11.




« La peur nourrit l'imagination. »





18 FÉVRIER

Paul se réveilla en sursaut, se redressa brusquement dans son lit, le souffle court, le cœur battant à cent à l'heure, les mains moites et des sueurs froides dans le dos. Il faisait totalement noir dans sa chambre, en s'en rendant compte,  Paul se pencha sur la droite et chercha à tâtons l'interrupteur de sa lampe de chevet. Lorsqu'enfin il le trouva et que la pièce fut éclairée, il regarda partout autour de lui, comme pour vérifier qu'il n'y ait personne avec lui.

Son chien rampa jusqu'à lui,  Paul lui caressa le dessus de la tête en soupirant profondément, restant assit dans son lit. Le rêve qu'il avait fait avait semblé réel, bien trop réel. Puis il se souvint de la phrase qu'il avait prononcé avant de dormir.

Ce n'est pas ça, pensa-t-il. Il l'espérait.

Soudain, son chien se redressa, fixant son armoire au fond de sa chambre. Dressé sur le lit, il commença à grogner comme pour menacer quelque chose. Paul fixa son chien d'un air interrogateur, puis posa ses yeux sur l'armoire. Doucement, il entendit le grincement des portes et elles s'entrebâillèrent. Au même moment, la lumière flancha et l'ampoule grilla. Le chien se mit à aboyer sans s'arrêter tandis que le grincement continuait, lentement.

— Stop, arrêtes ! Tais toi ! ordonna Paul les yeux grands ouverts dans le noir.

Son cœur palpitait dans sa poitrine, son chien ne s'arrêtait pas d'aboyer et de grogner, il n'entendait plus le grincement. Le chien arrêta enfin, poussant un dernier grognement. Dans le silence, Paul se leva, ses poils se dressant en pensant au dessous de son lit, il s'empressa de s'éloigner de celui-ci, se cognant dans les meubles. Il avançait les bras en avant, espérant enfin trouver le mur et l'interrupteur. Il toucha enfin une surface plane, il glissa ses mains dessus et appuya sur l'interrupteur qu'il sentit sous ses doigts. Une fois la lumière allumée, son premier réflexe fut de se tourner vers l'armoire. Les portes de celle-ci étaient grandes ouvertes. Il jeta un coup d'œil à son chien, il était couché sur le lit et semblait ne plus se préoccuper de quoi que ce soit.

Paul passa le reste de la nuit éveillé, une lampe torche dans les mains, la lumière de sa chambre allumée, assis au milieu de son lit, guettant le moindre mouvement.





Il ferma son casier et enfila son bonnet. Traînant des pieds sur le sol humide et froid, il se dirigea vers l'un des plongeoirs. Paul adorait la natation, il en faisait depuis qu'il était enfant.

— Comment ça va ce matin ? demanda d'un air enjoué le maître nageur.

Il connaissait bien Paul, il le voyait toutes les semaines à la piscine, beaucoup de gens s'entraînaient, c'était un endroit plutôt calme, du moins, Paul le trouvait calme et il avait bien besoin de se changer les idées.

— Ça peut aller.

— T'as une petite mine. T'as mal dormi ? Ou alors t'es malade ? Tu sais que je n'aime pas trop que les nageurs prennent des risques.

— Moi me noyer ? Et puis quoi encore ! Je crois que tu me connais depuis le temps. J'ai juste besoin de me changer les idées, tu sais, le boulot, c'est stressant.

— Surtout avec ce qu'il se passe en ce moment ... l'affaire du meurtre au motel avance ?

— Pas vraiment, rien n'avance depuis le début de l'hiver ...

— Mauvaise période.

— Ce doit sûrement être ça.

Il sentit un pincement au cœur en songeant aux enfants et à Bella. Cette fois, il commençait à y croire, il ne pouvait en parler à personne, c'était bien ça le problème. Dans tous les cas, il comptait terminer ce que Bella avait commencé, quitte à prendre des risques ... mais le manque de sommeil allait vite lui causer problème. Le but était de rester éveillé, de ne pas trop dormir mais plus il se fatiguait, plus il dormirait longtemps et plus il risquerait de mourir à son tour. Comme si finalement, une chose vitale devenait mortelle. C'était la peur de dormir qui le rongeait, la même qui avait rongé Bella.

Paul se plaça sur l'un des plongeoirs, il positionna ses lunettes de plongée, prit sa respiration et sauta à l'eau. Elle était chaude, cela  détendit tous ses muscles, il nageait aussi vite qu'il pouvait, il aimait se chronométrer, toujours en essayant de battre son propre score. Il fit plusieurs longueurs, puis hissa sa tête hors de l'eau, reprenant sa respiration, il s'appuya sur le bord et retira ses lunettes qu'il posa, il chercha ensuite son chronomètre qui n'était plus là. Une lumière grésilla, Paul releva la tête et observa les alentours, l'ambiance avait drôlement changé et il n'y avait plus personne.

Il sortit de l'eau et avança doucement, l'endroit était devenu inquiétant, peu rassurant.

— Eh oh ? Il y a quelqu'un ?

Il n'eut aucune réponse. Il retira son bonnet qu'il laissa tomber par terre et se frotta les cheveux, il se dirigea ensuite vers les vestiaires. Ils étaient vides aussi, il entendit du bruit venant de la piscine, comme si quelqu'un plongeait. Instinctivement, il s'y précipita mais c'est alors qu'il se retrouva dans un lieu enneigé, des arbres l'entourant, le vent lui glaçant les os. Il se frotta les bras lorsqu'il commença à grelotter. Il se retourna, la porte des vestiaires avaient disparu.

— Je suis en plein cauchemar ... murmura-t-il.

— Attention, le croquemitaine te suit, résonna une voix d'enfant.

Paul reporta son attention devant lui, tentant de voir qui avait prononcé cette phrase, il vit une silhouette courir entre les arbres, suivit d'un rire enfantin. Il décida d'avancer, de toute façon, il n'avait plus le choix, il fallait attendre qu'il se réveille, il fallait aussi rester en vie.

Ses pieds nus et congelés s'enfonçaient dans la neige, ses poils étaient dressés, il mourait de froid. Pourtant, il continuait d'avancer, craignant de tomber sur lui, peut-être que cette voix d'enfant qu'il avait entendu disait la vérité, peut-être qu'il était suivi.

Il reconnaissait cet endroit, vaguement, mais il était certain que c'était la forêt, là où était morte Bella. Il espérait que ce ne soit pas à son tour, il vérifiait sans arrêt l'état de ses doigts, se les frottait en soufflant dessus pour tenter de les réchauffer. Pas d'engelures, pas de mort. C'était ce qu'il comprenait.

Il s'immobilisa lorsqu'il vit devant lui, une petite fille, habillée d'un pyjama rose. Ses longs cheveux lisses et blonds tombaient en cascade sur ses épaules, de ses beaux yeux bleus, elle le scrutait. Elle sourit et s'approcha de lui, il recula de quelques pas, n'étant pas sûr de ce qu'il avait sous les yeux. Cette fille, il la reconnaissait, c'était la deuxième à avoir disparu. Elle lui tendit sa petite main, ses doigts étaient noirs à cause du froid.

Paul ne comprenait rien et la peur commençait à le gagner, était-ce un fantôme ? Une hallucination ? Personne ne peut contrôler ses rêves ... et encore moins quand Boogeyman est dans les parages.

Finalement, il attrapa sa petite main gelée, elle avança dans la neige tout en le tirant avec elle, il n'osait même pas lui parler, ce n'était qu'un rêve, rien n'était réel. Pourtant, il prit son courage à deux mains.

— Où est-ce que tu m'emmènes ?

Elle se retourna vers lui, et posa son doigt devant sa bouche.

— Shh ... le croquemitaine t'écoute.

Paul se redressa, une sensation inconfortable s'emparant de lui, il regarda partout, un frisson parcourut son échine. Il n'avait rien sur le dos, il avait froid mais ce frisson, c'était autre chose, c'était une présence qui lui avait causé cette sensation.

La petite fille reprit sa route, sans lâcher la main de Paul qui la suivait, restant sur ses gardes, surveillant les alentours, dans le cas où ce monstre se montrerait pour en finir avec lui comme il en avait fini avec Brett.

Ne pas avoir peur, ne pas avoir peur, ne pas avoir peur ... c'était ce qu'il se répétait dans sa tête.

La petite fille commença à murmurer une chanson, impossible pour Paul d'en comprendre les paroles, mais sa petite voix fluette semblait résonner et s'élevait dans la forêt, laissant courir une atmosphère troublante.

Elle se retourna ensuite vers lui, lâchant sa main, son sourire s'effaça doucement, son visage sembla triste, mort, livide, sans émotion, pourtant, il restait marqué par la terreur, cela se lisait dans ses petits yeux à la couleur du ciel en été.

— Dans cette grotte, se cache le croquemitaine. Dans cette grotte, se trouve nos corps... murmura-t-elle.

Paul voulut parler mais la petite fille prit la fuite, s'enfonçant alors dans la crevasse de la montagne, disparaissant dans le noir. Paul restait à l'entrée de celle-ci, immobile, pétrifié par la peur, congelé par le froid, incertain de ce qu'il venait de voir.

Il entendit un murmure, un chuchotement au creux de son oreille, quelque chose comme ; j'ai faim.

Il se retourna aussitôt, mais il n'y avait rien derrière lui, pourtant, il était presque sûr d'avoir sentit un souffle glacé contre son cou.

Soudain, il sentit ses poumons se comprimer, l'air ne semblait plus passer et des brûlures désagréables le poussèrent à se pencher en avant, il commença à tousser, étreignant sa gorge. De l'eau jaillit de sa bouche, encore et encore. Il se noyait ou peut-être que...


Paul ouvrit grand les yeux, reprenant difficilement sa respiration, il se pencha sur le côté, toussa et cracha de l'eau. Lorsqu'il releva la tête, après avoir réussi à respirer, il vit le maître nageur ainsi que tous les nageurs autour de lui. Il l'avait échappé belle.

— Tu devrais rentrer te reposer... tu as bien failli te noyer !

Il repensa à ce qu'il avait vu, à la neige, la petite fille, la chanson, la crevasse... la grotte.

Paul se redressa rapidement, malgré ses jambes fébriles et son cœur aux battements irréguliers.

— Wow, du calme, Paul ! Tu as bien failli y rester ! s'exclama le maître nageur. T'es sûr que tu ne veux pas que j'appelle les secours ?

— Je sais où sont les enfants !

Paul grimpa dans sa voiture, il avait enfilé son uniforme et était prêt à se rendre au poste, malgré sa fatigue, physique et moral, il le fallait. En posant ses mains sur le volant, Paul remarqua l'état de ses doigts, sur sa main droite, son index était totalement bleu, virant au noir, sur sa main gauche, trois de ses doigts avaient perdu de leur couleur, la douleur en était insupportable.

Son temps était compté. Il ne passerait pas une nuit de plus.

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