56 - Surveillance et filature
Le vendredi suivant, Nanaka, Mochi et les frères Haitani se mirent en route pour le premier des bars auquel ils avaient rendu visite quelques jours plus tôt.
– C'est là qu'ils viennent le plus souvent, dit Ran en conduisant la voiture hors du parking. Avec un peu de chance on tombera sur une pointure, sinon, on prendra ce qu'il y a.
À côté de lui, son frère vérifiait le chargeur de son arme.
– Et si jamais ils préfèrent un autre endroit ce soir ? Demanda Nanaka.
Ran soupira.
– Décidément, dit-il, tu nous sous-estimes mon petit chat.
– On a des hommes devant les deux autres bars, lui apprit Rindō. S'ils voient quoi que ce soit, ils nous appelleront.
– D'accord, dit-elle. Alors c'est quoi le plan ?
Rindō lui jeta un regard par-dessus son épaule et elle ajouta :
– Désolée de ne pas avoir beaucoup d'expérience en enlèvement et séquestration, j'ai pas grandi dans la rue, moi.
Ran ricana.
– Ça c'est envoyé, dit-il. Le plan c'est, on surveille les allées et venues. Si on repère quelqu'un d'intéressant, on essaie de voir s'il ne peut pas nous conduire à un plus gros poisson. Sinon, on l'embarque et on en fait un joli paquet cadeau pour Sanzu. Simple, non ?
– Un peu comme une planque de police en somme ? Dit-elle.
– Exactement.
La soirée promettait d'être longue, mais si elle leur permettait de mettre la main sur un des types qui voulaient s'emparer de la pègre de Tokyo et faire de la ville une plateforme du crime, alors elle ne serait pas totalement perdue.
– Très bien, dit-elle.
Elle reprit le dossier qui était posé entre Mochi et elle que leur avait préparé Koko. Il contenait les renseignements sur les principaux hommes de main qui formaient la garde rapprochée du nouveau boss du clan Ishii. Pour la plupart, c'était des petits nouveaux. Les anciens, les fidèles du clan, avaient presque tous disparu et ceux qui étaient toujours en vie avaient été rétrogradés tout en bas de l'échelle de l'organisation. Ils étaient maintenant trop éloignés du pouvoir pour leur apprendre quoi que ce soit d'intéressant.
Une fois non loin de l'établissement, Ran gara la voiture à un coin de la rue et il s'alluma une cigarette.
– En avant pour la partie chiante de la mission... Dit-il dans un murmure.
Deux heures plus tard, Mochi s'avança entre les sièges avant et tapa sur l'épaule de Ran. Les trois autres se redressèrent. Deux hommes venaient de pénétrer dans la ruelle au fond de laquelle se trouvait le bar.
– On les connaît ? Souffla Ran.
Nanaka lui tendit deux feuillets du dossier et Ran les consulta d'un rapide coup d'œil.
– Bingo, dit-il.
– On fait quoi ? Demanda Mochi. On les cueille tout de suite ou on attend ?
– On n'a vu personne d'autre de la soirée, dit Rindō. Ça vaut peut-être le coup de les attraper maintenant, qu'est-ce que tu en penses Ran ?
– Attendez, dit Nanaka, regardez.
Elle leur désigna le bout de la rue et la silhouette qui venait d'apparaître. L'homme, de haute taille, portait une casquette et il gardait les yeux baissés pour cacher ses traits. Mais il n'était de toute évidence pas japonais.
– Là, ça devient intéressant, dit Ran.
– Trois pour le prix d'un, dit Rindō, c'est Sanzu qui va être content.
– Tu en dis quoi mon petit chat ? Reprit Ran. C'est un de ces militaires surentraîné ou pas ?
Nanaka posa les coudes sur le haut du siège devant elle et ramena le menton sur ses bras.
– Difficile à dire comme ça... Dit-elle enfin. Mais s'il est là ce soir, il y a de toutes façons des chances qu'il soit lié à cette histoire. Autant l'embarquer.
Ran eut un sourire.
– Tu es impitoyable, dit-il.
L'homme disparut dans la ruelle et tous les quatre sortirent de la voiture.
– On les attrape en douceur, dit Ran. Pas question d'en tuer un avant de l'avoir fait parler. Mais vous pouvez les amocher un peu s'ils résistent.
Au moment où il terminait sa phrase, l'homme à la casquette ressortit de la venelle. Il jeta un œil à la ronde et il partit dans la direction opposée.
– Merde... Souffla Ran.
– On fait quoi ? Demanda Rindō. On le suit ?
– On ne sait même pas qui c'est, dit Mochi. Si ça se trouve, il n'a rien à voir avec tout ça, c'est peut-être juste un touriste égaré. Mieux vaut se concentrer sur les deux autres.
Un touriste dans ce quartier ? Se dit Nanaka. Je n'y crois pas une minute...
– Je m'occupe de lui, dit-elle. Vous n'avez qu'à récupérer ceux qui sont dans le bar, on se retrouve après.
– Et on fait ça comment ? Dit Rindō. Je te rappelle que tu n'as pas ton téléphone.
– Je vais avec elle, dit Mochi. Je vous préviens quand on a fini.
Nanaka et lui s'éloignèrent sur les traces de l'étranger.
– Tu n'étais pas obligé de m'accompagner, lui dit-elle. Un téléphone aurait fait l'affaire.
– On ne se sépare pas on a dit, lui répliqua-t-il. Alors ferme-la et avance.
Au bout de la rue, l'homme coupa par un chantier de démolition pour gagner le quartier voisin et Nanaka et Mochi pressèrent le pas.
– Essaie de le coincer à la sortie, lui dit-elle, moi je vais le suivre.
– Je croyais que tu n'avais aucune expérience en enlèvement.
– En enlèvement, non, mais en interpellations, oui. Maintenant si tu préfères rester là à discuter...
– Tch ! Lâcha-t-il avant de s'élancer au pas de course vers la rue qui faisait l'angle pour couper la route à leur victime.
Nanaka ouvrit l'étui de son arme et elle s'introduisit dans le chantier à la suite de l'homme.
Les lieux étaient sombres. De tout le quartier, il n'aurait pas pu choisir meilleur endroit pour se cacher ou tendre une embuscade, elle allait devoir rester sur ses gardes.
Une fois hors de vue de la rue, Nanaka sortit son arme et tendit l'oreille. Un bruit de pas lui apprit que l'homme était en train de contourner ce qui devait être les baraquements des ouvriers. Elle lui emboîta le pas en s'efforçant de ne faire aucun bruit et finit par le rattraper.
La silhouette se retourna plusieurs fois sur elle-même comme pour vérifier qu'il n'était pas suivi. Lorsqu'il pressa le pas en direction de l'avenue, Nanaka accéléra l'allure, son arme à la main.
Ce fut le déclic du révolver qui alerta ses sens. Elle se jeta à terre et le coup de feu lui frôla le haut du crâne, emportant quelques cheveux avec lui.
Merde ! Ils étaient deux !
Elle se laissa rouler derrière une pile de poutrelles métalliques et se ramassa sur elle-même, tous les sens en éveil.
L'autre ne doit pas être loin, se dit-elle.
Elle allait devoir faire vite. La détonation allait attirer la police.
Deux voix graves montèrent dans l'ombre et Nanaka comprit que les deux hommes s'étaient rejoints.
Merde ! Répéta-t-elle.
Elle jeta machinalement un regard en direction de l'avenue qui se profilait à une dizaine de mètres de là, mais ne vit Mochi nulle part.
Mieux vaut ne pas compter sur lui, se dit-elle, il préférera me laisser crever plutôt que de m'aider.
Elle inspira et se laissa tomber à plat ventre, son arme entre les mains. Au bruit, l'un des deux hommes ouvrit le feu et elle répliqua en tirant dans sa direction. La silhouette sombre se plia en deux et tomba et Nanaka sentit alors le canon d'une arme se poser sur sa tempe.
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