9 - Mikey l'Invincible

Installée à son bureau, dans l'open space réservé à la police criminelle de Tokyo, Nanaka se laissa aller en arrière dans son siège, les poings sur les yeux.

Merde... Je n'arrive à rien.

Voilà trois mois qu'elle essayait d'identifier le fameux Mikey, sans succès. Elle avait cru d'abord réussir à trouver son nom dans les archives de la police, mais aucun rapport de faisait mention d'un criminel portant le nom ou le surnom de Mikey, aucun compte rendu d'arrestation, ni aucun procès-verbal d'interrogatoire. Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce type semblait n'avoir jamais eu affaire à la police.

Nanaka s'était alors tournée vers Kokonoi et les frères Haitani en se disant qu'elle le trouverait peut-être dans leurs anciennes relations, mais là aussi elle avait fait chou blanc. Aucun Mikey à Roppongi, ni dans les proches de Kokonoi.

Bordel, ce gars est un fantôme ou quoi ?

En désespoir de cause, elle avait cherché à en apprendre plus sur ce Sanzu, au moins lui elle l'avait vu de près. Malheureusement là aussi, ses recherches n'avaient rien donné.

Ça n'est sûrement pas son vrai nom...

Elle soupira de déception.

– Dure journée ? Lui demanda Naoto en s'asseyant au bureau voisin.

Il avait posé sa veste sur le dossier de sa chaise et il alluma son ordinateur.

– Quelque chose comme ça... Répondit Nanaka en se redressant.

Tachibana était de nouveau son partenaire, comme les fois précédentes, mais désormais Nanaka faisait de son mieux pour lui cacher, à lui comme aux autres, le véritable objet de ses recherches. Elle ignorait comment le Bonten avait su qu'elle enquêtait sur Hajime Kokonoi, mais elle ne pouvait pas écarter l'hypothèse qu'il y avait des taupes au sein de la police.

Si c'est le cas, se dit-elle, je leur ai donné moi-même l'info en affichant sa photo ici.

Par précaution, Nanaka préférait ne plus se confier à qui que ce soit.

Ce qui ne m'aide vraiment pas à avancer.

Elle jeta un œil dans le vaste open space. Si le Bonten avait ses entrées dans la police, cela allait poser un autre problème. Quels que soient ses efforts, elle ne pourrait jamais les coincer, ils auraient toujours un coup d'avance sur elle. Cette idée la contrariait. Nanaka allait être obligée de revoir ses plans.

Elle revint à l'écran de son ordinateur. Pour le moment, mieux valait se concentrer sur le premier de ses objectifs, identifier le boss du Bonten, et pour cela elle avait besoin des accès que lui offrait son poste dans la police.

Elle fit défiler les pages du vieux rapport sans rien y trouver d'intéressant et passa au suivant.

Après avoir épluché le passé de Kokonoi et des Haitani, Nanaka avait entrepris d'étudier les rapports de police datant de la présumée fondation du Bonten, quatre ans plus tôt. Elle espérait y trouver le lien qui lui manquait entre ces hommes. Mais pour l'heure cela n'avait rien donné.

Peut-être est-ce que je m'y prends mal ? Comment faire pour identifier un homme sans connaître son visage ou son nom ?

Elle se laissa aller en arrière une nouvelle fois et se massa les paupières du bout des doigts.

– Ça ne fonctionne pas comme tu le voudrais on dirait, remarqua Naoto. Tu veux un coup de main ?

Nanaka continua de se frotter les yeux.

– Non t'inquiète, dit-elle, ça n'est qu'une recherche sans importance.

– Ok.

Elle se redressa.

Peut-être que je devrais prendre le problème autrement, se dit-elle. Tous les cinq ne se sont pas rencontrés du jour au lendemain. Il y a forcément eu des antécédents. Quel est le point commun entre un homme comme Kokonoi et les frères Haitani ?

De ce qu'elle savait, tous les trois avaient toujours évolué dans le milieu de la délinquance. Mais si Hajime Kokonoi avait fait partie d'un gang lorsqu'il était plus jeune, les Haitani eux, s'étaient toujours vantés de n'avoir besoin de personne pour faire la loi.

Est-ce que c'est à ce moment-là qu'ils se sont rencontrés ?

Nanaka parcourut les informations dont elle disposait. Elle s'aperçut que le gang de bōsōzoku auquel avait appartenu Koko, le Tokyo Manji Kai, avait disparu tout à coup il y a six ans de cela, mais ce qui retint surtout son attention, ce fut un autre fait. Selon le rapport d'enquête, cette période avait été marquée par des affrontements entre gangs si violents qu'ils s'étaient soldés par quatre morts en l'espace de six mois.

Keisuke Baji, lut-elle, Emma Sano, Izana Kurokawa et Tetta Kisaki.

À chaque fois, le même nom de gang revenait dans le rapport. Le Tokyo Manji Kai.

Qu'est-ce que c'est que ce Tokyo Manji Kai ?

Nanaka décida d'en apprendre plus à son sujet.




Deux jours plus tard, elle se présenta à la porte du centre de détention de Katsushika. Après avoir cherché le meilleur moyen d'obtenir des renseignements sans attirer l'attention, Nanaka avait découvert que l'homme qui avait poignardé Keisuke Baji était toujours en prison. Il avait été condamné à dix ans de réclusion, une peine lourde si l'on tenait compte du fait que Baji s'était finalement suicidé, mais qui s'expliquait parce que Kazutora Hanemiya s'était déjà rendu coupable de meurtre. Quelques années plus tôt, il avait tué Shinichiro Sano lors d'un cambriolage qui avait mal tourné.

Encore un Sano, remarqua Nanaka. C'est quoi leur lien avec toute cette affaire ?

Le jeune homme qui entra dans le parloir était loin de l'idée que Nanaka s'était faite de lui. Grand, mince, le crâne rasé mais le regard doux, il portait comme seul trace de son passé un tatouage de tigre dans le cou.

Il s'assit de l'autre côté de la vitre, les mains toujours menottées.

– On m'a dit que vous vouliez me parler inspecteur ? Dit-il.

Nanaka se redressa.

– Oui, je voulais en apprendre plus sur un gang qui existait à Shibuya il y a quelques années. Le Tokyo Manji Kai, vous en avez entendu parler ?

Hanemiya sourit.

– Oui, dit-il. Bien sûr que je le connais. Je suis l'un des membres fondateurs du Toman.

Ça, je ne m'y attendais pas, se dit Nanaka.

Elle reprit.

– Je me posais des questions sur l'histoire du Tokyo Manji Kai et surtout sur la période qui a suivi la mort de Keisuke Baji.

Le visage de Hanemiya se ferma. Évoquer ces souvenirs n'était de toute évidence pas agréable, mais elle voulait savoir.

– Que voulez-vous savoir ? Lui demanda-t-il.

– Par exemple, pourquoi y a-t-il eu autant de morts cette année-là ?

– Parce que Tetta Kisaki projetait de mettre la main sur le gang et, qu'à ses yeux, tous les moyens étaient bons, même le meurtre.

Tetta Kisaki. Sa mort avait clos la liste des décès, se souvint Nanaka. L'explication de Hanemiya se tenait.

– Je peux comprendre pour Baji, dit-elle, et je peux même m'expliquer ce qui s'est passé pour Kurokawa, mais pourquoi Emma Sano ?

Hanemiya la regarda, surpris.

– Mais parce qu'Emma était la petite sœur de Mikey, répondit-il.




Nanaka demeura un instant sous le choc.

Mikey...

Elle se ressaisit.

– Qui... est Mikey ? Demanda-t-elle en déglutissant avec peine.

– Sano Manjirō, lui apprit Hanemiya. Le boss du Toman. On l'appelait Mikey l'Intouchable ou Mikey l'Invincible.

Nanaka peina à contenir la fièvre qui s'empara d'elle.

Je le tiens !

– Je vois et... où est-il maintenant ?

– Vous m'en demandez trop, dit-il avec un sourire. Je suis en prison, vous vous souvenez ?

Évidemment.

Nanaka se leva.

– Je peux vous posez une dernière question ? Dit-elle en arrivant à la porte. Qu'est-il arrivé à Shinichiro Sano ?

Le regard de Hanemiya se voila.

– Un accident, dit-il, un accident que je regretterai jusqu'à la fin de mes jours et qui a entraîné des conséquences dont je n'avais pas idée à l'époque.

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