5
Dans sa chambre Christian se déshabilla et se laissa tomber sur le lit. Il pensait à sa mère, surtout à ses propos. Il se souvenait très bien de ses mots crus et durs, lorsqu'elle supposait qu'il était un homosexuel. Il se souvenait de l'horreur dans sa voix, de la répugnance qu'elle avait pour sa nature. Il se souvenait... tout simplement... de son dégoût pour le gay qu'il était.
Le jeune adolescent ne put s'empêcher de retenir plus longtemps ses larmes. En silence, la lèvre retroussée, il pleurait sans interruption. Il abondait de larmes. Il s'en voulait d'être gay, il souhaitait ne plus ressentir son corps réagir devant le physique d'un homme, il souhaitait ramener une fille à présenter comme sa copine, il souhaitait être un garçon « normale. ». Mais est-ce que vraiment cette normalité existait ? Ce mot avait-il un réel sens ? En ce moment cela n'était guère sa préoccupation, car il pleurait. Il ne voulait pas être vu comme une monstruosité par cette femme qu'il aimait tant.
Dring-Dring ! Son téléphone se mit à sonner, mêlant la sonnerie aux bruits de ses reniflements. Nonchalamment, il récupéra l'appareil, puis il raccrocha.
Perçant ce maigre silence qui venait de s'installer, la sonnerie retentit de nouveaux. C'était encore Cézanne. Christian une fois de plus raccrocha sur-le-champ. Il ne souhaitait parler a quiconque. Le jeune homme de dix-sept ans était désolé pour elle, il n'était guère disposé à lui accorder du temps pour le moment. Il l'a rappellerai plus tard.
Avec insistance, Cézanne avait relancer une troisième fois l'appel. Cela hérita Christian qui avec fougue – les sourcils froissés, et des paroles incongrues prononcées avec vélocité – décrocha l'appel. Son ton fut sec et hargneux.
Les premières secondes aussi glaciale qu'un vent de décembre, ne s'éternisèrent pas. Très vite son visage se décrispa, il eut une mine d'incompréhension. Les pleurs au travers du téléphone, troublèrent l'adolescent.
♧
Christian se trouvait dans le Marais, il faisait face à un immeuble bordé par d'autres immeubles tout aussi grand que ancien. La rue était animée, la vie ne cessait d'être intense dans ce quartier. Le jeune homme regarda à nouveau son smartphone, il ne se trompait pas. C'était bien l'adresse que lui avait indiqué Cézanne. Qu'était-elle venue faire ici, se demanda-t-il en pénétrant le lieu. Il ne put se retenir de retrousser les narines, à peine entama-t-il l'ascension des marches, un forte odeur d'urine emplissait l'air, elle s'associait mal à celle de la moisissure qui était omniprésente sur les murs écaillés. Plus il montait les marches de ce lieu délabré, plus Christian ne faisait que se questionner. Qu'étais venue faire Cézanne ici ? Tout simplement qu'était-elle venue faire dans le Marais ?
Lorsqu'il fut aux derniers étages comme lui avait indiqué Cézanne, il frappa trois fois à la porte et elle s'ouvrit sur un type à l'allure éméché, les yeux rougis, titubant de droite à gauche. Sans lui adresser la parole, Christian le traversa et se mit à taper un message sur son clavier. Cézanne ne perdit pas de temps pour lui répondre : « Je te rejoins dans le salon. ».
Cézanne arriva après quelques minutes vêtue d'une robe émeraude au col montant, d'une longueur en dessous des genoux, avec des manches trois-quarts. Elle dénotait avec tout ce monde dont on voyait presque l'entièreté du corps sous les morceaux de tissus qui les habillaient. C'étaient des femmes s'embrassant, des hommes s'embrassant, des femmes et des hommes s'embrassant.
Sans que le jeune Martin ne puisse l'anticiper, elle se jeta en larme dans ses bras, ses yeux noircis par une coulée de mascara. Christian ne sut rien faire d'autre que la consoler, la mine pantoise, en caressant ses cheveux.
— Chris, dit-elle soudainement, la voix plaintive, je ne voulais pas venir ici tu sais, c'est Daniel qui m'y a forcé – sniff, snif – tous le monde ici boit, fume, et s'embrasse à tout va, sors-moi d'ici s'il te plaît...
Daniel ? S'était demandé Christian. Qui était Daniel ? Le jeune homme voulu l'interroger, mais il s'y résigna, Cézanne n'avait toujours pas cessé de pleurer et elle l'étreignait telle une bouée de sauvetage. Il décida de l'entraîner vers l'extérieur quand soudain, une jeune personne comme eux, se déhanchant sur une musique tonitruante, renversa le contenu de son gobelet rouge sur la robe de Cézanne. L'adolescente cessa de larmoyer pendant un moment, puis reprit de plus belle. Elle était comme une gamine à qui on venait de reprocher sa faute, pleurant incessamment sans s'essouffler.
Ce fut avec beaucoup de patience que Christian Martin convint sa camarade de gagner la salle de bain avant leur départ de cet appartement qui avait déjà fait tant pleurer Cézanne.
Cela faisait six minutes que Christian attendait Cézanne, entouré par cette foule de jeunes personnes s'enivrant de musique tonitruante, dansant de manière désarticulé et ne cessant de porter à leur lèvres leur gobelets rouges. Christian Martin était impatient, plus que cela il craignait que Cézanne ne se soit encore laissée emporter par ses émotions en pleurant d'avantage dans les toilettes. Il décida de la retrouver.
Traversant des personnes, s'excusant chez d'autres, il cherchait à se frayer un passage dans cet amas d'Homme. Facilement, il repéra un long couloir qui offrait une vue sur une succession de porte. Il en ouvrit une première, mais il n'y trouva personne. Il en ouvrit par la suite deux autres. Dans l'une un couple s'embrassant, et dans l'autre une sorte de débarras. Il poursuivit ses investigations et ouvrit toutes les portes qui se laissaient ouvrir – il trouva même la salle d'aisance – mais pas l'ombre de Cézanne.
Rebroussant chemin, le téléphone entre ses mains, maugréant des paroles incompréhensibles, il tapait avec rapidité sur l'écran de son smartphone. Ce fut à ce moment qu'il s'heurta à un couple s'embrassant. C'était un blond avec une mini culotte et un mec brun.
— Faites attention, avait craché Christian avec agacement.
Les deux individus ne répondirent guère, sauf que le garçon brun n'avait cessé de regarder Christian. Un regard intense et soutenu, qui pouvait refléter une myriade de supposition.
Le jeune Martin retrouva une Cézanne quelque peu apeuré dans ce salon abondant d'adolescents. Lorsqu'elle croisa le regard de Christian elle courut vers lui et se jeta dans ses bras.
— Christian, j'ai bien cru que tu était rentré sans moi... je te cherchais, je voulais déjà t'appeler... heureusement que tu es là, j'avais peur que tu m'aies abandonné... Oh Christian tu es toujours là, heureusement pour moi... imagine si tu m'avais laissé seule...
Christian aurait voulu lui demander des explications sauf qu'il était déjà éreinté par la volubilité intarissable dont faisait preuve son amie. Il décida ainsi de se taire et de la raccompagner.
♧
Les deux adolescents parvinrent à la maison de Christian, cela c'était fait sous l'insistance de Cézanne. La jeune fille redoutait la réaction de sa mère face à sa robe taché, à son allure négligée et la forte odeur d'alcool qui imprégnait son vêtement.
Christian et Cézanne montèrent les escaliers du perron, personne ne parlait à l'autre. L'atmosphère était presque glaciale. Le jeune homme n'avait rien à reprocher à sa camarade, au contraire il comprenait qu'elle ne voulait pas regagner son logis. Affronter son parent n'était guère un premier choix. De plus, le jeune homme était tout aussi peu quiet, il ne savait comment sa mère accueillerait cette visite impromptue malgré les brèves explications qu'il avait donné avant son départ.
Lorsqu'il sonna à la porte, son cœur ne pouvait s'empêcher de battre. Cette situation lui était appréhensive. Cézanne était derrière lui, examinant rapidement la maison devant laquelle elle se trouvait. Rien de bien extraordinaire, des murs blancs et des appliques aux esthétiques industrielles.
La porte s'ouvrit avec un rapidité inattendue, madame Martin eut un visage soulagé lorsqu'elle vit son fils.
— Bonsoir mam's, déclara Christian en traversant la porte, suivie par Cézanne.
— Mais où étais-tu Christian Martin ! ? Tu es partis sans donner plus ample explication ...
Soudainement, le visage de madame Martin s'illumina. Une jeune fille ? En plus aux côtés de son fils ? Ses prières auraient été exaucées ! ? Son regard devint étincelant. La mère de Christian accueillit l'amie de Christian avec des formes de politesses toutes aussi mièvres les unes que les autres, ce qui détendit la jeune fille qui n'arrêtait plus de sourire.
— Chris tu aurais dû nous dire que tu ramenais une fille, déclara-t-elle sans pour autant cesser de sourire, je vous aurais préparé des tisanes, avec ce temps qui court, cela vous aurez fait du bien. Donnez-moi votre manteau jeune fille, dit-elle en aidant Cézanne à l'enlever. Désirez-vous quelque chose renchérit-elle en lui offrant un sourire aussi large que Christian n'en avait plus vue depuis des années.
L'excitation de madame Martin était débordante. Elle souriait et riait. Elle avait l'aura de ces personnes joyeuses et faciles à vivre. Son fils en fit la remarque.
— Qui est-ce ? demanda, Patrick venant du salon.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top