37 - Shinjuku Mitsui Building

Au sommet de la Shinjuku I-Land Tower, à quelques distances du Shinjuku Mitsui Building dans lequel le clan Ishii avait installé ses locaux, les hauts gradés du Bonten regardaient pensivement le gratte-ciel voisin. Juste à côté, se dressait le chantier d'une nouvelle tour de bureaux, dont seule l'ossature métallique pointait pour le moment vers le ciel.

Koko et Takeomi étaient restés au Shiodome City Center, mais tous les autres avaient accompagné Mikey et ils se tenaient à présent dans le vent glacial qui balayait le toit terrasse déserté par les badauds. Même Nanaka était venue, Mikey avait insisté, il voulait avoir son avis.

– Putain on se gèle ! S'exclama Rindō en se donnant des claques pour se réchauffer.

– Fragile va, rigola son frère.

Mochi mit fin à leur hilarité.

– Leur QG occupe le vingtième étage, leur apprit-il. Il se trouve entre une clinique médicale au dix-neuvième et les bureaux d'une compagnie d'assurance aux vingt-et-unième et vingt-deuxième. Il n'y a aucun autre point d'accès en dehors de l'ascenseur et de l'escalier de sécurité qui sont tous les deux surveillés. Leurs voitures se trouvent dans un garage privé au sous-sol et on ne peut pas y aller sans autorisation. Ils ont leurs propres fournisseurs et ils vérifient toutes les identités en entrée comme en sortie, sûrement grâce aux caméras de surveillance.

Kakucho sortit une paire de jumelles et il balaya la façade de la tour du regard.

– Donc selon toi, dit-il, impossible d'entrer sans se faire prendre.

– C'est ça, confirma Mochi, impossible d'entrer, impossible de sortir. Ils ont verrouillé les lieux comme une forteresse.

Mikey s'avança jusqu'au bord du toit.

– Tadano, ton avis ? Dit-il.

Nanaka le rejoignit.

– Vous voulez la tête de tous les cadres, c'est ça ?

Elle réfléchit.

Le toit où ils se trouvaient offrait un point de tir idéal, mais si jamais elle tentait de les abattre à distance, au premier coup de feu, les autres iraient tous se cacher.

Il fallait trouver autre chose.

– Entrer, ça sera simple, dit-elle au bout d'un moment. C'est sortir qui posera le plus de problèmes...

– Et tu comptes faire ça comment ? Lui demanda Mochi d'un air mauvais. En rampant dans les conduites d'aération à Bruce Willis ?

– Non, dit-elle, par la porte, comme tout le monde. Ça doit être parce que vous êtes des hommes, mais il y a des choses que vous avez tellement l'habitude de voir qu'elles vous échappent apparemment. Depuis qu'on est là, j'ai vu entrer deux putes avec des hommes qui avaient des dégaines de yakuzas.

Elle se tourna vers Kakucho.

– Prête-moi tes jumelles, dit-elle.

Kakucho les lui tendit et il jeta un regard à Mikey.

– Tu rêves si tu crois que ça peut fonctionner, lui dit Sanzu en s'approchant. Ces types ont sûrement leurs putains attitrées. Aucune chance qu'une petite nouvelle puisse se faire une place en quelques jours.

– En fait, dit-elle sans cesser d'étudier le bâtiment, je pensais plutôt leur offrir un show.

Elle leva les yeux vers Sanzu et poursuivit.

– Ça devrait pouvoir s'arranger avec Kōji, le patron du Yoru No Kuchi, non ? Il suffirait qu'il leur fasse croire qu'il veut se ranger de leur côté. Il pourrait alors leur faire parvenir un petit cadeau en guise de bonne foi sans que personne n'y trouve rien à redire. Une fois qu'Angel sera dans la place, ça sera fini pour eux.

Le silence qui s'étendit sur le toit fut éloquent. Nanaka reprit son examen du quartier.

– Si tu fais ça, lui dit Kakucho au bout d'un moment, tu ne pourras pas emporter d'armes.

– Je sais oui, dit-elle. Mais je te rappelle que j'ai subtilisé celle de ton boss et que j'ai presque réussi à lui loger une balle dans le crâne. Tu crois que ce gros lard confit dans sa graisse est plus dangereux ?

Kaku ne put retenir un sourire. Nanaka baissa les jumelles.

– Par contre pour sortir, dit-elle, je vais avoir besoin d'un coup de main...

Mikey tourna les talons sans attendre la suite.

– Je vous laisse mettre ça au point, dit-il. Faites le ménage et tenez-moi au courant.

Il regagna la porte du toit en compagnie de Mochi et tous les deux disparurent.

Ran s'approcha de Nanaka.

– Raconte mon petit chat, dit-il, comment tu comptes sortir de là après avoir fait le boulot ?

Nanaka lui montra le chantier de la tour voisine.

– Je pensais utiliser la grue de ce bâtiment, dit-elle. Tu vois ce câble ? J'ai l'impression qu'il a juste la longueur qu'il faut pour atteindre le vingtième étage du building à côté. Il suffirait de le décrocher et de le laisser se balancer. Avec un bon timing je pourrais l'attraper au passage.

Ran laissa échapper un sifflement.

– T'es sérieuse ? Dit-il. Tu sais que si tu loupes ton coup, tu vas t'écraser soixante mètres plus bas comme une merde ?

– Je n'ai pas l'intention de me louper, dit-elle.

– Dans ce cas je m'occuperai de la grue, dit Kakucho.

– C'est hors de question, intervint Sanzu. Cette fois, c'est avec moi qu'elle va faire équipe.

Un nouveau silence s'étendit sur le toit juste entrecoupé par le sifflement du vent. Tous les trois le regardèrent et Sanzu reprit.

– J'assure tes arrières, dit-il en la regardant, à moins que tu n'aies pas confiance ?




Le retour au Shiodome City Center se fit dans le silence. Installée dans la voiture de Kakucho, le menton dans la main, Nanaka regardait la ville défiler sous ses yeux.

– Je n'aime pas ça, dit Kaku un instant plus tard. Il va forcément te faire un coup fourré.

Nanaka tourna la tête vers lui.

– Hmm ? Qui ça ? Sanzu ? Oui, c'est possible, dit-elle en ramenant le regard sur la ville.

– Ça ne t'inquiète pas plus que ça ? S'étonna-t-il.

– Non, dit-elle.

Elle sourit et ajouta.

– Je vais pouvoir débarrasser cette ville des cadres du clan Ishii au grand complet et tirer une balle dans le pied du célèbre Inagawa Kai, alors Sanzu c'est un détail.

Kakucho voulut répondre, mais le sourire qu'il lui vit du coin de l'œil lui fit froid dans le dos et il préféra se taire.


NDA : Le passage avec la grue m'a été inspiré par un vieux manga, Cat's Eye, dans lequel une voleuse échappe à la police de cette façon.


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