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Depuis sa jeune enfance Mattéo Devis avait toujours voué son temps à ses études. Son père, qui était son seul parent, rêvait pour son fils une carrière comme il n'en avait pas eu. Peut-être un ingénieur, ou alors un médecin. Encore mieux, un éminent professeur. Toujours était-il que son fils se devait d'exceller là où il n'avait pas put briller, c'était la raison pour laquelle il était intransigeant et rigoureux. Que ce soit dans le domaine scolaire ou dans ses relations amoureuses. Son père attendait toujours de lui qu'il ait des compagnes à la hauteur de ses aptitudes intellectuelles. Car un Devis se devait d'avoir une femme autant instruit qu'il ne l'était. Et jamais Monsieur Devis ne se serait imaginé un homme aux bras de son rejeton. Pour lui, c'était impossible. Un homme se devait d'avoir une femme. Ce n'était pas pour rien que derrière chaque grand homme se cachait une grande femme, et Mattéo ne ferrait pas exception à la règle. Il n'était pas sans l'ignorer. Sauf que la réalité était tout autre et Mattéo Devis en avait peur.
Depuis son baiser avec ce personnage détestable, antipathique, snob, qu'était Christian Martin, il ne parvenait plus à accorder sa concentration à une tierce chose. Dans son esprit, c'était celui qu'il considérait comme son ennemi qui dévoyait l'homme intègre qu'il était. Ce baiser que lui avait donné Christian avait changé quelque chose en lui. Qui plus est, il lui semblait avoir plus que apprécié cela. Il avait tenté de refouler cette joie, ce sentiment de plénitude, sauf que cela lui était impossible. Ce qu'il ressentait pour son ennemi était bien plus fort que la joie qu'il éprouvait lorsqu'il ramenait de bon résultat à son père. C'était même plus fort que le plaisir de taquiner Christian. Et il devait s'avouer qu'il en avait peur. Il ne pouvait ressentir quoique ce soit pour un homme. Son père lui répétait sans cesse que c'était contre nature. C'était abjecte. Il ne devait pas devenir une tarlouze comme Christian. Il ne lui restait qu'une chose, le sortir de son esprit. Christian Martin devait quitter ses pensées et par la même occasion ne plus bouleverser son esprit. Mais comment pouvait-il y parvenir alors que dans son esprit, il n'y avait que lui en longueur de journée ?
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Il eut un long moment de silence stupéfait. Christian fixait toujours ce message avec cet intérêt étrange. Il ne faisait aucun doute, Mattéo Devis en était l'auteur.
— Qu'est-ce qui t'arrive Chris, ça ne va pas ? lui demanda Cézanne au vue de sa mine pantoise.
Malgré la question de son amie, Christian ne s'était guère remis de ce message. Il arborait toujours cette figure pétrifié par l'inattendu. C'était bien évidemment Mattéo Devis, cet hétéro doublé d'homophobe qui lui faisait une telle proposition. Était-ce croyable ? C'est inimaginable. C'est un rêve ! ?
— Qu'est-ce que t'as ? lui demanda une Cézanne plus inquiète, qui voulait récupérer de ses mains le smartphone.
C'est à ce moment que Christian se raisaisit, lui refusant vivement son téléphone, le gardant dans sa poche. Et sans toute autre explication, il proposa à Cézanne de quitter le café.
♧
Le vent soufflait avec douceur. C'était une brise sèche mais froide, celle qui vous faisait ressentir de l'inconfort à chaque inspiration. Christian et son amie descendaient une rue pour rejoindre leur quartier. Il y avait toujours peu de personne à l'extérieur. Des livreurs, des hommes et des femmes aussi pressés que les aiguilles indiquant les secondes, et des jeunes adolescents qui se plaisaient à prendre des photos malgré le temps inconfortable.
Christian éclaircit sa voix, et humecta à nouveaux ses lèvres. Un bruit l'interrompit. C'était un toussotement, un petit toussotement discret mais qui eut pour effet de le stopper en plein élan. Il regarda Cézanne, qui se racla de nouveau la gorge.
— Tas mal à la gorge, lui demanda-t-il en lui remettant son écharpe.
— Non, ça va, ne te dérange pas, ça passera, répondit la jeune fille avec une voix morose.
— T'es triste pourquoi ? demanda Christian sans toutefois la regarder, les yeux fixés devant lui.
— Pour rien...
— Bah si t'as rien, ne tire pas une si mauvaise tronche. Sourit, lui conseilla son ami.
Cependant, malgré cette suggestion de Christian, Cézanne paraissait toujours autant chagriné. Le jeune homme se demandait les raisons de ce comportement. Était-ce dû au fait de sa réaction envers elle dans le café ?
— Cézanne, si c'est pour ce qui c'est passé dans le café, ne le prends pas mal mais c'est juste que...
— Nous ne nous sommes jamais rien caché Christian, tu ne m'as jamais refusé l'accès à ton téléphone, je me suis senti exclue face à ton geste. Qu'est-ce qui t'as autant déstabilisé et que tu essayais de me cacher ? C'est quelqu'un de la classe qui t'as encore emmerdé... Ou alors c'est une situation avec tes parents ? Si ce n'est pas ça, c'est un problème avec tes notes...
Christian était déconcerté face à tant de question. Il ne savait à laquelle répondre, parce que dès qu'une naissait, aussitôt elle mourrait, donnant place à une nouvelle. Cézanne était vraiment bavarde, se dit-il. Malgré sa volubilité qui ne lui était plus étrangère, il ne la savait pas autant curieuse. Il était désorienté par cette Cézanne qui s'était laissée emporter par le chagrin car elle n'était guère dans la confidence. Cette facette lui était nouvelle. Il était bien vrai que côtoyer une personne durant des années ne pouvait donner la prérogative de la connaître. Lui-même en était la preuve. Un hétéro aux yeux de Cézanne.
— ...vois-tu si tu as une situation difficile que tu traverses, je suis là pour toi. Je te comprends. N'aie pas peur de me confier ce que tu ressens, les amis sont là pour ça... Nous serons comme Hannah et Lilly... c'est vrai que toutes les deux sont des filles mais tu vois où je veux en venir... ou alors il serait mieux de chercher un exemple avec un garçon et une fille... Tu crois que Disney en a beaucoup ou peut-être pas... Dans ce cas...
Cézanne n'avait toujours pas cessé de monologuer. Elle semblait perdu dans des analyses et suggestions qui agaçait son compagnon. Il ne souhaitait qu'une chose, lui demander de se taire. Sauf qu'il fut réprimé par sa conscience qui lui rappelait qu'il était la cause de cette situation. Alors il la laissa continuer à s'épancher sur des sujets qui n'avaient guère de lien, dont la cohérence ne trouvait que de sens dans les oreilles de Cézanne.
— ... mais tu vois où je veux en venir Chris...
— Cézanne nous sommes arrivés, c'est ici que nos chemins se séparent, déclara de la manière la plus courtoise Christian, on reparlera de cette histoire un autre jour.
Effectivement, il furent à quelques mètres de la maison de Cézanne. Tous les deux vivaient dans le même quartier, sauf que quelques pâtés de maison les séparaient. Cézanne ne contesta pas cette décision et salua, toujours autant chagriné, son ami, puis continua son chemin. Christian avait prétexté avoir une dernière course à faire pour justifier le fait de ne pas pouvoir la raccompagner jusqu'à chez elle et remonta la rue qu'ils avaient descendus. Il ne désavoua pas sa joie d'avoir le silence maintenant que son amie l'avait quitté, qui plus est il ne pouvait s'empêcher de penser au message insensé de cet hétéro de Mattéo Devis.
♧
Ils s'étaient passé trente minutes durant lesquelles il avait essayé de répondre à ce message dont il ne comprenait pas toujours les motivations, sauf qu'il n'y était pas arrivé. Tous les messages qu'il avait rédigé, il les avait effacé. Tournant sur son lit, ne sachant véritablement que faire. D'une part, il souhaitait s'ouvrir à cette invitation car malgré son inimitié pour Mattéo il ne pouvait réprouver l'attirance qu'il avait pour son physique. Pourtant l'injonction de sa raison était formelle, il ne devait point répondre à son message. Cela pourrait être une piège. Christian se disait qu'il ne devait pas oublier que Mattéo Devis était le pire des homophobes. C'était pourquoi il l'avait tout bonnement « laissé en vue. ».
Vingt heures avaient marqué le temps. Christian se levait à peine d'une sieste de quelques heures, son ventre criant famine, agités par des contractions d'un inconfort profond. Il se décida à descendre les escaliers et se retrouva dans la cuisine. Ce jeune homme à l'allure négligé – bas de pyjamas, t-shirt très ample et bouche grande ouverte voulant avaler le monde – ouvrit de manière nonchalante le frigo et but au goulot – manquant de s'étouffer – un jus d'orange.
Ce furent des chuchotements qui lui indiquait la présence de ses parents – qui étaient rentrés de leur voyage. Il avait dormit profondément – comme à son habitude – et n'avait pas été réveillé par leurs bruits. C'était bien là l'une de ses caractéristiques, il dormait tel un mort.
Monsieur et madame Martin étaient assis devant la télévision, s'intéressant très peu à l'émission de cuisine qui était diffusé. Ils étaient absorbés par leur conversation.
— ... c'est vrai Patrick, mais c'est tout de même étrange. Christian ne nous a jamais présenté de fille, encore moins il ne nous a parlé d'une relation. Tu ne peux nier que cela est bizarre.
— Ce sont des choses qui arrivent, peut-être n'est-il pas prêt, émit monsieur Martin avec un ton qui essayait de rassurer sa femme.
— Patrick, quelque chose cloche, je le sens ici, dit-elle en frappant sa poitrine, au fond de moi. Christian n'est pas comme tout les garçons... J'espère sincèrement qu'il n'est pas ce que je crois patrick... car je ne pourrais le supporter... Ce serait une abomination, je ne veux pas de ça chez-moi !
Monsieur Martin essayait tant bien que mal de raisonner sa femme, mais il était bien trop tard. Car elle craignait une vérité dont elle savait au fond d'elle la réalité. Et une chose était sûre, sa décision était prise. Il était hors de question pour elle de tolérer une telle abomination.
Christian Martin remonta les escaliers, les larmes aux yeux, sans aucun bruit. La conversation qu'il avait surpris hantait ses pensées. Sa mère, cette femme qu'il aimait tant, qualifait sa nature d'abomination. Pourrat-il réellement être lui-même devant elle ? Accepterai-t-elle de l'accueillir, lui, un gay ? Non, il devait s'y résoudre. Sa nature l'éloignerait d'elle. Mais être gay, il ne l'avait pas choisi. Cela était naturelle, intrinsèque à ce qu'il était. sauf que ça sa mère ne pourrait jamais le comprendre.
Il était gay... elle une homophobe viscérale.
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