12

—  Christian Martin, tu as des explications à me donner, déclara sa mère à peine avait-il fermé la porte derrière-lui.

Madame Martin était prêt de la fenêtre donnant sur l'extérieur, les doigts lâchant à peine le rideaux qu'elle tenait. Elle était visiblement froissée.

—  Alors je t'écoute ! Explique-moi ce que tu faisais. 

Il était dans la merde, se dit Christian Martin. Il transpirait littéralement de peur, il ne savait quoi répondre, par où commencer, quoi dire. Le regard froid de sa mère était une source d'appréhension. Qu'avait-elle bien pu voir ? Le voile sombre de cette nuit n'avait-il pas été assez dense pour les préserver des regards indiscrets ? Apparemment, non ! Il ne put s'empêcher, à l'instant, de penser que c'était la faute à Devis. Il regrettait déjà d'avoir apprécié son baiser. 

—  Ce n'est pas un bon comportement Christian...

—  Maman je...

—  Ne m'interromps pas jeune homme. Pourquoi n'es-tu pas galant ? Tu aurais dû lui proposer de l'accompagner sans qu'elle ne te le demande. Et en plus, ça fait des heures que la pauvre Cézanne t'attends dans le salon, et tu ne daignes pas répondre à ton téléphone. Tu devrais changer d'attitude avant qu'elle ne te quitte !

Christian Martin sentit la pression sur ses épaules redescendre. Le poids qui rendait son cœur lourd ou même encore la sensation d'inconfort au niveau de son ventre disparu. C'était un soulagement. 

—  Je n'avais plus de batterie, désolé. Mais attend, Cézanne est là ? Qu'est-ce qu'elle fait ici ? demanda étonné le jeune homme. 

— Et en plus monsieur à la toupet d'oublier qu'il doit accompagner sa copine à une soirée. Tu ferais mieux d'aller prendre une douche et de t'apprêter. Ton smoking est sur ton lit. 

—  Mais, je...

—  Christian Martin tu ferais mieux de monter maintenant, ne discute pas avec moi !

Le jeune homme se résigna à grimper les escaliers, non sans témoigner son agacement en maugréant des paroles incompréhensibles. Il avait à peine eu le temps de remarquer Cézanne qui était assise sur le canapé, dans le salon, qu'il était déjà dans sa chambre. 

Il avait terminé de prendre sa douche, toujours avec ce rictus de colère. Cézanne lui avait fait un coup de merde, se répétait-il mentalement. Arrivé dans sa chambre, il débrancha son téléphone et ouvrit la messagerie pour lui écrire :

  C'est quoi cette histoire Cézanne ? D'où tu te pointes chez-moi et d'abord c'est quoi ce bordel ? 

—  Ce n'est pas de ma faute, c'est ta mère qui a insisté.     

—  Mais de quoi tu parles ?

—  J'étais venu lui apporter un gâteau pour la remercier de sa tarte de l'autre fois, elle m'a questionné sur ma tenue et je lui ai simplement expliqué que je me rendais à une soirée. Puis elle m'a demandé pourquoi j'y allais seule, je lui ai répondu que tu n'aurais pas sûrement le temps, et elle m'a affirmé que maintenant qu'elle le savait tu en aurais. 

Christian sentit sa chair mouler sa mâchoire, il toucha l'arrête de son nez puis expira bruyamment en se laissant tomber sur le lit. Il n'y avait que Cézanne pour être si agaçante.

Christian descendit les escaliers, toujours autant irrité, habillé du costume noir que lui avait apprêté sa mère. Des éclats de rire lui parvinrent en descendant la dernière marche. Cézanne et ses parents étaient hilares. Il sourit malgré lui. À chaque fois que Cézanne venait chez lui, cette maison était plus chaleureuse et cela le rendait fier. 

—  Alors, qu'est-ce qui vous fait autant rire ? demanda Christian en se montrant enfin. 

—  Mon chéri, c'est cette chère Cézanne et ses anecdotes, déclara sa mère en se retournant vers lui.

Martine Martin eut le souffle coupé. Cette dernière tout comme Cézanne avait le regard fier et admiratif lorsqu'il fit son entrée dans le salon. Il ressemblait à un de ces acteurs célèbres performant sur le photocall. 

—  Tu es magnifique mon chéri, il te va bien ce smoking, dit-elle en avançant vers lui.

— Merci, répondit-il timidement. 

—  J'ai proposé à tes parents d'organiser un pique unique ce week-end. On passera du temps en famille mon chéri, déclara Cézanne en les rejoignant pour enlacer Christian.

Delavallée était entreprenante et cela était inconnu à Christian. Il était mal à l'aise face à ses gestes et ses mots, sauf qu'il ne pouvait rien émettre comme critique au risque de voir ses parents devenir suspicieux. Il se contenta de feindre. 

—  C'est vrai ma chérie, tu as une bonne idée, dit-il en la regardant tout en se forçant à sourire. 

— Qu'ils sont mignons Patrick, ne trouves-tu pas ? Attendez, émit Martine un regard émue, en se retournant vers son mari. Prends les en photos chéri. 

Ce que ne tarda pas à faire monsieur Martin. 

Sous la lumière chancelante des lampadaires Christian marchait en compagnie de Cézanne qui tenait la tarte préparée par la mère de ce dernier. Elle était censé la remettre à son cousin, sauf qu'elle avait décidé de la dévoyer. 

Christian Martin était pensif. Il repensait à cette matinée avec Mattéo et depuis il n'arrivait plus à avoir d'autres idées. Car cette soirée à laquelle il se rendait le laissait indifférent. 

—  Tu n'as pas ouvert la bouche depuis qu'on a quitté la maison. 

—  J'ai pas envie de parler, avait-il répondu sèchement en la regardant.

Il constata mieux l'effort qu'avait réalisé Cézanne dans sa mise. Elle portait une robe en mousseline orange dévoilant ses épaules, ses cheveux étaient remontés en un chignon négligés volontairement, et un ras du cou la sublimait. Le jeune homme trouvait que cela lui allait bien. 

—  Qu'est-ce qu'il y'a ? demanda Cézanne en étant perturbée. 

—  Rien, tu ferais mieux de te dépêcher si nous désirons être à l'heure, déclara-t-il en pressant le pas.    

Cézanne lui sourit faussement, jouant celle qui ne lui reprochait rien alors qu'en elle se déversait une colère qu'elle retenait avec une étonnante maestria.    

Le couple arriva à la fameuse fête donné par Daniel, le cousin de Cézanne. Elle avait lieu dans le jardin de la mère la jeune fille. C'était en comité restreint de ce qu'avait pu constater Christian. Il y avait une table au centre du jardin, comptant six chaises. Et l'atmosphère qui se dégageait était paisible grâce aux guirlandes de lumières suspendues sur une tonnelle en bois dont le tissus blanc en lin retombait sur le gazon. Le jeune Martin remarqua également que la famille Delavallée avait fait appel à un service traiteur. Des jeunes filles en uniforme aussi strict que noir, portant des plateaux avec des gangs blancs, se tenaient près des marches reliant le jardin à la salle de séjour. 

Christian prit place à l'endroit que lui indiqua Cézanne. En face d'eux se trouvait une jeune fille brune près d'un siège vide. La mère de Cézanne n'était toujours pas là tout comme la personne occupant le siège en face d'elle.

La gêne était palpable. Aucun n'avait ouvert la bouche. La jeune fille brune, avec un cou fin et la silhouette d'un mannequin, manipulait son téléphone et jetait par intermittence de rapide coups d'œil aux deux adolescents. Elle paraissait avoir quelques années de plus que ces derniers, peut-être deux ou trois ans. Cézanne, elle, souriait comme ces hôtesses d'aéroport et Christian Martin ne savait guère la raison. Il supportait mal cette situation, elle lui était inconfortable. Il demanda les toilettes, Cézanne les lui indiqua.

Lorsque son copain quitta la table, Cézanne ne tarda pas  à être abordée par la jeune fille en face d'elle.

—  Alors tu as réussis à finalement faire venir ton copain, confirma enjouée la brune.

—  Ah Mélissa, rien ne m'est impossible. Je t'avais dit qu'il serait là, non ? J'ai découvert son point faible. Avec Chris il faut passer par la mère pour obtenir du fils ce que tu désires, répondit-elle amusée. 

Mélissa regarda Cézanne, elle ne put refréner son sourire face à cette adolescente pleine de malice. 

—  D'ailleurs où est ton copain et le reste des invités ? demanda Cézanne en tournant la tête de droite à gauche.

—  Pour ce qui est de ta mère et de son père j'en ai aucune idée, mais Daniel est allé jogger et il n'est toujours pas revenu. 

—  Il aurait pu se donner plus de peine pour ne pas nous faire attendre, dit-elle en feignant être affectée. 

— Tout le monde aurait put se plaindre, sauf toi. Tu as quitté la soirée du Marais sans le prévenir.

Mélissa marqua une pause, puis reprit.

— Il m'a fait part de ton comportement, tu es partie sans le lui dire alors que tu avais insisté, je m'en souviens, pour l'aider à récupérer Daemon à cette fête dans le Marais. D'ailleurs, je me demande toujours pourquoi tu es y allé alors que ça ne te ressemble pas de laisser le diner pour porter secours à une personne, de plus ta mère n'était pas là, donc tu aurais pu manger sans être dérangée.

Cézanne esquissa un sourire. Sacrifier un diner copieux était le prix à payer pour attirer Christian Martin. 

—  Cette fête m'a été très utile, déclara Cézanne avec un sourire pervers, c'est tout ce que je puis te dire.

Son attitude amusa Mélissa qui intérieurement se fit la réflexion qu'elle n'avait toujours pas, depuis qu'elle la connaissait, réussit à cerner Cézanne. 

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