BONUS
La porte claqua avec un bruit sourd qui résonna dans le couloir sans âme à l'odeur citronnée de désinfectant industriel et Noah n'eut besoin que de deux pas avant de se laisser choir sur le lit étroit. En soupirant, il attrapa l'oreiller recouvert d'une simple taie blanche et un peu rugueuse et enfouit sa tête dessous, dans un désir aussi irrépressible qu'immature de se couper du monde qui l'entourait. Marre, marre, et ras le bol.
Il serait probablement resté ainsi un bon moment, le silence de sa petite piaule à peine brisé par les voix étouffées provenant de la cuisine collective située au même étage, si le battant ne s'était rouvert brusquement, le faisant sursauter devant cette intrusion.
— Bordel, May, tu pourrais frapper, quand même ! Tu fais chier !
La jeune femme haussa vaguement les épaules et se laissa tomber sans grâce aucune sur le matelas. Elle s'amusa quelques secondes de ses couinements, rebondissant et gigotant pour se frayer une place, puis s'affala à moitié sur lui, la tête posée sur son estomac et la main dans ses cheveux ébouriffés. Il grinça des dents à ce câlin qu'il n'avait pas réclamé. Noah n'avait jamais été un grand fan des contacts physiques et à l'inverse, il était un fervent partisan de la protection de son intimité. Mais la jeune franco-vietnamienne aux yeux en amande et à la chevelure teinte en rose chewing-gum n'en avait strictement rien à carrer, il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour s'en apercevoir, et le plus souvent il se contentait de le tolérer.
— Je t'attendais à la biblio, je te signale, répliqua-t-elle nonchalamment. Si tu ne m'avais pas planté, je n'aurais pas débarqué dans ton antre sacré.
— Ha merde, j'avais complètement oublié !
Noah tordit les lèvres, se sentant mal pour elle. Après la journée de merde qu'il avait passé, ce rendez-vous de travail lui était radicalement sorti de l'esprit. Et son état de fatigue avancé n'avait carrément pas aidé.
— Putain je suis vraiment désolée, Maymay. J'étais à la réunion de rédaction de la Gazelle et ça a traîné. Et en partant, je suis tombé sur les mecs d'Ambition Campus qui recrutaient et voulaient me parler.
— Gné ? C'est quoi encore ce truc ?
Noah poussa son amie, de plus en plus léthargique et incrustée dans sa couette, pour se rallonger confortablement. Elle aussi semblait vannée et de lourds cernes venaient tirer ses traits fins.
— La Gazelle ?
— Nan, ça je connais, merci, tu m'en bassines assez comme ça... Gnagnagna, magazine étudiant... gnagnagna, premier journal universitaire de France, gnagnagna, je me la pète...
— Espèce de bitch.
Noah lui asséna une pichenette molle sur le haut du crâne, trop claqué pour lui décocher les coups d'oreiller qu'elle méritait. Elle lui tira la langue par en dessous, pas effrayée, et précisa sa question :
— Je parlais de l'autre truc, Ambition machin. C'est quoi ?
— Ah, ça... C'est une association pour aider les lycéens de quartiers pourris à passer des concours ou se présenter à de grandes écoles. Il y a pas mal d'élèves de Science-Po impliqués dedans et ils m'ont demandé si je voulais être mentor d'un gamin.
— Oh ? C'est plutôt cool, non ?
Noah opina avec conviction. Il se doutait bien que l'idée était susceptible de plaire à sa meilleure amie. Tout comme lui, May avait de l'expérience quand il s'agissait de se créer sa propre ascension sociale. Fille unique d'un couple immigrés vivant modestement de leur épicerie dans un village de la campagne lyonnaise, la jeune femme avait connu tous les types de décalages possibles. Seule enfant Asiatique dans un patelin de blancs, excellente élève dans un lycée de seconde zone puis provinciale désargentée dans la très chic et très snob université de Paris Dauphine, qu'elle avait intégré grâce à des notes stratosphériques, une bourse complète et un bagou monstrueux, May brillait par une détermination à toute épreuve. C'est d'ailleurs cette même détermination qui les avait conduits à se côtoyer malgré les réticences initiales de Noah, puisque l'étudiante avait jeté son dévolu sur lui dès leur emménagement commun dans cette Cité U du quatorzième arrondissement et qu'il n'avait alors pu que s'incliner.
— C'est plutôt cool, admit le jeune homme, mais je ne suis pas certain de pouvoir le faire. J'ai un boulot monstrueux pour les cours, la Gazelle me prend déjà un max de temps et Léandre...
Il n'avait pas du tout eu l'intention d'aborder ce sujet et stoppa net, mais c'était trop tard. May avait des antennes et beaucoup trop d'intuition à son goût et elle l'avait maintenant dans son radar.
— Quoi, Léandre ? Qu'est-ce qu'il a ton mec ?
Noah soupira et se laissa aller sur les coussins, sous le regard scrutateur de la minuscule jeune femme. Elle lui faisait penser à une caricature d'héroïnes de manga avec ses yeux écarquillés, sa coupe pixie et son air intense et il se tâta à lui balancer, histoire de faire diversion. Mais il tenait encore un peu à ses couilles, même pour le peu qu'elles lui servaient ces derniers temps, aussi s'abstint-il avec sagesse.
— On s'est engueulé, finit-il par avouer à regret.
La nouvelle fit bondir May et elle le regarda, bouche grande ouverte.
— Sérieux ? Mais vous ne vous engueulez, genre... jamais ! Vous êtes tout mielleux et écœurants et dégoulinants de chatons et de licornes en barbe à papa et vous filez la gerbe à tous les célibataires du quartier.
Noah se redressa à son tour pour s'adosser au mur et leva les yeux avec emphase.
— Oh, ça va ! Il ne tient qu'à toi de ne plus l'être, célibataire ! Je te signale que tu n'as qu'un mot à dire pour que Colin se roule à tes pieds en espérant que tu lui grattes le ventre. Le mec n'en peut plus d'amour dès que tu es dans les parages et tu le sais parfaitement.
Elle le fusilla du regard. Il ne comprenait pas pourquoi sa pote se voilait la face à ce point alors qu'il était évident qu'elle craquait autant sur le futur médecin blond que lui n'attendait qu'elle. Mais bon... Probablement un comportement spécifique à la parade nuptiale des hétéros, allez savoir...
— Noah, tu ne m'auras pas comme ça ! Ne change pas de sujet et raconte-moi pourquoi tu t'es pris la tête avec ton mec parfait !
— L'est pas parfait, ronchonna-t-il dans sa barbe.
— Hein ?
— J'ai dit, il n'est pas parfait, OK ? Et moi non plus, au passage, donc ça n'a rien d'étonnant qu'on se prenne parfois le chou. C'est normal et ça arrive à tous les couples, pas besoin d'en faire un drame ou une affaire d'État !
S'il avait eu en face de lui l'un de ses potes — à l'exception de Colin peut-être, signe évident que ces deux-là étaient destinés l'un à l'autre — il aurait pu s'en sortir ainsi. Valentin aurait rit, Nico enchaîné sur ses propres affaires de filles et ça aurait été plié. Quant à ses nouveaux camarades de promo, il s'entendait bien avec eux, mais n'en était pas encore au stade des épanchements émotionnels et des confidences et aucun d'eux n'aurait décelé son évident mensonge. Mais May était d'une autre trempe et son regard acerbe l'avertit qu'il ne s'en sortirait pas aussi facilement.
—Noah Saint André ! Avoue et dis-moi ce que tu as foutu !
Il la dévisagea avec confusion.
— Mais pourquoi tu m'appelles comme ça d'un coup ?
Elle ricana, assise en tailleur et très à l'aise.
— J'ai vu ça dans une série US, je trouve ça classe pour pourrir quelqu'un. Tu n'as pas un deuxième prénom que je pourrai ajouter en plus ? Genre... Léopold ?
Elle reprit une voix grondante, alors qu'il la regardait, les sourcils en accent circonflexe :
— Noah Léopold Saint-André, scanda-t-elle, qu'as-tu fait à ce pauvre garçon ? Ouais, ça sonne très bien. Noah Léopold Saint André, avoue tes fautes !
— Mais bordel, pourquoi tu pars direct du principe que c'est ma faute à moi ?
— Euh voyons voir...
Elle se tapota le menton dans un geste faussement raisonnable et visant complètement à se foutre de sa gueule.
— Je ne sais pas, réfléchissons... Peut-être parce que Léandre est un gars trop mimi ? Gentil et attentionné ? Qu'il t'a offert un putain de week-end à la mer pour le Nouvel An ? Qu'il se tape des milliers d'heures de métro un soir sur deux pour venir te voir parce que tu finis trop tard pour aller chez lui ?
Noah grimaça sous l'énumération et elle conclut d'un ton dramatique.
— Nan, oublie, je sais... ce sont les abdos... Un gars avec des abdos aussi bien dessinés ne peut pas avoir tort, c'est comme ça, tu ne peux rien y faire...
Noah éclata de rire. Cette fille était complètement barge, mais il était sacrément content de l'avoir rencontré. La résidence glauque et sans âme du CROUS n'aurait pas été la même sans elle. Elle attendait toujours qu'il vide son sac, bras croisés sur la poitrine, et il se décida soudain, pris d'un besoin étrange de laisser sortir tout ce qui le minait.
— C'est bon, arrête de me faire tes yeux noirs, là. On s'est pris la tête parce qu'il trouve que je n'ai pas assez de temps pour lui et je ne peux pas lui donner tort... J'ai un peu abusé niveau activités extrascolaires au premier semestre et maintenant que les partiels de fin janvier approchent, je n'arrive plus à gérer. Le soir je suis naze, je n'ai pas envie de sortir et même s'il vient ici, je m'endors direct.
Elle fit la moue.
— Ça ne doit pas être cool pour baiser.
— Bordel, May !
— Quoi ? C'est vrai, merde ! Si vous ne baisez plus, je comprends qu'il en ait ras le bol. Moi-même, si tu veux savoir...
Comme il haussait un sourcil dans sa direction, elle lui retourna un regard hautain.
— Je suis une femme... Je ne t'attends pas à ce que tu en saches quoi que ce soit, vu ton intérêt pour les vagins, mais je te signale que nous avons des besoins, nous aussi...
— Et je suis certain que Colin serait ravi de combler toouus tes besoins, ironisa-t-il en étirant la syllabe à son maximum.
La taloche l'atteignit à l'épaule, mais elle n'y avait pas mis beaucoup d'entrain, concentrée sur son problème de petit-ami merdique.
— Tu peux peut-être abandonner certains trucs ? Tu y as réfléchi ?
Il bâilla et se rallongea contre elle, contemplant le plafond sans le voir.
— Ouais, j'y ai pensé. Je vais lâcher le club de débats déjà ainsi que Terra Nova même si je trouvais ça cool. Tant pis. Je verrai l'an prochain si je réussis à m'organiser mieux. En revanche, j'aimerais vraiment faire ce système de mentorat avec les lycéens. J'aurais bien voulu en bénéficier, moi, quand je galérais, alors je trouve ça important.
Elle acquiesça avec vigueur et fronça le nez en pleine réflexion.
— Le truc chiant c'est que vous êtes à l'opposé, quoi. Vos écoles sont centrales, mais vous habitez aux deux bouts de Paris, ça n'aide pas. Ce serait plus simple si tu pouvais vivre dans le super appart de ton mec, en fait.
Noah resta silencieux et se mordit les lèvres dans un geste de défense involontaire qu'il espéra voir passer inaperçu. Mais ce ne fut pas le cas et il saisit distinctement le moment où la compréhension atteignit les iris noirs et sagaces de la jeune femme. May se mit à hurler comme une banshee.
— Noah Léopold Saint-André ! Ne me dis pas que ton mec t'a proposé de vivre avec lui et que tu as refusé ? Tu n'as pas fait ça ?
Il geignit et tenta de se cacher sous son coussin, mais il lui fut arraché des mains et il se retrouva surplombé par un menton crispé de colère et des yeux furibonds.
— Mais je ne pouvais pas dire oui !
Son cri du cœur souffla la jeune femme et étonna Noah lui-même. Elle recula pour le contempler avec perplexité.
— Ça veut dire que tu en avais envie ? Même si tu as dit non ?
Il gémit, tâchant de remettre de l'ordre dans ses pensées avant de répondre à l'inquisition.
— Ouais je suppose... Ce serait cool, j'avoue... Il me manque beaucoup, en vrai.
Il se mordilla l'ongle du pouce.
— C'était génial l'an dernier, quand on était chez sa mère. Ça m'a fait super drôle lorsque je suis arrivé ici tout seul et j'aimerais vraiment le voir plus.
— Mais alors, pourquoi tu refuses ?
— Parce que ce serait super déséquilibré ! Je n'ai pas une thune et lui un appart de trente-cinq mètres carrés en plein Paris. Il me paye déjà les vacances, plein de trucs, et moi je ne veux pas être entretenu, merde.
L'oreiller vola et l'atteignit en pleine poire.
— Noah Léopold Saint-André, tu es un abruti...
— Je ne m'appelle même pas Léopold, putain.
May fit la moue en l'évaluant, yeux plissés.
— Ça te va bien pourtant, tu as une tronche de Léopold.
Comme il allait protester, elle le coupa d'un index impérieux.
— Pshit ! Pshiiiiit ! On se tait ! Toi, mon ami, tu es un idiot et tu vas m'écouter. Oui, d'accord, ton mec est pété de thune, en plus d'être beau comme tout et sympa et musclé et graouuuu miam miam. J'ai juste envie de dire Mazeltov, quoi, profite de ta chance au lieu de te lamenter. Il ne te propose pas de t'entretenir, juste de t'héberger. Il ne le paye pas lui-même son appart, pas vrai ?
Noah secoua la tête. L'appartement était un cadeau de la mère de son petit-ami, financé sur les thunes de son connard de paternel et Léandre n'en prenait en charge que les dépenses courantes.
— Bon, ben, tu pourras lui reverser le fric de ta bourse comme pour ce palace et la question est réglée.
— Ça reste déséquilibré...
Elle leva les yeux si haut qu'ils se perdirent dans sa frange rose et bien lissée.
— Mais on s'en tamponne le coquillard avec une queue d'écrevisse de ça. Ce n'est pas comme si tu étais un gigolo. Vous êtes étudiants tous les deux, tu lui tailles déjà des pipes pour le plaisir et sans être payé alors arrête de te prendre le chou, un peu !
Comme Noah restait sceptique, elle secoua la tête, écœurée.
— En vrai, tu as juste la trouille qu'en te montrant vulnérable, en le laissant s'occuper de toi, il termine par se lasser et que vous finissiez par vous séparer. Mais tu sais quoi ? Si tu continues d'être un crétin, c'est ce qui va finir par arriver. Ce mec vénère chacun de tes pas et c'est réciproque, alors cesse de le faire chier avec tes principes à la con. Va roucouler avec lui dans votre petit paradis au bord du canal, laisse-moi crever seule dans ce gourbi, et arrête de te prendre la tête pour rien.
— Et si ça ne marche pas ? La cohabitation à deux ? J'aurai perdu mon appart et je serai dans la merde.
— Ça s'appelle un risque, monsieur le control freak. Bienvenue dans la vraie vie où on ne peut pas tout programmer. Faut s'y habituer, mais je te jure qu'on s'y marre bien plus que dans le tableur Excel qui te sert de cerveau.
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Pendant qu'il laissait le métro l'emporter vers le canal de l'Ourcq et la résidence de type Brooklyn idéalement située à l'angle du parc de la Villette où habitait son amoureux, Noah se repassait en boucle les derniers mots de May. Ne rien programmer et cesser de s'angoisser. Facile à dire, certes, mais à réaliser ? Mais Léandre en valait bien la peine et leur couple était sa joie alors il le fallait. L'année passée avait été la plus heureuse de sa jeune vie, Noah devait bien l'admettre. Et maintenant que ses soucis financiers étaient moins prégnants, il avait l'opportunité d'encore plus en profiter. Grâce à la bourse maximale attribuée par le CROUS, et complétée de celle offerte par Sciences Po, il n'avait plus besoin de travailler comme un forcené après les cours. Son ancienne prof d'économie de Carnot l'avait recommandé à des connaissances huppées et il donnait des cours de soutien à des collégiens et lycéens six heures par semaine. C'était un boulot cool et bien payé, et pendant que les gnomes remplis d'hormones et de thunes bossaient, lui avait le loisir de réviser. Et il était même parvenu à mettre du fric de côté pour la première fois, après avoir fait les tabacs avec Léandre durant plusieurs semaines d'été. Son petit ami riche s'était sacrifié aux travaux des champs pour passer plus de temps avec lui et même ce travail rude, effectué dans le village d'origine de son compagnon, était un bon souvenir. Ils avaient été hébergés par Nana et Éliane et les jours de dur labeur avaient filé très vite. Puis Noah avait pris de vraies vacances, les toutes premières de sa vie. Léandre l'avait embarqué dans la voiture inutilisée de sa mère et ils avaient arpenté la côte basque où Noah était tombé amoureux un peu plus de Léandre, ainsi que de l'océan. La rentrée était venue bouleverser cette proximité aussi délicieuse que quotidienne et Noah devait s'avouer qu'elle lui manquait, ajoutant de l'anxiété et de la tristesse à sa fatigue de nouvel étudiant.
En bref, May avait raison, il devait arrêter de se prendre la tête. Leur couple était solide, Léandre fou de lui et il était le seul à se sentir inférieur ou diminué par le niveau de vie de son ami, dont il le faisait profiter sans arrière-pensée.
C'est dans cet état d'esprit optimiste que Noah sonna vigoureusement à l'interphone en bas de l'immeuble de brique ocre.
— Hey ! Je ne savais pas que tu passais ce soir !
Le visage surpris et radieux de Léandre lui fit une drôle de sensation dans l'estomac. On aurait pu croire qu'après plus d'un an de relation, son excitation et son plaisir à voir son amoureux se seraient atténués, mais ce n'était pas du tout le cas. Voire même l'inverse, maintenant qu'ils avaient des difficultés à prendre du temps pour eux deux. De toute façon, Noah se savait faible avec Léandre, et ce dès le premier jour. Lorsque le sportif baraqué et rougissant avait débarqué dans sa salle de révision et qu'il l'avait regardé de ses grands yeux bruns voilés, il avait immédiatement craqué comme un crétin. Bien sûr, à l'époque, il l'avait pensé hétéro et l'avait rangé dans la case « bon pote — à ne pas toucher ». Mais même à cette période, il avait réalisé que la moindre perspective que quoi que ce soit puisse se passer entre eux le ferait tomber comme une prune bien mûre. Et il était tombé, oh combien tombé...
Noah fit un pas instinctif en avant et échoua sur les lèvres de Léandre qui rit contre sa bouche. Il se laissa enlacer et glissa sa main dans les cheveux noirs et doux, que Léandre avait légèrement coupés mais qui restaient toujours soyeux lorsqu'il les empoignait. Il ferma les paupières et approfondit le baiser. Il profita plusieurs minutes de la carrure de son petit ami, de son odeur de sueur propre et de sa peau chaude contre la sienne avant de se redresser et de rencontrer deux yeux mi-amusés mi-inquiets.
— Et bien, quel enthousiasme. Que me vaut le plaisir de cette surprise ?
Noah détesta la nuance incertaine qui colorait la voix de son amant. Il était celui qui mettait le doute entre eux, qui faisait passer leur relation en second, à rebours de ses sentiments les plus profonds, et cela devait changer. Il se décolla de leur étreinte, dépassa le grand jeune homme et se délesta de ses Converses et de son manteau dans la chaleur cosy de l'appartement. Si, à l'époque, la chambre de Léandre avait été aussi froide et impersonnelle que possible, il avait fait un réel effort pour rendre son nouveau chez lui accueillant et Noah appréciait. Ouais, il pouvait se voir vivre ici. Vivre avec lui, surtout.
Sa décision renforcée et le cœur affolé de ce pas en avant, il se retourna vers Léandre qui le scrutait toujours, des questions pleins les yeux, et se lança avant de perdre tout courage.
— Je t'aime...
Comme à chaque fois qu'il le lui disait, le visage de Léandre s'adoucit sur un sourire heureux, mais Noah le coupa avant qu'il ne lui réponde la pareille et répéta :
— Je t'aime. Et aussi, je veux vivre avec toi. Ici, je veux dire. J'ai beaucoup réfléchi et j'accepte ta proposition de venir vivre avec toi. Enfin, si tu n'as pas changé d'avis, bien sûr.
Il se sentit rougir et son ton mourut sur ces derniers mots alors que Léandre le regardait, stupéfait.
— Putain, tu es sérieux ?
Noah hésita entre rire et pleurer devant l'incrédulité manifeste de son petit ami.
— Euh ouais... Enfin, j'ai pensé... Si tu en as encore envie ? Si ce n'est pas le cas...
Un corps chaud et nettement plus musclé que le sien le percuta avec rudesse, le basculant dans un hoquet surpris sur le canapé heureusement juste derrière lui. Il se retrouva coincé sous quatre-vingts kilos de Léandre musclé, pris en étau dans les bras de son amoureux dont les yeux brillaient de manière suspecte.
— Putain, mais ouais ! Mais carrément ! Mais même, genre, tout de suite ! Je croyais que tu n'étais pas pour, qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?
Noah soupira. Il n'avait pas spécialement envie d'infliger à son compagnon une nouvelle preuve de sa capacité stupide à créer des problèmes là où n'y en avait pas aussi se borna-t-il à répondre sobrement, lui épargnant ses mille incertitudes et réflexions angoissées.
— On ne se voit jamais et tu me manques, c'est tout. Par contre, je te préviens, je payerai une partie des frais.
Léandre gronda un rire dans son cou où il s'était enfoui.
— Ben tiens... Je m'en serais douté, t'inquiète. On regardera les comptes ensemble, ça te convient ?
Noah opina, légèrement distrait de ces considérations financières, pourtant essentielles, par le mouvement des mains agiles de son petit ami qui se faufilaient sous son sweat-shirt. Une myriade de frissons l'envahirent alors que les doigts chauds remontaient vers son torse et que le souffle de Léandre à son oreille devenait plus heurté. Il reprit ses lèvres avec vigueur et s'abîma dans leur baiser.
L'excitation de leurs caresses le submergea en même temps que la joie et l'effervescence de leur emménagement futur, qu'il peinait encore à réaliser. Et lorsqu'il grimpa sur les genoux de son amant pour envahir sa bouche avant d'envahir son corps, ce fut avec la certitude que malgré ses errances et ses doutes, ses peurs et ses réticences, leur amour était aussi solide que le roc et leurs vies, inextricablement liées.
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