Les péripéties d'Astrid
Petit bonus de "retrouve-moi". Point de vue de la maman. Un autre bonus du point de vue de Côme est en cours d'écriture, quelques années plus tard. Le mariage de Adriel et Elena sera dans le tome des vacances de nos persos. Il est en projet et pas du tout commencé. Des histoires sont à terminer avant, chaque chose en son temps ^^
Bonne lecture mes meringues ;-)
ASTRID
Mes yeux vont partout. Lors de ma dernière visite, on m'a annoncé l'arrêt des recherches en me conseillant de faire une croix sur Adriel. Comment peut-on annoncer ça à une mère ? Il n'en a jamais été question.
Les uniformes passent. Je reste droite sur mon siège, prête à me lever. Certains froncent les sourcils, se demandant la raison de ma présence dans un commissariat. Ce n'est pas étonnant, ce n'est pas un lieu pour une femme dans mon genre. Certes, je n'ai rien fait de mal de toute ma vie mais je ne suis pas irréprochable. Qui peut l'être ?
Mon pouls s'accélère. Pourquoi je n'ai pas demandé à mon mari de m'accompagner ? Il m'aurait épaulée. Il s'en veut encore tellement. Le retour de notre fils bien aimé ne l'a pas soulagé. Toutes ces années, je l'ai soutenu. Ce n'est pas de sa faute. Pas une seconde, je ne lui ai reproché la perte de notre enfant.
Ma vie s'est suspendue à vingt-six ans, elle reprend à cinquante-neuf ans. Cruel gâchis.
Pendant toutes ces années, nous avons souffert, accablés par les hypothèses les plus improbables. Mais celle-ci est la pire. À cause d'eux. Nos supposés meilleurs amis. Ils nous ont trahis de la pire des façons. En nous privant d'une part de nous.
Les larmes me montent aux yeux. Notre vie aurait dû être tout autre.
Bien sûr, les garçons ne nous ont rien dit de la réalité lorsqu'ils se sont retrouvés, pour nous épargner j'imagine. Avant son changement de nom, Adriel et Elena nous ont invités chez eux. Curieuse, j'ai jeté un œil au nom inscrit sur la boîte aux lettres. Nous sommes tombés de haut. Une claque magistrale. Ça ne pouvait pas être une coïncidence qu'il s'appelle comme ces traîtres ! Maintenant, il a retrouvé son nom de naissance. Plus de traces d'eux. Bon débarras.
Le point positif, c'est l'annulation de son mariage. Je m'en réjouis secrètement. C'est mesquin de le penser mais ma récompense est que je pourrai conduire mon fils à l'autel. L'émotion me fait encore monter les larmes aux yeux de joie cette fois et me serre le cœur. Je vais marier mon fils et le second va avoir un enfant. Nous saurons tout à l'heure le sexe. Ils nous le cachent depuis l'échographie. Mon cœur se gonfle de fierté et d'émotion.
- Madame, si vous voulez bien me suivre.
Le flot de mes pensées se tarit et je me concentre sur l'officier planté devant moi. Il fait un pas en arrière et m'invite à le suivre. Je vais enfin revoir l'incapable en charge de l'investigation de la recherche d'Adriel. Usée par ces années de chagrin, j'ai l'allure d'une petite vieille. Je le suis. À mon âge, on ne se refait pas. Nous avons tenu grâce à Côme. Il a été un enfant exceptionnel puis maintenant un homme exceptionnel.
L'officier me présente son bras.
- Vous avez besoin d'aide.
Je m'appuie dessus pour me lever et le remercie. Nous longeons un couloir à allure modérée.
- Madame Leroy, m'accueille le désormais vieux inspecteur. Asseyez-vous.
- Inutile. Je ne vais pas rester.
- Il vaut mieux prendre un siège.
Je n'ai aucune envie de l'écouter. Le but de ma venue est simple et tient en quelques mots : je vais vider mon sac. En aucun cas, l'écouter blablater et se dédouaner de son incompétence.
- Nous avons fait des découvertes, ajoute-t-il pour ...
Finalement, ce n'est pas une mauvaise idée. À aucun moment, mon visage ne se déride. Au contraire, il reste fermé et mes traits se durcissent. J'ai une haine en moi.
- Allez-y.
- Vous êtes en colère, je le comprends.
- Vous ne pouvez pas imaginer à quel point !
Mon ton est dur. Je ne me souviens pas avoir parlé de la sorte un jour.
- Toutes mes excuses n'effaceront pas votre calvaire mais je suis sincèrement désolé.
- Pas autant que moi. Votre enfant ne vous a pas été enlevé pendant plus de trente-trois ans. Vous êtes un incompétent.
L'accablement crispe son visage ridé.
- Toute ma vie, je m'en voudrais. Je ne comprends pas.
- Moi non plus et je doute pouvoir le faire un jour ni vous pardonner. Maintenant dites-moi. Que l'on en finisse.
Le dossier ouvert devant lui, il tourne un document d'une main tremblante de façon incontrôlable.
Début de Parkinson. C'est certain. Soudain, une tristesse me fait regretter mes paroles. Il le survole puis se racle la gorge avant de prendre la parole.
- Après la réapparition de votre fils, des recherches ont été menées.
Je crois être au bout de mes surprises. Plus rien ne peut me choquer ou m'étonner. Si peu. Et pourtant...
- Ça concerne quoi ?
Sa main passe sur son visage. Il est las et je vois bien qu'il s'en veut de tout ça. Rien ne change vraiment. De penser aux étapes loupées de la vie d'Adriel, une rage inconnue fait bouillir mon sang. Mes poings se serrent. L'envie de le gifler me fait trembler.
- Un corps a été retrouvé. Un trou profond creusé dans le jardin de l'ancien domicile de vos anciens... bref chez les parents de Adrien.
- Il est décédé ?
- Oui. À six mois. Il y avait une lettre dans la petite boîte.
Je revois ce petit bonhomme trop fragile. Pauvre enfant. Que lui est-il arrivé ?
- Quelle horreur. Je peux la voir ?
- Officiellement, je n'ai pas le droit... mais je dois m'absenter de mon bureau. Vous savez ce que c'est à mon âge. On n'est plus aussi rapide et on cherche souvent ce que l'on devait faire. Comment pouvez-vous savoir que cette lettre se trouve à la fin de ce dossier ? Et que l'emplacement de l'imprimante est sous ce bureau. Elle est très silencieuse. Un bijou de technologie.
- Merci.
- Je vous dois bien ça.
C'est vrai !
- Je peux vous poser une dernière question ?
Son soupir est long et défaitiste.
- Inutile, vous allez me demander comment est-ce possible. J'étais jeune, ma première affaire. Je ne savais pas faire la différence entre deux bébés. Je ne me rendais pas compte. En allant les interroger, ils étaient sur le point de déménager dans le sud. Avec le recul, j'ai pris conscience que le bébé... c'était... Adriel. Il était au sein. Il hurlait tellement, c'était strident. Il n'était clairement pas content. Le « père » m'a expliqué que depuis bébé, il ne faisait que pleurer pour cause de santé fragile. La « mère »... elle se sentait impuissante. Je voyais qu'elle ne comprenait pas pourquoi il refusait le sein. Elle était si épuisait qu'elle fonctionnait de façon automatique. Leur domicile a été tout de même fouillé. Sans la présence d'un second enfant ou des vêtements du vôtre, l'affaire a été classée les concernant. Toutes ces années, je n'ai jamais abandonné le dossier. J'ai suivi beaucoup de pistes même lorsque mes supérieurs m'ont demandé de classer le dossier, faute de preuve.
Les remords me font regretter la rage dirigée contre lui. Il a continué !
- Merci. Je vous ai mal jugé.
- C'est normal. Concentrez-vous sur vos retrouvailles. Je pense que ce n'est pas nécessaire de perdre du temps à trouver un coupable. Je suis l'un d'eux malgré moi.
Son regard s'attarde. Il est fait de regrets et d'excuses. Il part en fermant la porte. Je fais la même chose deux minutes plus tard, un papier bien plié dans le fond de mon sac. J'ai résisté à l'envie de le lire sur place.
Pour l'heure, j'ai un double anniversaire à aller préparer.
Mes courses chez l'épicier, j'ai le nécessaire pour élaborer un repas. En rentrant, tout étalé sur la table, un seau d'eau glacée me tombe dessus. Si je connais Côme et ses goûts, je ne sais presque rien de Adriel. Comme si j'étais une mère indigne. Et s'il se pensait moins important ? S'il pensait que j'en préfère un ?
Une fois de plus, je maudis le geste atroce des traîtres.
Nous faire ça ! Je ne saisirai jamais la raison. Le souvenir de la lettre me revient. Je décide de ne pas la lire dans l'immédiat même si je veux savoir ce qu'ils ont inventé pour se faire excuser.
Après l'anniversaire de mes garçons, je la lirai peut-être. Je ne veux pas me miner le moral davantage.
Côme et Adriel au travail, je compose le numéro de Solveig. Elle ne jugera pas ma nullité.
- Astrid. Comment vas-tu ?
- C'est à toi qu'il faut demander ça.
- Mon ventre est énorme. Je ne dors pas beaucoup. Je suis enflée.
Je pouffe. Ce n'est même pas vrai. Ça se voit à peine. La grossesse la sublime.
- Tu es heureuse ?
- Plus que jamais. J'aime ton fils, tu le sais.
- Je sais. Bien avant toi.
- C'est vrai. Tout ça, c'est grâce à toi.
Je ne suis pas d'accord.
- Mais non. Tu te trompes. J'ai un souci.
- Que se passe-t-il ?
- Je ne sais rien des goûts de Adriel. C'est mon fils et je le connais à peine.
- Le principal, c'est le geste. Je suis convaincue que quoi que tu fasses, il sera touché. Ce n'est pas de ta faute.
- Et s'il n'aime pas ce que je vais faire ?
- Je suis certaine que si. Au pire, appelle Elena.
- Euh...
- De quoi as-tu peur ?
- Et si elle me juge ?
- Tu divagues. Elle n'est pas comme ça.
C'est vrai. Adriel est tombé sur quelqu'un de très bien.
Une liste de mes compétences culinaires dressée, je fais défiler les noms dans mon répertoire puis je repose mon téléphone. Je redoute vraiment un jugement déplacé. Puisqu'ils sont jumeaux, ils ont peut-être des goûts similaires ? Bon, c'est nul comme raisonnement. Ils n'ont pas été élevés de la même façon.
Mon dieu. Pauvre Adriel. Mon cœur pleure de l'imaginer dans cet orphelinat en attendant des « parents » prêts à l'adopter. Quelles terribles épreuves a-t-il dû affronter seul ? Mon pauvre petit garçon perdu. Il était tout proche. Comment ne pas y songer ?
La sonnerie de mon téléphone interrompt mes divagations.
- Oui ?
- Bonjour, Astrid. C'est Elena.
- Solveig ?
Elle rit. Solveig est toujours là et n'abandonne jamais.
- Carrément. Elle était embêtée pour vous.
- Je t'en prie, tutoie-moi.
- Ok ok. Solveig m'a expliqué ton problème. Ne t'en fais vraiment pas. Le plus important, c'est le geste. Il a une famille et c'est tout ce qui compte.
- Je ne connais même pas mon fils.
- Ce n'est pas de ton fait. Il faudra un peu de temps.
****
Rien ne me distrait plus que de me mettre aux fourneaux. C'est ce que je fais pendant des heures et ça fonctionne. J'oublie tout.
Sauf nos retrouvailles avec Adriel. En ouvrant la porte ce jour-là, j'ai immédiatement su que ce n'était pas Côme mais si c'est lui qui devait se pointer et que malgré les années d'éloignement, ils se ressemblent trait pour trait. C'est tellement étrange ! Je n'en revenais pas. Je crois que je ne l'ai pas quitté des yeux de la journée le temps qu'il était ici et j'ai eu du mal à le laisser partir. De peur de ne plus jamais le revoir. Ils m'ont beaucoup rassurée. Je n'aurais pas supporté une autre disparition. Il est revenu.
La porte s'ouvre et se referme doucement quand je termine la touche finale.
Le premier à faire son entrée est mon mari bien aimé.
- Tu rentres tôt, Stanislas.
- J'avais hâte de te voir. Tu me manques à chaque instant.
Un sourire immense se dessine sur mes lèvres. Après toutes ces années, il m'aime toujours autant. C'est totalement réciproque. Il est ma lumière, mon tout.
- Toi aussi tu me manques. Tu as passé une bonne journée ?
- Monotone, dit-il en s'avançant vers moi. J'attendais le moment où j'allais te serrer dans mes bras.
C'est ce qu'il fait et comme par miracle, il m'apaise. Sa bouche s'aventure dans mon cou puis me chuchote un Je t'aime dans le creux de l'oreille.
- Je t'aime aussi. Plus que tout, je lui murmure en me retournant pour lui offrir mes lèvres.
Les siennes les capturent doucement et son effleurement fait tourbillonner les papillons dans mon ventre.
Mon mari est adorable et l'homme parfait pour moi. Depuis plus de trente ans. Ce n'est pas si mal.
Notre baiser devient passion et nos mains s'égarent sous le vêtement de l'autre, allumant un feu charnel.
- Le dîner est à quelle heure ? me demandent se lèvres contre les miennes.
- Dix-sept heures.
Un grognement de frustration le fait mettre fin à ce début de rapprochement.
- Tu as vu l'heure ?
C'est dans quinze minutes et je ne suis pas changée.
Nous gloussons comme des ados et allons nous préparer. J'observe mon mari ôter ses vêtements. Il est toujours aussi beau et sexy. Mon rythme cardiaque s'accélère, le rose me colore les joues.
Sentant mon regard braqué sur lui, il tourne la tête dans ma direction et me décroche un clin d'œil aguicheur. La dernière fois que nous avons fait l'amour remonte à loin et je suis certaine d'une chose : ce soir, nos corps vont se retrouver.
Pour l'occasion, je revêts ma robe rose fuchsia et mes perles. Un chignon, des épingles pour tenir le tout et mon reflet me satisfait.
- Tu es superbe, s'illumine Stanislas.
- Merci, toi aussi.
La sonnette retentit. Pile à l'heure, nous sommes prêts.
Les garçons arrivent en même temps. Les larmes me montent aux yeux à nouveau. Je n'y croyais plus. Mes garçons réunis à nos côtés. Que du bonheur. Les accolades sont chaleureuses. Avec les jumeaux et avec Solveig et Elena. Notre famille est belle et enfin complète.
Tandis que je vais chercher les plateaux de hors d'œuvre, les discussions s'animent entre les hommes d'un côté et les femmes de l'autre. Sur le seuil de la porte, je prends le temps de tous les contempler. D'un coup, la tension sur mes épaules s'envole. Une chose est sûre, la soirée va se passer du mieux possible.
****
La maison retrouve son calme après le départ de tout ce petit monde. Elena s'est extasiée de sa future seconde noce. Elle a hâte de nous présenter ses parents. Nous aussi. Faire partie de la vie de notre fils, c'est tout ce que nous demandions. Très occupée avec la gestion de son bar, elle nous laisse carte blanche pour organiser cet événement dans quelques semaines. Sa seule condition est qu'il se déroule en Polynésie lors de leur - notre - invitation à un séjour organisé par leurs amis. Tous frais payés. Les Perez. Leur nom ne m'était pas inconnu et pour cause. Ce sont les patrons de Côme. Incroyable !
En parlant de Côme, avec Solveig, ils n'ont pas voulu nous éclairer sur le sexe du bébé. Ils veulent garder la surprise jusqu'au bout. Une évidence, Côme est aux petits soins pour Solveig. Il ne la quitte pas des yeux et s'assure qu'elle ne manque de rien. C'est touchant. La fougue de Solveig est en veille. Elle n'ose plus se rebeller. J'imagine parce qu'elle s'est rendu compte que ce n'était pas la manière d'agir avec Côme. Il a besoin de douceur et d'en donner.
Après avoir tout nettoyé et rangé, la lettre de l'inspecteur me revient en tête. Soudain, il faut à tout prix que je la lise. Ça tombe bien, Stanislas est occupé. J'ignore si je vais lui en parler. Il s'en veut tellement.
Mon sac fouillé, je l'extrais et la déplie, les mains tremblantes. Les mots dansent devant mes yeux. Je vais savoir !
Trois tentatives me sont nécessaires pour que les mots se frayent un chemin jusque dans le brouillard de mon cerveau. C'est tout simplement une lettre d'adieux à Adrien. Les risques du co-dodo. Ma supposée meilleure amie l'allaitait dans le lit. Épuisée, elle s'était endormie, le petit au sein. Lorsque notre supposé meilleur ami est revenu du travail, il a retrouvé le petit étouffé. Il a fait la chose la plus insensée, celle qui lui semblait la moins pire pour sa femme. Ne rien lui dire pour ne pas l'accabler. Je passe les détails jusqu'à cette fameuse soirée où il est venu chez nous, désespéré. Il n'a pas réfléchit et a profité de l'état de Stanislas lorsqu'il s'est absenté au cabinet. Juste en face de la chambre des jumeaux, en en voyant deux, il s'est dit que notre peine serait moindre.
C'est là où il s'est trompé et leur mort est pour moi un juste retour des choses. La vie se charge de rendre justice. Je suis juste frustrée que leur mort ait été rapide et sans conséquences pour eux.
Un bruit de pas me tire de mes pensées. La lettre retrouve sa place au fond de mon sac, en attendant d'en faire part à mon mari. Pas maintenant. Je veux me sentir bien entre ses bras.
Ses bras chauds qui se referment autour de moi et me serrent doucement.
- Tu vas bien ?
- Ou... oui. Je suis heureuse et comblée.
- Moi aussi. Ce sont des larmes de joie ?
Ses pouces les effacent. Je ne les avais pas senties couler.
- Je t'aime.
- Tu me raconteras ?
- Pas maintenant. Nous allons nous coucher ?
- Je n'attendais que ça.
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