65 - Promesse

Nanaka se sentit basculer en arrière quand le plancher s'ouvrit en deux, vomissant un nuage de poussière et d'éclats portés par le souffle brûlant de l'explosion et elle eut juste le temps de se rouler en boule pour éviter de se briser le cou dans sa chute. Elle atterrit contre un mur, la respiration coupée par le choc, et elle resta un instant recroquevillée sur elle-même le temps que les débris cessent de pleuvoir autour d'elle.

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle ne put d'abord reconnaître où elle se trouvait, puis elle comprit.

Je suis passée à travers le sol, s'aperçut-elle.

Une main sur la bouche pour s'empêcher de tousser et de signaler sa présence, elle se mit en route à la recherche d'un moyen de regagner l'étage ou, du moins, de retrouver ses compagnons.

Le bâtiment avait été éventré par l'explosion, vit-elle en progressant parmi les gravats, mais la déflagration avait été soigneusement calculée pour isoler la partie où ils se trouvaient du reste de l'immeuble.

Et je ne connais qu'une seule sorte de salopards capables de faire ça, se dit-elle en grinçant des dents.

De toute évidence, ils n'en avaient pas fini avec les spetsnaz.

Elle serra son arme et avança avec précaution au milieu de la poussière qui montait de toutes parts et lui masquait la vue. Nanaka entendait des armes claquer autour d'elle sans savoir s'il s'agissait d'amis ou d'ennemis. Quand un homme parut au détour d'un mur et elle ouvrit le feu dès qu'elle vit qu'il ne s'agissait pas d'un de ses compagnons et il s'effondra.

Putain quelle merde... Se dit-elle en retournant le cadavre du bout du pied pour s'assurer qu'il était bien mort.

L'écho de sa respiration semblait lui emplir les oreilles, mais elle savait que c'était la conséquence de l'explosion.

Je vais rester sourde un jour ou deux... Enfin si je m'en sors.

Une voix d'homme retentit à l'extérieur, amplifiée par un porte-voix.

Priviet Bonten ! Dit-il. La réception vous plaît ?

(NDA : Priviet, Привет, bonjour en russe)

Il avait un fort accent russe qui ne laissait plus planer aucun doute sur les commanditaires de l'embuscade.

Vous pensiez vraiment vous en tirer après avoir buté un des nôtres ?

L'homme laissa échapper un aboiement rauque et Nanaka comprit qu'il riait. Une seconde plus tard, il reprit.

Votre petit QG a eu droit à un joli feu d'artifice lui aussi ! Il paraît qu'on retrouve des bouts de vos potes dans tout le quartier !

Il rit à nouveau, écarta le porte-voix de sa bouche et la fusillade reprit de plus belle. Au milieu des coups de feu, Nanaka reconnut la voix de Haru.

– BÂTARDS ! Hurla-t-il. SALES BÂTARDS ! VENEZ LÀ ! JE VOUS PRENDS TOUS BANDE D'ENFOIRÉS !

Il tirait dans tous les sens et Nanaka se pressa dans sa direction en se fiant à l'écho de ses cris.

Les détonations se turent et les vociférations de Haru aussi. Nanaka sentit sa gorge se serrer.

Non pas Haru... Je vous en prie, pas Haru...

Arrivée de l'autre côté des débris, elle accéléra l'allure en discernant la silhouette de Sanzu debout au milieu des volutes de fumée et, lorsqu'il se tourna vers elle, elle put distinguer son sourire. Durant une seconde. Puis une rafale d'armes automatiques le faucha et il tomba en arrière comme un pantin désarticulé.

– HARUUUU ! Cria-t-elle.

Sans plus se soucier de ne pas être repérée, elle courut jusqu'à lui en se prenant les pieds dans sa robe. Elle avait l'impression que son cœur venait de cesser de battre dans sa poitrine.

Elle le trouva plus loin, adossé à une pile de gravats. Son visage affichait un air stupéfait, comme s'il n'arrivait pas à croire à ce qui venait de lui arriver. Il sourit en la voyant s'accroupir près de lui.

– Angel... Souffla-t-il.

– Haru... Haru... Répétait-elle.

Il voulut lever la main, mais son bras ne lui répondit pas. Les balles l'avaient pratiquement coupé en deux, c'était un miracle qu'il puisse encore parler. Il ramena les yeux vers elle.

– On s'est bien marré quand même... Dit-il.

Puis la lumière disparut de son regard. Nanaka eut la sensation qu'on venait de lui arracher le cœur de la poitrine à mains nues.

– Non... Non... Non... Bafouilla-t-elle en appuyant sur les plaies comme si elle pouvait retenir la vie en lui. Haru... Je t'en prie... Je t'en supplie... Pas toi...

Un bruit de pas la fit se retourner et elle regarda autour d'elle.

Il faut que je trouve Mikey... Se dit-elle en se levant. Ils ne doivent pas tuer Mikey...




Mikey s'était abrité derrière le plateau de la lourde table dans ce qui restait du premier étage. Plusieurs hommes le tenaient en joue à quelques pas de là et des éclats de bois volaient de tous côtés chaque fois qu'ils tiraient.

Tout à coup des coups de feu furent tirés non loin de lui et Nanaka vint se réfugier derrière la table avec lui. Leurs assaillants, furieux, les arrosèrent de balles et Nanaka et Mikey se recroquevillèrent en priant pour que le bois tienne bon.

Quand la fusillade se calma, Mikey lui demanda :

– Où sont les autres ?

– Je n'ai pas vu Kaku, lui dit-elle. Il est peut-être sous les décombres. Haru... Haru est mort.

Mikey la regarda, puis il ramena son attention sur les hommes qui les attendaient.

– Je vois, dit-il.

Puis il reprit.

– Je n'ai plus que trois balles Shichi.

– Il me reste un demi-chargeur, lui répondit-elle, mais de toute façon ils nous attendent dehors.

– Je sais.

Un silence passa entre eux, vite rempli par les coups de feu de leurs adversaires.

– Shichi, dit Mikey, on ne sortira pas d'ici. Il va être temps de tenir ta promesse.

Nanaka leva les yeux vers lui, mais elle ne dit rien et il ajouta :

– Garde une balle pour toi. Mieux vaut ne pas te faire prendre en vie.

– Je sais, dit-elle en tournant son attention vers les hommes qui les attendaient non loin.

C'est la fin, se dit-elle. Cette fois, c'est vraiment la fin.

Pourtant elle ne ressentait aucun soulagement à cette idée.

Pourquoi ça se termine comme ça ? Pourquoi maintenant ?

C'est alors qu'une pensée lui traversa l'esprit.

– Mikey... Souffla-t-elle. Il y a un moyen, on peut s'en tirer !

Il la regarda sans comprendre et Nanaka reprit.

– Si tu me tues, je remonterai le temps ! Je reviendrai en arrière d'un an et je pourrai aller te voir ! Je pourrai te prévenir ! On fera en sorte que tout ça n'arrive pas ! Haru ne se fera pas tuer ! Il me suffit juste de mourir... Mais je ne sais pas si me suicider sera suffisant... Jusqu'à présent, c'est toujours toi qui a ordonné ma mort. Le plus prudent c'est que tu me tues ! Si tu le fais, ça fonctionnera ! Je suis sûre que ça fonctionnera !

Elle s'interrompit, il venait de saisir son poignet et il le serrait si fort qu'il lui faisait mal. Dans ses yeux, Nanaka vit une sourde douleur qui la musela.

– Non... Dit-il. Shichi... Je ne veux pas...

Nanaka rampa jusqu'à lui et prit son visage en coupe dans ses mains. Contre sa joue, Mikey sentait le métal brûlant de son arme.

– Je ne vais pas te laisser, dit-elle. Je vais venir te chercher. C'est une promesse.

Elle lâcha son visage pour prendre sa main et amener son révolver contre sa poitrine. Ses doigts pressaient les siens, mais il se raidit.

– Non... Murmura-t-il effaré.

– Il le faut... Dit-elle. Je te promets que ça va marcher. Je te le promets. Ensuite, je viendrai te chercher. C'est promis.

Elle se pencha pour l'embrasser et, tandis que sa main relâchait sa pression, Nanaka appuya sur son doigt qui se trouvait sur la détente.

Le coup de feu passa presque inaperçu au milieu de la fusillade, mais Mikey recula, les yeux écarquillés. Le corps de Nanaka tomba en avant et il l'attrapa avant qu'elle ne touche le sol.

– NON ! NON ! POURQUOI TU AS FAIT ÇA ?

Elle s'agrippa à sa chemise et sourit.

– Je viens te chercher... C'est promis.

Puis elle ferma les yeux.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top