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Ce matin, monsieur Devis avait décidé d'accompagner son fils à son lycée, chose qui n'était pas dans ses habitudes. Peut-être était-ce dû au fait qu'il n'avait point ouvert la porte lorsque ce dernier était rentrer après leur échange houleux ? Nul ne le saura jamais.

L'atmosphère était froide, personne n'osait adresser la parole à l'autre. Chacun fixait la route. Seul la radio crachait un flot continu de parole.

- ... ce matin encore la police est à la recherche du leader du groupe extrémiste des casseurs de pédé. Il est en cavale, et gravement blessé. Les autorités demande à toute personne l'ayant aperçue ou ayant des informations pouvant aider à sa capture de les contacter.

Monsieur Devis maugréa des paroles incompréhensibles. Il avait une mine dure, qui ne laissait présager aucune joie. Bien au contraire.

- Pour une fois qu'il y'a des gens qui font preuve de bon sens, ils veulent les parquer dans des cellules.

Matteo resta interdit. Il n'arrivait point à croire que son père soutenait des personnes qui avaient ôter la vie à d'autres sous prétexte que ces dernières étaient différentes et assumaient cela.

Comment pouvait-on se réjouir ou supporter des hommes à la masculinité toxique qui ont torturé, humiliés, d'autres hommes qui ne demandaient qu'à être eux-mêmes. Comment pouvait-il apporter son soutient à des hommes qui bafouaient la dignité humaine ?

Mattéo fut révulsé, indigné, qu'il ne put se retenir de parler.

- Ils ont ôter la vie à d'autres personnes...

- Personne qui étaient des gays !

La réponse de son père ne le choqua pas plus qu'il ne l'était déjà, encore moins sa voix amère et dure.

- Il n'en reste pas moins que ce sont des personnes qui avaient des familles, des enfants, des proches...

- Et qui étaient gays. Et les gays ne méritent pas de vivre, ce sont...

- Je suis gay ! avait-il criée.

La voiture freina dans un grincement assourdissant.

Parle à Cézanne, car vaut mieux une vérité qui blesse qu'un mensonge qui détruit.

Cette pensée de son père ne voulait plus quitter son esprit. Elle s'était imprégnée en lui. Elle refusait de le délaisser. Accoudée à la balustrade du balcon donnant à la cour, tournant le dos à cette dernière, il paraissait impassible, mais ses jointures blanchies dévoilaient sa détresse.

Christian Martin expira avec lassitude, puis ouvrit les yeux. Un flot de souvenir l'assaillit : le jour où il avait demandé à Cézanne de sortir avec lui... les moments tendres auprès de Mattéo... ses aventures avec Daniel... les conseils de David... Mélissa qui l'a surpris... les conseils de Mattéo... la discussion avec son père... le visage de sa mère.

Christian se mit à pleurer... en silence. Il ferma les yeux. Son corps tressaillait. Puis sa voix devint audible. Il se laissa aller aux bras de la lamentation.

La culpabilité était un poignard acéré qui nous mettait face à nos perfidies, et s'excuser devenait un exercice difficile. Sauf qu'il avait déjà pris sa décision et il savait qu'elle comportait des risques. C'était l'unique solution qui lui était possible. Il avait été la source de toute cette machination. Maintenant il devait se jeter à l'inconnu. Qu'importe si il perdait Cézanne, cette amie qu'il aimait, même si ces actes ne l'avaient pas démontré.

Une vague de panique le saisit. En avouant sa faute il risquait trop, il remettrait en jeu tout ce qu'il avait construit. Mieux il se taisait. Personne n'en souffrirait, il s'épargnerait bien des tourments.

Cette idée l'enchanta. Pourtant... l'hésitation était toujours présente. Il était déchiré par ses contradictions. Se taire serait puérile. Sa lâcheté l'aura emporté. Jusqu'à la fin il le regretterait, il en aurait honte. Il ne pouvait plus se permettre d'hésiter. Une décision s'imposait. Il devait la prendre sur le champs et il devait s'y tenir quelques qu'en soit les conséquences.

Il s'ébroua. Une voix captiva son attention. Cette intonation, cette façon d'epeler les lettres qui composaient son nom, ce frisson qu'il ressentait, nul doute c'était Mattéo Devis.

Mattéo avait un sourire qu'il fit vite de perdre lorsqu'il constata l'état de Christian.

- Tout va bien Chris ? s'empressa-t-il de lui demander en ne pouvant s'empêcher de le toucher.

- Ouais t'inquiète.

Cette réponse n'eut guère la force de le calmer. Au contraire, il s'inquiéta davantage.

Christian se tint droit, les mains enfoncés dans sa poche, serrant la lettre s'y trouvant. Il se retourna vers la cour et les élèves s'y trouvant. Il contemplait cet espace sans réelle convoitise. Il n'était qu'intéressé par le chaos dans sa vie et l'ordre qu'il devait y mettre.

Mattéo ne sachant quoi faire en fit autant. S'accoudant en plus à la balustrade, s'attachant pour sa part aux nuages sombres et à la lumière indécise qui les balayait quelques fois.

- Ce n'est pas un temps pour sortir sans parapluie...

Christian rit. Un petit rire. Un rire sincère.

- Ce n'est que tout ce que tu as pu trouvé pour lancer le débat ?

Mattéo fut fier. Voir Christian affiché pareil sourire le réconfortait. Cela avait même le don de lui faire oublier ce froid glaçant. Christian était beau lorsqu'il souriait, est-ce qu'il le savait ? À sa question, Mattéo ne put avoir de réponse. Toutefois, il se contentait de ce sourire si beau... si franc.

- C'est la seule merde qui m'est venue en-tête j'avoue...

Christian se sentit chanceux d'avoir Mattéo à ses côtés. Seul lui pouvait lui apporter cette légèreté par pareil moment. Il était une belle âme, si transparente, si vraie.

Christian se dit qu'il ne méritait pas un tel homme dans sa vie. Mattéo était trop bien pour lui. Lui, qui on dirait était un descendant de Scapin. Monter pareille machination. Pourquoi donc ? Par égoïsme. Il était un homme si bas.

- Tu souhaites en parler ? demanda Mattéo un coup d'œil pour Christian.

- Non, t'inquiète. Je sais ce qu'il me reste à faire à présent, lui chuchota-t-il à l'oreille.

Devis sourit à Christian. Le sourire de ce dernier sur sa peau l'émoustilla. La sensation lui était plaisante. Il ne pouvait le cacher ce que remarqua son copain qui en fût fier.

Christian s'était apaisé, ses traits s'étaient détendus, son corps était plus souple. En dépit de ses appréhensions, il avait pris sa décision. Avouer sa bassesse et demander des excuses représentait son seul espoir de salut. Quoi qu'il lui en coûtait, elle n'allait pas fuir. Il allait fair face aux conséquences de son égoïsme.

- Tu viens, nous avons un cours dans quelques minutes.

Mattéo lui tendit la main, allègre Christian la prit. Devis en fut ravis. Les deux garçons se mirent à avancer en ne cessant de sourire, main dans la main, se moquant de si on pouvait les apercevoir. Ce fut à cet instant qu'une voix les interpella.

- J'ai besoin de te parler Christian.

Cézanne était toute vêtue de noir. Une teinte loin de celles pétillantes qu'elle arborait chaque jour.

Mattéo regarda Christian. Des yeux, ce dernier le rassura. Il pouvait les laisser seuls. De toute les façons, il devait lui parler. Que ce soit ici et maintenant cela ne changerait rien à sa décision.

- Je t'attends en classe.

- D'accord, déclara Christian en laissant son regard suivre Mattéo qui s'en allait.

Lorsque Mattéo fut assez loin pour ne pas avoir l'oreille indiscrète, Cézanne se décida à délier sa langue.

- Donc c'est vrai, toi et Mattéo Devis êtes belles et bien amant !

Christian resta interdit, figé, glacé. Il n'arrivait à croire ce que venait d'entendre ses oreilles.

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