1.
« Toute angoisse est imaginaire ; le réel est son antidote. »
10 JANVIER.
Une toute nouvelle année qui débutait depuis seulement dix petits jours. De nouvelles résolutions, une nouvelle chance de faire sa vie autrement. L'hiver était là, la neige tombait chaque jour, le matin était une nouvelle chance de découvrir un magnifique paysage blanc en se réveillant. Les grands sapins, les chênes et autres arbres de la forêt étaient recouverts de poudreuse, on ne voyait presque plus la verdure des hauts sapins mais on arrivait tout de même à la deviner. Le jardin était recouvert d'un voile blanc, les toits des maisons étaient de la même couleur, un paysage froid mais tendre à la fois. Un paysage que beaucoup d'enfants aimaient.
En fin de journée, la neige encore présente givrait à cause du froid, ça glissait, c'était même dangereux. Si on levait la tête on ne pouvait pas apercevoir les étoiles, le ciel était déjà couvert de nuages, prêt à faire dégringoler de nouveaux flocons pour conserver le paysage blanc le lendemain.
Elle avançait dans la rue tout en refermant correctement son manteau, elle enfouit son nez sous son écharpe. Le froid lui glaçait les muscles et lui rosissait les joues. Elle croisa quelques personnes qu'elle salua en passant, tout le monde se connaissait dans cette petite ville. À la voir ainsi on aurait pu croire à une ville parfaite, avec des habitants parfaits, un vrai nid de touristes pour aller dans les montagnes ou la forêt. Mais c'était tout le contraire.
Elle s'arrêta comme chaque jour devant un panneau. Il était posté près du commissariat. Les policiers de la ville n'étaient jamais réellement débordés, si ce n'était pour aller voir les chasseurs du coin qui s'interrogeaient sur des morts étranges de biches dans la forêt. En pleine montagne, cela semblait logique. Il y avait sûrement des loups ou peut-être des ours. Mais au moins, ils s'occupaient.
Elle regardait les différentes photos des avis de recherches. Que des enfants. Tous dans la même tranche d'âge. Ça n'allait jamais au-delà de dix ans. C'était ainsi depuis quelques semaines maintenant. Sept enfants avaient disparu. Un pour chaque semaine. Elle ne pouvait s'empêcher de rester devant quelques minutes à penser aux parents inquiets, effrayés et tristes. Et si cela lui arrivait ? Et si son fils se faisait enlever ? Elle chassa cette pensée de sa tête et reprit la marche dans le froid glacial de ce mois de janvier. Elle n'avait qu'une hâte depuis le matin même : c'était de retrouver celui qui éblouissait ses journées, qui apportait de la lumière lorsqu'il faisait noir. Celui qui faisait de sa vie un vrai bonheur depuis qu'il existait : son fils.
Elle entra chez elle, posa ses affaires sur le petit meuble, se débarrassa de son gros manteau et du reste puis il l'accueillit comme d'habitude, lui sautant au cou pour lui faire un énorme câlin. Elle le serra fort dans ses bras, le sourire aux lèvres, elle l'embrassa sur la joue comme si c'était le dernier baiser qu'elle pouvait lui faire puis elle le reposa.
Lorsqu'elle le regardait, elle ne pouvait s'empêcher de se dire que c'était le plus beau petit garçon du monde. Il était brun, aux yeux noisettes, des petites tâches de rousseurs parsemaient ses joues roses, ce qui le rendait encore plus craquant. Il était petit et frêle, mais tellement beau. Tout le monde le lui disait. Son fils deviendra un beau et grand jeune homme. Mais pour le moment, elle ne voulait pas penser au futur, elle ne pensait qu'au moment présent, qu'à son fils de cinq ans.
Elle se tourna ensuite vers Paul qui s'était appuyé contre le mur en les regardant. Paul était un ami, aussi le shérif adjoint, il était toujours là pour l'aider. Elle travaillait dur pour rapporter assez d'argent à la maison, elle voulait que son fils ait la meilleure vie possible. Alors c'était Paul qui allait le chercher à l'école et qui le gardait lorsqu'elle faisait des heures supplémentaires le soir. Sans lui, elle ne savait pas ce qu'elle ferait.
— Je te remercie de t'être occupé de Nate, je te redevrai ça.
Paul lui sourit, prit son manteau et l'enfila.
— Tu sais que j'adore ce gosse, ça ne me dérange pas de te filer un coup de pouce quand t'en as besoin.
— T'es vraiment trop gentil.
— C'est à ça que servent les amis. Je sais que tu te démènes pour qu'il ait tout ce dont il rêve, t'es une mère formidable. Ça se voit ! Nate est heureux, toujours le sourire aux lèvres. C'est ce qu'on aime voir sur le visage des enfants.
Elle lui ouvrit la porte, il sortit dehors et se retourna vers elle.
— Récemment, on ne voit que des enfants disparus... souffla-t-elle d'un air absent.
— T'en fais pas Bella', on va trouver le coupable et il n'arrivera rien à Nate. Fais en sorte de fermer toutes les portes à clef. Si tu fais ça, il ne se passera rien. Toute cette histoire sera bientôt réglée. On est sur le coup.
— J'espère.
— Si t'as besoin de quoi que ce soit, tu m'appelles.
— Pas de problème. Bonne nuit, Paul.
— Bonne nuit !
Elle referma la porte et veilla à bien la verrouiller. Elle laissa son fils jouer encore un peu et s'installa à table. Elle mourait de faim. Elle aurait aimé manger avec son fils plus souvent, mais ces temps-ci, c'était de plus en plus rare. Son patron lui donnait toujours des heures supplémentaires à faire et elle n'était pas en mesure de refuser. Si cela pouvait lui apporter un petit peu plus d'argent, elle ne crachait pas dessus. Isabella était qu'une simple serveuse mais c'était le seul restaurant du coin, alors il y avait beaucoup de travail et c'était elle, la meilleure employée de l'endroit. Alors c'était elle qui faisait presque tout pour un salaire misérable. À croire que tous les efforts qu'elle fournissaient étaient inutiles mais cela lui permettait tout de même de vivre.
Une fois finit de manger, elle rangea tout et ordonna à son fils de monter. Il ne se fit pas prier. Il gravit les marches semblant beaucoup trop grande pour lui et se précipita dans la salle de bains. Elle le rejoignit et lui donna son pyjama, il l'enfila tout seul, comme un grand. Il monta ensuite sur la petite marche qu'elle avait installée devant le lavabo pour qu'il puisse se brosser les dents tout seul et se voir dans le miroir. Elle le regardait faire sans pouvoir s'empêcher de sourire. Elle n'avait jamais eu de problèmes avec lui, sauf peut-être ses terreurs nocturnes lorsqu'il était un petit peu plus jeune, mais cela semblait lui être passé.
Une fois les dents brossées et le pyjama enfilé, Nate grimpa dans son lit et remonta la couverture jusque sous son nez. Elle le borda et l'embrassa tendrement sur le front.
— Bonne nuit, mon petit ange.
— Non attends maman ! Regarde dans le placard et sous le lit, s'il te plait...
— D'accord.
Elle avait presque oublié que c'était un rituel assez fréquent lorsque c'était l'heure du couché. Elle vérifia dans le placard, derrière les vêtements de la penderie, puis le referma. Elle regarda ensuite sous le lit, mis à part des jouets, il n'y avait rien. Elle se releva, le rassura, l'embrassa une seconde fois puis se dirigea vers l'interrupteur.
— Bonne nuit mon chéri.
— Maman, n'éteins pas la lumière.
— D'accord, fais de beaux rêves.
Elle sortit alors de la chambre, lui sourit et s'apprêta à fermer la porte.
— Maman, laisse la porte entrouverte.
Elle laissa tomber ses bras le long de son corps en le regardant plutôt étonnée.
— Pourquoi ? Tu as peur du noir ?
— Non maman, j'ai peur de lui...
Elle entra dans la chambre toujours étonnée, les sourcils froncés, elle s'interrogeait, il ne lui avait jamais fait ce coup là.
— De qui ?
— De Boogeyman, maman.
Elle s'assit au bord de son lit et lui caressa le front tendrement, elle l'avait toujours fait, depuis qu'il était tout bébé, comme signe de réconfort. Ça le rassurait toujours et ça semblait marcher encore une fois.
— Peu importe qui c'est, il n'existe pas. J'ai déjà regardé dans ton placard et sous ton lit, il n'est pas là. Tu es un gentil garçon, personne ne viendra te punir.
— Tu es sûre ?
— Sûre et certaine.
Il sourit légèrement et sembla se détendre. Elle se mit alors à murmurer une chanson que sa mère lui chantait quand elle était elle-même enfant. Cela semblait apaiser Nate qui finit par fermer doucement ses petites paupières. Elle le regarda et continua à chanter la berceuse lente et douce.
Lorsqu'il sembla endormi, elle se leva et, à pas de loup, sortit de la chambre. Elle éteignit la lumière et entrebâilla la porte.
Elle traîna ensuite des pieds jusque dans la salle de bains. Elle ôta ses vêtements et entra dans la douche. Elle en avait bien besoin, la journée avait été longue et difficile. Elle aurait aimé aussi passer plus de temps avec son fils, sauf que c'était presque impossible. Souvent, les weekends elle travaillait et le confiait alors à sa voisine ou à Paul.
Elle resta sous le jet d'eau chaude sans bouger, passant ses mains dans ses cheveux, cela faisait tellement de bien une bonne douche chaude, surtout avec une température aussi basse dehors.
Finalement, après plusieurs minutes à être restée sous l'eau, elle sortit. Elle enroula la serviette autour d'elle, effaça la buée sur le miroir et se brossa les dents tout en se regardant. Elle avait le visage d'une femme qui travaillait trop. Ses yeux étaient cernés, c'était ainsi chaque soir. Le pire c'était l'insomnie qu'elle faisait très souvent, elle manquait de sommeil et cela se ressentait. Elle se pencha pour cracher dans le lavabo, elle se redressa pour se retrouver face au miroir mais elle sursauta lorsqu'elle aperçut Nate derrière elle. Elle se retourna aussitôt et s'accroupit devant lui en lui prenant les bras.
— Nathan ? Mais qu'est-ce que tu fais debout ? Tu m'as fais une peur bleue !
Il semblait encore endormi, ses yeux étaient dans le vague, il ne la regardait même pas, on aurait dit qu'il regardait autre chose, c'en était presque effrayant.
— Nate ?
— Il est dans mon placard, maman...
— Qui ça ? Boogey-machin ? Mais non...
Elle se redressa et le porta. Elle l'emmena dans sa chambre et le recoucha. Elle le borda une nouvelle fois, dégagea son front de quelques mèches rebelles. Il avait chaud, ce n'était pas normal... peut-être avait-t-il de la fièvre ? Pour le rassurer, elle ouvrit le placard, il se cachait presque sous ses couettes, elle poussa les vêtements, regarda à l'intérieur, elle rentra même pratiquement dedans et elle ne vit rien. Alors elle le referma et se tourna vers lui.
— Tu vois, il n'est pas là, t'as juste fait un mauvais rêve, mon chéri.
Elle l'embrassa une nouvelle fois sur le front, lui souhaita une bonne nuit et sortit de la chambre en laissant la veilleuse allumée.
Elle se mit en pyjama, puis descendit pour se mettre devant la télé avec un bon thé bien chaud. Elle changeait de chaîne toutes les cinq minutes, il n'y avait rien de bien croustillant et elle ne voulait pas regarder les informations pour voir que le sujet parlait encore des enfants disparus. Elle se laissa glisser de plus en plus dans le canapé beaucoup trop douillet, ses paupières devenaient lourdes et se fermaient toutes seules, sans qu'elle ne puisse les retenir. Finalement, elle ne luttait plus, elle ferma les yeux écoutant le son de la télé en sourdine.
Mais alors qu'elle était sur le point de tomber dans un sommeil profond — chose qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps — des bruits de pas à l'étage lui firent ouvrir les yeux. Elle resta immobile quelques instants, tendant l'oreille pour mieux écouter. Ce fut une porte qui grince qui résonna ensuite, avec le silence de la maison, on aurait dit que le son était amplifié. Elle se posta alors au pied des escaliers tout en posant sa main sur la rambarde.
— Nate ? appela-t-elle. Nathan, tu es debout ?
Elle n'eut aucune réponse. Elle décida alors de monter. Elle éteignit la télé et se rendit à l'étage. La porte de la chambre de Nate était fermée, elle l'ouvrit pour vérifier que son fils était bien couché, et oui, il était endormi.
Elle soupira mais au fond, elle était soulagée. Elle se pencha au dessus de lui et l'embrassa. Elle remonta correctement sa couette, éteignit la veilleuse et sortit de la chambre en refermant la porte derrière elle.
Une fois dans son lit, elle se servit un verre d'eau, se mit le cachet sur la langue et l'avala à l'aide du liquide. C'était un traitement que le médecin lui avait prescrit contre l'insomnie et ça l'aidait vraiment à faire ses nuits correctement. Elle se recouvrit avec la couette, éteignit sa lampe et ferma les yeux. Le cachet ne mit pas longtemps à faire son effet. Elle tomba aussitôt dans les bras de Morphée.
C'est son réveil qui lui fit ouvrir les yeux le lendemain, elle tapa dessus pour le désactiver et regarda l'heure. Il était tôt, la nuit semblait avoir durée seulement dix minutes à peine et pourtant, elle avait au moins dormi huit heures. Elle se leva, se gratta les cheveux, s'étira et bailla sans se retenir. Elle regarda ensuite dehors comme habituellement à son réveil. Il avait reneigé, le paysage dehors était aussi blanc que la veille.
Elle avança dans le couloir, toujours à moitié endormie puis elle ouvrit la porte de la chambre de son fils.
— Nate, mon chéri, il faut se réveiller.
Un courant d'air lui donna des frissons, elle se frotta les bras puis regarda dans la chambre. La fenêtre était ouverte. Elle entra et la ferma, le vent était glacial, surtout le matin. Son fils avait dû l'ouvrir dans la nuit, il avait déjà été somnambule.
— Nathan, allez, debout, insista-t-elle.
Elle se dirigea vers son lit et tira la couverture. Son cœur s'arrêta de battre quelques instants. Nate n'était plus dans son lit comme la veille. Ses mains se mirent à trembler et ses jambes devinrent fébriles. Elle sortit alors rapidement de la chambre et regarda dans la salle de bains, dans le bureau, elle descendit à vive allure les escaliers, manquant de trébucher et vérifia toutes les pièces du rez-de-chaussés.
— Nate ?! Nathan où est-ce que tu es ?! hurla-t-elle dans toute la demeure.
Elle regarda même dans le jardin, mais il n'y avait aucune trace de son fils. Elle remonta à l'étage, vérifia une nouvelle fois sa chambre, sous le lit, dans le placard, sous le bureau... elle souleva même une seconde fois la couverture. Tout ce qu'elle trouva : c'était son ours en peluche.
— Nate... murmura-t-elle d'une voix chancelante.
Elle serra la peluche contre elle, elle sentait encore son odeur. Les larmes étaient au bord de ses yeux, prêtes à dégringoler et glisser sur ses joues. Elle s'assit sur le lit, elle avait cette impression d'être comme anesthésiée mais c'était l'adrénaline et l'angoisse qui procuraient cet effet. Son fils avait disparu, ça ne pouvait pas être réel. Ça ne pouvait pas lui arriver à elle...
C'était à son tour, la chose qu'elle redoutait le plus était arrivée. C'était au tour de son fils d'être enlevé. De disparaître sans laisser aucunes traces.
Mais enlevé par qui ?
©COPYRIGHT.
En vous remerciant d'avoir lu !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top