11
— Désolé, s'excusa Devis faussement dérangé par cet incident. Au contraire il en était fier.
Depuis ce matin où Christian Martin lui avait parlé comme à un moins que rien, Devis ressentait une vive et ardente animosité à son encontre. Il avait d'abord été saisis par une tristesse qui l'avait abattu sauf que très vite cette dernière s'était transformée en une vicieuse envie de vengeance.
Le comportement de Mattéo n'avait guère surpris Christian. Ce gay refoulé se comportait comme la pire des canailles. Mattéo Devis était un enfoiré de première, et s'il souhaitait se battre ce n'étais pas lui qui allait lui refuser de croiser le fer.
Ce fut avec une rapidité non attendu que Christian Martin donna une droite à Devis - qui toucha de suite la zone endolorie, foudroyant des yeux Martin. Le réfectoire, littéralement, se déchaîna. Ça criait, ça envenimait, ça filmait, ça tapait des plateaux sur les tables, mais surtout ça patientait, attendant une réaction de Devis. Ce dernier ne tarda pas à satisfaire l'appétit de ses camarades. Avec la violence qui lui était habituelle - celle des barbares sans retenu - il se jeta sur Christian en lui administrant un coup de tête, amenant ce dernier à vaciller. Sauf qu'il se reprit et donna un coup de pied dans le service trois pièce de Mattéo qui sortit des yeux d'une manière qui amusa plus d'un et qui fit serrer les dents à d'autres.
Devis porta ses mains vers la zone douloureuse, il avait le souffle coupé et des larmes aux bords des yeux. Christian Martin ne regretta pas son geste, bien au contraire il pensait avoir donné la leçon idoine à cet imbécile de Mattéo Devis. Sans perdre plus de temps, le jeune Martin décida de rejoindre sa place sous les acclamations de certains. C'est à ce moment qu'il entendit Cézanne crier : « Chris, attention ! ». À peine s'était-il retourné que Devis l'avait plaqué. Christian était tombé sur ses coudes - sur lesquelles instinctivement il avait pris appuie. La douleur fut telle qui ne put s'empêcher de lancer un cri qui avait eut le pouvoir de consterner la salle. C'est à ce moment, que le proviseur - monsieur Blanchet - fit irruption dans le réfectoire avec pour seule question :
— Qu'est-ce qui se passe ici ?
♧
Christian Martin s'était retrouvé sur le lit de l'infirmerie. Le proviseur avait contraint Mattéo à accompagner ce dernier chez l'infirmière du lycée. Cette jeune femme s'était absentée, pour une raison qui avait échappé aux deux adolescents, sauf qu'elle avait précisé ne pas tarder et avait confié à Devis la mission de surveiller son camarade jusqu'à son retour. Les deux jeunes hommes se regardaient comme des chiens de faïence. Personne n'avait adressé la parole à l'autre.
De manière soudaine Christian Martin ne put retenir un petit gémissement alors qu'il prenait appuis sur ses coudes pour s'asseoir.
— Attends j't'aide, émit Devis en voulant assister Christian.
— Fou-moi la paix idiot, refusa avec violence le jeune Martin.
— Mais arrête d'faire le con, je vois bien que tu peines à t'assoir.
Christian Martin ne rechigna pas et se laissa aider sauf qu'il avait toujours une mine froissé.
— Je suis désolé de t'avoir fait ça, déclara d'une demie voix et les yeux baissés Devis.
Christian fit la sourde oreille. Il l'ignorait.
— J'essaye de m'excuser là, s'emporta presque Mattéo. Tu m'écoutes ?
— Non, je suis sourd, avait déclaré Martin sous une pointe d'ironie.
— T'as de la chance que t'es mal en point.
— Ah ouais, t'aurais fait quoi ? J'aurais bien aimé voir ça, répondit Christian.
— T'es qu'un petit con Martin, qu'est-ce que tu ne comprends pas ? Hein qu'est-ce que tu ne comprends pas ? entama Devis avec difficulté, cherchant ses mots, s'exprimant presqu'avec lamentation. Je te kiffe bordel, je te kiffe mais toi... toi tu fais toujours autant ton Christian, tu te comportes mal avec moi et tu me pousses à être violent avec toi, alors que je te kiffe. Je t'ai dans la tête h24, et toi tu me blesses en me repoussant comme de la merde. T'es qu'un p'tit con.
Christian n'émit aucun mot. Pas parce qu'il ne le souhaitait pas, mais parce qu'il était troublé par ce que venait de dire Devis. Cela lui semblait sincère, mais tout de même irréel. C'est à ce moment que l'infirmière ouvrit la porte, une poche de glace dans sa main. Elle congédia Devis et se mit à s'occuper du jeune Martin.
♧
Christian Martin avait passé le reste de la journée à l'infirmerie, lorsqu'il en sortit le lycée était presque vide, il restait justes quelques élèves qui traînaient dans les couloirs. Même Cézanne était déjà rentrée après être passée le voir. L'infirmière avait affirmé à Christian qu'il se remettrait vite, qui plus est il n'avait plus autant mal qu'au début.
En sortant du lycée, l'un des gardiens ferma le portail après lui, il pensa à ce moment qu'il devait à présent marcher seul jusqu'à chez-lui.
— Donnes-moi ton sac.
C'était Devis qui venait de s'adresser à lui en prenant, sans attendre sa réponse, son sac à dos. Il passa devant lui et se mit à marcher. Ce qui étonna Christian qui ne put décocher un mot durant les premiers instants.
— Qu'est-ce que tu fous encore là ?
— ...
— Oh, je te parle ? Tu m'écoutes ?
— Non, je suis sourd, avait répondu avec sarcasme Devis.
Ce persiflage au lieu d'être mordant pour Christian lui parut amusant. Il en riait.
— Je croyais que tu ne savais que répondre avec tes poings.
Devis haussa les épaules. Son petit sourire n'échappa pas à Christian qui fut troublé par ce dernier même s'il ne laissait rien paraître.
Les deux jeunes hommes se mirent à marcher et rejoignirent assez vite leur quartier. À présent il était devant la maison de Christian. Elle était illuminée par les lumières se dégageant de l'intérieur. Ce qui était le cas des autres maisons se trouvant aux alentours. Malgré cela la rue était vide, ils n'y avait pas âmes qui vivent.
— Bon, je crois que t'es arrivé chez-toi, dit timidement Devis en se grattant la tête.
— Ouais, je pense que c'est évident, répondit mi-amusé, mi-gêné Christian.
— Je suis déjà en retard pour mon boulot mais je ne veux pas toujours te quitter, ajouta Mattéo en se rapprochant de Christian. Mon boss va sûrement me remonter les bretelles
Christian Martin fut gêné par ce rapprochement car il provoquait en lui un inconfort qu'il n'arrivait pas à expliquer.
— Mais pourquoi avoir tardé au lycée dans ce cas ? demanda-t-il en fuyant le regard de Mattéo.
— Parce que je ne voulais pas risquer de te manquer lorsque tu sortirais, je tenais vraiment à m'excuser pour tout à l'heure. Je suis allé trop loin, désolé. continua-t-il en se rapprochant davantage de Christian.
L'espace qui séparait les deux garçons était mince, infiniment mince. Devis posa ses doigts sous le menton de Christian et amena le jeune Martin à le regarder dans les yeux. Christian voulut lui demander d'arrêter mais son corps ne lui obéissait plus. Il souhaitait satisfaire ce besoin que pouvait combler Devis. Sans surprise Mattéo déposa délicatement ses lèvres sur celles de Christian - qui ne put tenir et devint plus entreprenant. Les deux garçons s'embrassaient à pleine bouche, les yeux fermés, avec langueur.
Lorsque Mattéo mit fin au baiser, Christian le regretta. Devis regarda une dernière fois cet éphèbe, embrassa sa joue, puis il s'en alla en se disant que les choses qu'il ressentait pour Christian Martin n'étaient pas qu'une simple appréciation. C'était bien plus fort que cela.
Dans cette nuit à l'abri de tout regard, se disait Christian Martin, il trouva les attentions de Mattéo plus plaisant qu'il ne voulait se l'avouer. Son cœur battait d'une manière qui lui était inconnue, était-ce dû à ce baiser ? Il n'en savait rien. Tout de même, ce Devis pouvait être irréfléchis dès fois, se mit-il à penser. L'embrasser devant sa maison, on ne pouvait pas faire plus inconsidéré comme acte. Heureusement, que personne n'avait pu voir ce qu'ils avaient fait, se dit soulagé Christian en gagnant l'intérieur de sa maison. Sauf que cela c'était ce qu'il croyait.
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