Comme louve et lapine (Oanelle/Hella)
Si Strix pensait que j'allais la supplier de m'aider, elle se fourrait le doigt dans l'œil. J'étais Hella la Grande Sorcière, un titre non-officiel que je venais tout juste de créer. Et Hella la Grande Sorcière n'avait besoin de personne pour s'en sortir.
— Hella ?
Lancelot haussait un sourcil en me voyant dans le hall du dortoir. Me voir avec des oreilles de lapin devait le surprendre.
Le chef de dortoir leva sa main, prêt à les toucher.
— Pas touche, beau chevalier. Je ne voudrais pas que tu abîmes mon jolie costume de Pâques.
Un sourire sur les lèvres, il rangea ses mains dans les poches.
— Tu pars à la chasse aux œufs ?
Oh, il était vrai que tous les ans la ville organisait une chasse aux œufs dans le parc. J'avais l'habitude de m'y rendre et d'y participer tous les ans. A croire que mon odorat était très affuté, je finissais souvent par avoir le plus de chocolat.
— Mais la compétition pour les adultes, ce n'est pas l'après-midi ?
— Non, ça c'est pour les enfants. Cette année, la chasse pour les grands c'est à neuf heures tapantes.
Ah, j'avais loupé le début.
— En tout cas, tu es particulièrement jolie aujourd'hui, Hella.
Un sourire crispé, je le remerciais avant de sortir dehors, au grand air. Strix n'avait pas menti sur un point. J'attirais vraiment l'attention. De nombreux regards s'arrêtaient sur moi, certains me fixant d'une manière assez malaisante.
Et comme un signe que la chance ne m'abandonnait pas totalement, un cri m'appela et je saluais Lancelot avant de sortir dehors. Oanelle arrivait vers moi, secouant sa main pour attirer mon attention tandis qu'elle hurlait presque littéralement mon nom. Se faisant remarquer, tous les regards se détournèrent de moi pour ne se centrer que sur elle.
Au moment d'arriver à ma hauteur, elle tomba en avant et s'écrasa au sol. J'éclatais de rire et elle gonfla ses joues.
— Ce n'est pas drôle.
— Non, c'est hilarant.
Aussitôt, elle tira sur mes oreilles et un couinement douloureux m'échappa.
— Oh, tu es...
Et sans en dire plus, elle m'entraina avec elle, nous emmenant tout droit à Hide&Sick. Une fois arrivées, tous les regards se tournèrent sur nous avant de se rabattre sur Oanelle qui semblait tout faire pour qu'on la remarque. Courant dans tous les sens et gesticulant tout le temps alors qu'elle passait commande, j'allais plutôt m'asseoir dans un coin. Un avantage d'être avec la louve aujourd'hui ? Elle détournait tout le monde de moi.
Elle revint avec plusieurs parts de gâteaux « spécial Pâques ».
— Tu es un lapin de Pâques, n'est-ce pas ?
En l'entendant me le demander, je faillis m'étouffer. Après être parvenue à avaler le morceau de gâteau, je regardais Oanelle avec des yeux rond. Elle mangeait tranquillement, me souriant.
— Ne t'en fais pas, je ne vais pas te sauter dessus. Je sais me contrôler.
— Un harceleur sait faire preuve de patience.
— Un harceleur se contente d'observer. Il tâte avant de commencer à attaquer.
Un frisson remonta mon dos alors que ses yeux... Même si son sourire restait idiotement heureux, son regard avait changé l'espace d'un instant. Avant qu'elle ne se remette à picorer dans les gâteaux.
— Vas-y, mange.
— Je pense que je devrais rentrer.
— Oh non !
Un mine triste sur le visage, elle avait prit ma main dans les siennes, me suppliant du regard. J'avais oublié à quel point elle pouvait être collante. Encore plus lorsque, après avoir fini de manger, elle s'empara de mon bras pour se serrer contre elle.
Une fois dehors, prenant de nouveau ma main, elle se mit à courir comme une enfant.
— Mais où est-ce qu'on va cette fois ?
— Jouer au lapin de Pâques.
***
Le parc de la ville était immense. Mais la chasse aux œufs ne s'effectuait que sur une zone bien définie. A cette occasion, après la chasse, il y avait la baignade d'hiver. En somme, chacun plongeait dans le lac encore glacial du parc. Un lac dont la ville était particulièrement fière. Son eau était si propre et si claire qu'on y voyait le fond. Les poissons y nageaient tranquillement et, étrangement, peu de personne osait jeter quoique ce soit dedans.
Les seuls détritus se trouvaient dans les bois, là où peu de personne s'aventurait. Sauf moi et Oanelle, du moins aujourd'hui.
— Allez Hella ! Tu peux le faire ! Tu es la meilleure des lapine de Pâques qu'Ostara ait créé ! m'encourageait la louve.
Oanelle, toute excitée, faisait un genre de danse de cheerleader mais sans la tenue. Ses longs cheveux roux ondulaient autour de ses épaules, se soulevant à chacun de ses bonds enjoués.
J'avouais que moi-même je commençais à trouver tout ça amusant.
— Ok, je vais le faire.
Et, me plaçant sur un pied, je tournais sur moi-même, les bras écarter. Les rires d'Oanelle me confirmèrent que le résultat désiré s'était produit. Et en effet, de très nombreuses fleurs poussaient tout autour de moi.
— C'est vraiment moi qui ait fait ça ?
— C'est trop fort, me félicitait Oanelle.
La main à plat sur le sol, je m'amusais de nouveau à faire pousser d'autres fleurs.
— Libérées, délivrées ! Les fleurs ne faneront plus jamais ! chantais-je sur la mélodie de la Reine des Neiges.
Mais au final, je m'effondrais par terre, finissant sur le dos avec Oanelle tout aussi joyeuse.
— C'était...géniale, exprimais-je le souffle court.
J'étais complètement vidée et pourtant j'en voulais encore. C'était vraiment amusant.
Oanelle se posa sur son coude, s'approchant de moi pour être aussi près que possible.
— Ton odeur a augmenté. Heureusement que nous sommes isolées.
Une lueur dans ses yeux me retint de tout mot. C'était si différent de l'Oanelle habituelle. A force de toujours la voir se comporter comme une enfant stalkeuse, j'en oubliais bien souvent qu'elle était aussi un loup-garou.
Son visage s'était rapproché du mien. Je ne bougeais pas.
Elle se redressa aussitôt, me faisant rougir d'embarras. Un instant j'avais vraiment cru qu'elle allait...
— Quelqu'un approche, me prévenait-elle.
Mes yeux s'activèrent aussitôt, comme par instinct. Je devinais, ce qui m'obligea également à me lever.
— Des sirènes.
Les doigts d'Oanelle se glissant entre les miens, elle m'entraina de nouveau avec elle. Pas de sourire, juste un sérieux que j'avais déjà vu sur le visage de ses frères. Ce ne fut qu'une fois arrivées sur un chemin du parc qu'elle se décida à reprendre son sourire d'arnaqueuse.
Jusqu'à ce qu'un groupe d'hommes sortent à leur tour. Les sirènes.
Oanelle ne pourrait rien contre eux, nous le savions toutes les deux. Ces créatures étaient des ensorceleuses nées. Et face à une créature qui vivait par le biais d'instincts et de pulsions, c'était du pain béni pour une sirène.
— Un lapin de Pâques. Si on m'avait dit qu'il y en aurait un ici...
L'un des individus révéla ses dents pointues dans un sourire froid alors que ses yeux changeaient. Les pupilles complètement dilatées, l'iris occupait à présent la presque totalité de l'œil.
Quatre sirènes mâles contre une lapine et une louve. Pas bon.
— Les gars, qu'est-ce que vous foutez ?
Un autre apparu. Mais cette sirène-ci, nous n'avions rien craindre d'elle. Il s'agissait de Morgan.
— Morgan, c'est un...
— Lapin de Pâques. Je sais, je l'ai aussi senti. Mais dois-je vous rappeler que ce sont aussi des bêtes sacrées appartenant à Ostara ? Imaginez ce qu'une déesse en colère pourrait vous faire.
— Poséidon nous protègera.
— Peut-être pas. Alors dégagez avant que je ne m'énerve vraiment.
Obéissant à Morgan, ils partirent. Le beau brun se tourna vers nous, posant un bras autour de mes épaules avec ce même genre de sourire que possédait Oanelle. Un sourire idiot.
— Alors comme ça chérie tu es devenue un lapin de Pâques cette année ?
— Pourquoi ? Tu veux goûter ?
— Amusant. Mais tu es au courant que tu peux contrôler tes phéromones ? Ton arôme a envahi le parc. Aujourd'hui, toutes les créatures aquatiques sont de sortit avec la nage autorisée dans le lac. Tu devrais faire attention.
— Attends, je peux vraiment contrôler ça ?
— Bien sûr. Cette odeur est un peu...comme une aura. Et tu sais contrôler ton aura, n'est-ce pas ?
— Plus ou moins.
— Parfait. Bon, je vous laisse. Je suis en chasse.
Aussitôt dit, le jeune homme nous abandonna. Oanelle me sauta dessus, enveloppant ses bras autour de mes épaules.
— Hunter n'est pas à la maison alors avec le reste de la meute on organise une chasse aux œufs. Tu veux te joindre à nous ?
***
J'avais de nouveau succombé à l'appel du chocolat.
Oanelle s'amusait à chercher, se bagarrant parfois avec les autres loups de la meute pour avoir un œuf. Moi ? J'avais trouvé presque la moitié des chocolats cachés, ce qui en avait énervé certains. Mais si quelques individus avaient tenté de m'en voler, chacun s'était retrouvé avec une petite attaque de pollen. Eternuant, ils abandonnaient rapidement.
En observant la louve qui jouait, quelque chose s'étrange s'empara de mes pensées. Ce qu'il s'était passé dans le parc, alors que nous étions allongées sur le tapis de fleurs...
Non, je devais me faire des idées.
— Qu'est-ce qu'il y a Hella ?
La face d'Oanelle juste devant moi me fit sursauter au point où mon cœur rata un battement, tambourinant dans ma poitrine. Je parvenais à maitriser mon odeur mais surprendre un lapin n'était pas bon pour sa santé.
— Hella ?
Un sourire espiègle sur le visage, elle posa ses narines sur mon épaule.
— Ton odeur est de nouveau en train de se rependre.
— Qu'est-ce que tu fais Oanelle !?
— Les gars ! On va manger nos chocolats ! hurla-t-elle aux loups.
Ceux qui n'étaient pas transformés nous lançèrent quelques signes de la main alors qu'Oanelle m'emmenait dans sa chambre. Une odeur particulière attira mon attention. Et je le vis. Tremblante, je m'approchais du sac, lâchant mes chocolats durement trouvés pour eux.
— Mon précieux, imitais-je Sméagol en prenant le sac qui contenait des chocolats bien particuliers.
Sur le sac venant d'un chocolatier était inscrit plein de chose avec les mots « chocolats à la violette ».
Je n'eu pas le temps de voler les sucreries, tombant à la renverse.
Pardon ?
Allongée sur le lit, Oanelle dressée au-dessus de moi n'avait vraiment plus rien de la gentille amie que je connaissais. Non, elle était vraiment la prédatrice qui avait tâté le terrain avant de trouver une ouverture. Une occasion.
— Oanelle...
Pas de sourire.
— Tu sais, j'ai essayé de me retenir. J'ai attiré l'attention pour que personne ne te remarque alors que tu es si mignonne aujourd'hui. Mais franchement, tu es vraiment trop adorable en lapine.
Son visage enfoui dans le creux de mon épaule, elle semblait vraiment être à bout. Tapotant sa tête comme pour féliciter, de mon autre main de mangeait les chocolats à la violette. Ils étaient vraiment délicieux.
— Hella, pourquoi est-ce que tu ne veux pas me voir comme autre chose qu'une amie ?
— Je ne te vois pas comme une amie mais comme une harceleuse.
Ses mains s'emparèrent de mon visage le prenant en coupe alors qu'elle fondait sur moi. Ses lèvres sur les miennes, une langue affamée passa l'ouverture de ma bouche avant de reculer.
— C'est sucré.
— J'ai mangé du chocolat.
Mais quelle idiote, ce n'était pas ce qu'il fallait dire dans ce genre de situation !
Se couchant sur moi, un genou entre mes jambes, elle glissait ses mains dans les miennes, entrelaçant nos doigts avec un sentiment dans les yeux que je ne décrivais pas mais que je pouvais deviner. Il s'agissait de désir.
— Aujourd'hui, je n'ai plus envie de jouer. Laisse moi être une louve, Hella.
Lentement, me donnant le temps de décider, elle s'approcha pour de nouveau embrasser mes lèvres. Je ne l'avais pas repousser, n'en avais ressenti l'envie.
Entre une louve et une lapine, une seule issue possible. La même qu'entre tous les prédateurs face à leur proie. La lapine se ferait dévorer. Pourrait-il résister à une louve affamée ?
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