12.

« Il est comme une tumeur,

il évolue,

doucement ...

Il ronge,

lentement ... »











18 FÉVRIER

Paul entra en trombe dans le poste. Tous les regards se braquèrent sur lui, il ignora et se dirigea droit vers le bureau du shérif, il était certain de son coup. Il était persuadé que les enfants se trouvaient dans la forêt, dans l'enfoncement d'un rocher au pied de la grande montagne. Dire qu'avant, cette ville était convoitée par les touristes ... à présent, cette montagne n'inspirait plus confiance, surtout depuis tous ces corps que l'on retrouvait ensevelis près de celle-ci, comme celui de Bella. Paul chassa cette image de sa tête et ne prit pas la peine de frapper à la porte. Il entra dans le bureau. Le Shérif releva la tête vers lui, un sourcil haussé.

— Paul ? T'es censé être de repos aujourd'hui, qu'est-ce que tu fais là ?

— Je sais, mais il faut qu'on aille chercher les enfants, s'empressa-t-il de répondre.

— Je te demande pardon ? On essaye de retrouver ces enfants depuis décembre. Que veux-tu qu'on fasse de plus ? Mis à part des corps mutilés, on n'a rien.

— Si ! Justement ! s'exclama Paul en posant à plat ses mains sur le bureau pour faire face à son supérieur.

Le shérif s'appuya dans le fond de son fauteuil, scrutant Paul d'une manière étrange. Il est vrai qu'il agissait étrangement, trop précipité, les yeux grands ouverts, rouges à cause de la fatigue, la peau pale et des cernes sous les yeux, de plus, ses lèvres étaient violettes, à cause de sa "presque noyade" mais en partie à cause de ce monstre qui le persécutait. Ce monstre qui allait le tuer le soir venu, il en était certain. C'était d'ailleurs pour cela qu'il avait mis des gants, il ne voulait pas qu'on voit l'état de ses doigts.

— Du calme... tu as vraiment sale mine, j'ai l'impression que cette affaire te tient trop à cœur.

— Il le faut ! Bella était mon amie, je gardais son fils presque tous les soirs ! Ils étaient comme ma famille, tu comprends ? Et ces parents effrayés dehors, ils sont tellement tristes... ils ont besoin de savoir ce qui est arrivé à leurs enfants, ils ont besoin de savoir s'ils sont morts ou non. Il faut mettre un terme à ce cauchemar.

Le shérif poussa un profond soupir puis se rapprocha de Paul, plongeant ses yeux bruns dans les siens.

— T'as une piste pour dire ça ? Paul... ces gosses, on ne les retrouvera jamais. Il faut se faire à l'idée.

— La forêt, près du pied de la montagne.

— De quoi tu parles ? On ne fait que chercher dans la forêt !

— Mais pas de ce côté, je t'assure que je sais où sont les enfants.

— Tu as eu un rêve prémonitoire ? Ironisa-t-il.

— On peut dire ça comme ça... on m'a montré le chemin.

Le sourire de shérif s'effaça, Paul semblait plus que sérieux, mais il semblait surtout tourmenté, comment le croire ? C'était difficile, Paul n'avait pas vraiment le visage d'un homme serein, reposé, ce qui sortait de sa bouche pouvait parfaitement être complètement incohérent. Du moins, c'était ce que pensait son supérieur. Pourtant, il croyait toujours Paul, il lui faisait toujours confiance, c'était l'adjoint. Sauf que ce jour là, Paul n'était plus lui-même ... comme un toxico en manque de sa came, il était à côté de la plaque, et il avait aussi sûrement abusé de la caféine. Il se leva, fit le tour de son bureau pour se retrouver face à Paul. Il posa sa main sur son épaule, avec un air plein de compassion.

— Paul ... rentre chez toi, vas te reposer, on en reparlera demain.

— Non ! Je ne peux pas. Demain, je serai sûrement mort !

— Quoi ? Mais qu'est-ce qui te prend putain ?

— Tu ne peux pas me croire ? Avant tout, on est amis, non ?

— Bien-sûr que oui nous le sommes, mais regardes-toi ...

Paul ne répondit rien, fixant son supérieur d'un regard noir. Il était vexé qu'on ne puisse pas le croire. Paul n'était pas fou, tout comme Bella, il l'avait cru lui aussi, il avait vraiment cru que Bella était tombée dans la folie, mais il comprenait maintenant. La folie, c'était la clef vers la vérité, la folie, c'était la clef pour retrouver les enfants.

— Vas te faire foutre, Ben.

Le visage du shérif se décomposa, jamais Paul ne lui avait craché cela au visage, trop respectueux pour le faire.

— Tu sais à qui tu parles ?

— Oui.

— Rends-moi ton insigne, ce boulot te ronge trop.

Paul resta immobile, la tête haute, toisant Ben la mâchoire serrée et le corps tendu.

— Paul ! Rends-moi ton insigne ! Tout de suite !

Il avait la main tendue et semblait perdre patience. Finalement, Paul se décida à le faire, il fouilla dans sa poche, en sortit son insigne et le jeta sur le bureau de Ben, il replongea son regard bleu dans celui de son supérieur.

— Qu'est-ce qu'il t'arrives... tu n'es plus le même.

— C'est toi qui devrais te poser des questions sur ton rôle ! Des enfants ont été enlevés bordel ! Et toi, tu ne fous rien ! Tu reste derrière ton bureau ! Bella avait bien raison, on est des bons à rien, tous ce qu'on sait faire c'est resté le cul posé sur notre chaise à attendre que ça passe mais tu sais quoi ? J'en ai plus rien à foutre de cet insigne, ça ne définit pas ce que je suis et ça ne m'empêchera pas d'aller chercher ces gamins !

Il lui tourna le dos et sortit du bureau, il put entendre Ben l'appeler en haussant le ton, ses collègues observaient la scène sans un mot. Paul sortit ensuite du poste en poussant violemment la porte, une fois dehors, il s'appuya contre le mur et tenta de calmer les battements de son cœur. Il passa ses mains dans ses cheveux avec l'envie de se les arracher, ses yeux se noyèrent dans des larmes salés qu'il retint, il était hors de question qu'il pleure, pas encore, il était trop épuisé pour ça.

« Les enfants sont dans la forêt. »

C'était ce que Bella lui avait dit et elle avait raison, elle avait compris. Chaque fois qu'ils rêvaient, chaque fois que Boogeyman les hantait, ils se retrouvaient dans la forêt, peu importe la façon dont la chose arrivait. Ce n'était pas pour rien, c'était même logique, les engelures, le froid, l'hiver...

— Paul, t'es là ?

Paul sortit de sa torpeur et fit face à l'un de ses collègues et ami, William.

— Hein ?

— Qu'est-ce qu'il s'est passé avec Ben ?

— On n'était pas d'accord sur une chose.

— Laquelle ?

— Retrouver les gosses disparus.

William croisa les bras et scruta Paul, attendant plus d'explications.

— Je sais où ils sont, William. Mais Ben ne veut pas qu'on se déploie pour les trouver. Il ne me croit pas, il pense que je suis fou. Peut-être que je le suis mais je suis certain d'une chose, les gamins sont au pied de la montagne.

— T'es sûr de toi ?

— Plus que jamais.

William sembla réfléchir un instant laissant durer un court silence.

— On a qu'à y aller dans ce cas, j'ai fini mon service.

— Quoi ? T'es sérieux ?

— Mon fils a été enlevé Paul, moi je te crois.

L'enfant de William faisait parti des premiers disparus, avec le temps, William semblait s'y être fait mais au fond il en gardait une profonde blessure, impossible à guérir, pas tant qu'il ne connaîtrait pas la vérité, pas tant qu'il ne saurait pas ce qui était arrivé à son enfant.

Ils décidèrent donc de s'y mettre aussitôt avant que la nuit ne tombe.

Ils s'enfoncèrent dans la forêt, le vent était glacial mais la neige ne tombait plus, leurs pieds s'enfonçaient dans ce qu'il en restait. Le paysage était fabuleux, blanc, clair malgré la lividité, cela restait beau, comme chaque hiver dans cette ville. Paul avait son bonnet mais malgré tout il avait terriblement froid, son sang se glaçait, il avait beaucoup de mal à bouger ses doigts, c'était encore plus douloureux que le matin même, il ne voulait même pas voir leur état... si ça continuait, il les perdrait, il le savait. Le bout de son nez était complètement rouge, ses yeux le brûlaient à cause du vent givrant qui lui fouettait le visage. William ne semblait pas être très sensible au froid comparé à lui et il était bien heureux de voir que ce dernier n'avait pas de problème, au moins, le monstre ne s'en prendrait sûrement pas à lui. Mais pour s'en prendre à quelqu'un, Paul le savait, il fallait dormir.

Après plusieurs longues minutes de marche, ils arrivèrent au pied de la montagne, c'est là que les choses se corsèrent. Paul chercha la crevasse creusée dans la roche, là où la petite fille était entrée. Ils firent le tour, poussèrent les branches d'arbres, creusèrent la neige. Et enfin, oui enfin, Paul cria à William de le rejoindre lorsqu'il aperçut cette fameuse crevasse. Son cœur s'accéléra à l'idée de retrouver les enfants. William examina celle-ci, un air étrange sur le visage, c'était étroit, surtout pour un homme, comment entrer dedans ? Il alluma sa lampe torche et éclaira l'entrée pour voir ce qui se trouvait derrière, rien sauf une sorte de galerie profonde et sombre.

— Paul... c'est très étroit, je peux pas rentrer là-dedans.

— Mais si, on va y arriver.

— Faut-il pouvoir ressortir... personne ne sait qu'on est ici.

— William, on pourra ressortir, fais moi confiance.

William souffla longuement, peu rassuré. Paul proposa de passer le premier et il ne se fit pas prier. Il se munit de sa lampe torche, prit une grande inspiration et passa par la crevasse, se collant à la pierre, rentrant son ventre, tentant de se faire le plus petit possible pour passer. Il poussait des gémissements à cause de la douleur que la pierre procurait, malgré les couches de vêtements qu'il avait, il pouvait sentir des morceaux qui ressortaient plus que d'autres et c'était désagréable. Mais il réussit à passer. Il reprit sa respiration, il n'avait même pas remarqué qu'il était resté en apnée tout le temps qu'il s'était faufilé dans ce petit trou. Il alluma ensuite sa torche malgré ses doigts raides et éclaira autour de lui pendant que William tentait de passer à son tour. En effet, c'était une galerie, il y en avait qu'une seule, qu'il fallait donc suivre le petit chemin étroit s'offrant à eux. Seul des bruits de gouttes d'eau résonnaient dans la grotte, cet endroit ne le rassurait pas du tout pourtant le pressentiment qu'il avait n'allait pas le tromper, il en était certain. Cette petite fille lui avait montré le bon chemin.

Une fois que William fut passé, lui aussi reprit sa respiration en s'appuyant sur ses genoux.

— Putain de merde ... dans quoi on s'embarque.

— Tu veux retrouver ton fils ?

William releva la tête vers Paul.

— Bien-sûr que oui.

— Alors ce qu'on fait est la meilleure chose à faire.

William répondit d'un hochement de tête puis se redressa, allumant sa torche à son tour. Ils se mirent alors à explorer les lieux, l'air était comprimé, mais froid. Le sol était glissant mais pourtant pas gelé. L'atmosphère était pesant, comme s'ils étaient observés, suivis, épiés ... ce sentiment, Paul commençait à le connaître mais préférait l'ignorer et surtout, ne pas en parler à William qui semblait tout aussi mal à l'aise que lui. L'air était malsain, trop malsain.

Ils débouchèrent sur une grande galerie, ils s'arrêtèrent, puis tout deux éclairèrent la totalité de l'endroit, le cœur de Paul se serra dans sa poitrine, ses poils se hérissèrent lorsqu'ils découvrirent tous les enfants. Ils étaient tous assis contre les murs, sans bouger, étaient-ils mort ? C'était effrayant à voir, le silence était inquiétant. William se précipita vers eux, cherchant alors son fils. Paul mit un temps avant de réagir, horrifié par cette scène.

— Tommy ? Tommy où es-tu ?

William éclairait le visage de chaque enfant. Paul se décida à le faire à son tour puis il reconnut la petite fille blonde, il s'accroupit devant elle et posa sa main tremblante sur sa petite joue, sa peau était livide, sans couleur, le bout de son nez dévoré. Elle semblait morte, il prit son pouls mais elle n'en avait plus, il baissa la tête puis éclaira les mains de la petite fille, Boogeyman s'était déjà occupé d'elle.

— NON ! hurla WIlliam avant de sangloter.

Paul se retourna aussitôt et éclaira son ami, celui-ci avait son enfant dans les bras, il était assis sur le sol, se balançant d'avant en arrière et pleurait son fils qui semblait avoir perdu la vie, Paul ravala sa tristesse en voyant son ami dans cet état.

— Ils étaient là depuis tout ce temps... putain, ils étaient juste à côté de nous ! C'est pas possible... c'est un cauchemar... sanglotait-il.

— Je suis désolé, WIlliam ... souffla Paul.

Son ami serra son enfant contre lui et ferma les yeux, laissant alors couler ses larmes sur ses joues. Paul détourna le regard puis éclaira le visage des autres enfants, enfin, il reconnut Nate. Ce petit enfant à la peau pale, aux cheveux noirs et aux tâches de rousseurs recouvrant son nez. Il avait les paupières closes, des veines violettes apparentes, ses lèvres étaient bleues et gercées, son nez presque noir. Paul posa sa torche sur le sol et secoua le petit garçon doucement.

— Nate, murmura-t-il, Nate réveille toi.

Le petit garçon était totalement mou, inerte, le cœur de Paul s'accélérera et ses yeux devinrent humides.

— Nate ! Tu m'entends ? Nate ! S'exclama-t-il.

Paul avait les mains qui tremblaient, sa vue brouillée par les larmes qui ne semblaient pas vouloir glisser sur ses joues. Il serra alors le petit garçon contre lui.

— Je t'en prie, Nate... réponds-moi.

Son corps était froid, comme un glaçon, l'enfant était déjà si frêle avant de disparaître, à présent, il était maigre, squelettique. Paul put sentir ses os lorsqu'il le serra contre lui. Il lui frotta le dos frénétiquement pour tenter de réchauffer l'enfant, le serrant encore plus malgré ses membres tremblant et les larmes qui affluaient au bord de ses yeux.

— Ne me laisse pas toi aussi... susurra Paul.

Soudain, il sentit une main se poser sur son épaule, une petite main. Paul se détacha de l'enfant, puis il crut voir Nate bouger les lèvres, sauf que ses paupières restaient closes. Il rapprocha alors son oreille pour entendre ce que prononçait le petit garçon :

— Boogeyman... est là...

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