trembler sur moi, alors que sa respiration diminue également.

« Izuku... Hey Izuku, ne t'endors pas... »

Il secoue doucement mon visage, mais j'ai l'impression de partir encore plus. Sa douce voix résonne dans ma tête, répétant mon nom, encore et encore. Si c'est cela, la dernière chose que j'entends avant de mourir, alors je suis satisfait.

Désolé, maman. Désolé, Shouto. Désolé, All Might.

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