34 - L'assassin du Bonten
Assis sur une caisse, dans la partie du sous-sol du Shiodome City Center où le Bonten conduisait ses prisonniers, Mikey grignotait un taiyaki en regardant Sanzu rouer de coups un homme au visage déjà tuméfié.
Il s'interrompit pour reprendre son souffle et se redressa.
– Tu devrais parler, dit-il au prisonnier. Tu nous ferais gagner du temps, à toi comme à nous.
L'homme ligoté sur la chaise leva la tête. Il ne devait plus voir grand-chose avec ses paupières enflées.
– Allez... vous faire... foutre, articula-t-il.
Dans son coin, Mikey souffla et Sanzu se tourna vers lui.
– Ça risque d'être plus long que prévu Mikey, dit-il. Tu veux rester ou je te fais un rapport quand c'est fini ?
Mikey ne répondit pas. Après un instant il se leva et jeta le dernier morceau de taiyaki dans sa bouche avant d'en sortir un autre de sa poche. Puis il se tourna vers la porte et Sanzu revint à leur prisonnier.
– C'est entre toi et moi maintenant, dit-il, on va bien rigoler.
En remontant le couloir, Mikey croisa les frères Haitani qui étaient descendus en compagnie de Nanaka.
– Vous arrivez trop tôt, dit-il en mordant dans son taiyaki. Sanzu en a encore pour un moment.
Les deux frères soupirèrent et ils se regardèrent.
– On fait quoi Ran ? Dit Rindō. On y va quand même ?
– Oui, dit son frère. Ça peut être marrant si on arrive à convaincre Sanzu de nous en laisser un peu.
Il se pencha vers Nanaka.
– Tu viens avec nous petit chat ? Lui demanda-t-il.
Nanaka tourna les talons et elle repartit vers le parking.
– Heuurk, non, dit-elle. Vous allez encore faire plein de saletés. Je préfère remonter.
– Tu te rappelles que tu n'as pas la clé ? Lui fit remarquer Rindō.
Nanaka s'immobilisa, contrariée. Elle montra Mikey du pouce sans se retourner.
– Lui il peut bien m'ouvrir, non ?
Un instant plus tard, Mikey reprit son chemin derrière Nanaka qui mettait un point d'honneur à ne pas le regarder. Il finit son taiyaki et il lui demanda :
– Ça fait longtemps que tu n'as pas essayé de me tuer, tu as renoncé ?
Elle ne lui répondit pas, mais laissa échapper un reniflement méprisant. Mikey esquissa un sourire. Il devait reconnaître qu'il aimait bien le petit jeu qui s'était instauré entre eux. Elle essayait de le descendre, lui restait sur le qui-vive dès qu'elle était dans les parages, c'était stimulant. En fait, il ne s'était pas amusé comme ça depuis longtemps.
Depuis l'époque du Toman... Songea-t-il, avant de refermer cette porte sur ses souvenirs avant qu'ils ne deviennent trop douloureux.
Il était toutefois conscient que, pour elle, ça n'avait rien d'un jeu. S'il n'y prenait pas garde, elle pourrait bien parvenir à ses fins.
Est-ce que ça serait si terrible ?
La pensée l'avait traversé, fulgurante, et son visage s'assombrit. Ça n'était pas la première fois qu'il se posait la question. Est-ce que ça serait si terrible de mourir ? Est-ce qu'il ne valait pas mieux mourir que de mener cette vie-là ? Une vie où il devait partager son corps avec ces pulsions qui le poussaient à détruire tout ce qui l'entourait ?
Ça serait facile, reprit la voix dans sa tête. Tu n'aurais qu'à la laisser faire, ça ne prendrait qu'un instant...
Pourtant, sans qu'il en comprenne la raison, Mikey continuait à s'accrocher à la vie.
Mais peut-être qu'un jour, se dit-il, je cesserai de lutter.
Pendant une seconde, il se sentit pris de vertiges et il crut que ses souvenirs en étaient la cause. Puis, brusquement, il vacilla et tomba un genou à terre, la main posée sur le mur.
Qu'est-ce que... ? Pensa-t-il.
Il eut le temps de voir Nanaka pivoter, une cordelette qu'elle portait autour du poignet à la main, et comprit.
Elle m'a... empoisonné ?
Avant qu'il ait pu faire un geste, elle l'avait contourné et Mikey sentit un lien se resserrer autour de son cou. Quand Nanaka appuya son genou entre ses omoplates, il se griffa la gorge pour se libérer, en vain. Durant plusieurs secondes il se débattit, cherchant de l'air, puis il perdit le contrôle et l'obscurité prit le dessus.
Il se redressa, soulevant Nanaka comme si elle ne pesait rien et, sans même chercher à reprendre son équilibre, son pied dessina un arc de cercle dans les airs. Le mouvement fut si rapide que Nanaka ne réussit pas à le suivre du regard.
Comment est-ce qu'il peut encore boug... ? Eut-elle le temps de penser, avant de sentir le coup l'atteindre à la tempe.
Ses doigts lâchèrent le cordon et elle voltigea dans le couloir comme une poupée de chiffon désarticulée. Elle s'écrasa contre le mur à plusieurs mètres de là et une douleur traversa le bras sur lequel elle était tombée, chassant durant un instant les étincelles qui dansaient derrière ses paupières. Elle aurait voulu hurler, mais le choc avait vidé tout l'air contenu dans ses poumons et elle réussit juste à hoqueter avant de s'effondrer par terre, à demi-inconsciente.
À quelques pas de là, la porte de la salle de torture s'ouvrit et Sanzu en jaillit suivi des frères Haitani.
– C'est quoi ce... ? Dit Sanzu.
Tous les trois virent Mikey glisser contre le mur en toussant, la main sur la gorge, et Sanzu se précipita vers lui.
– Mikey ! S'affola-t-il. Qu'est-ce qui se passe ?
Ran, lui, n'avait pas besoin d'explication. Il jeta un œil à Nanaka qui gisait non loin de là, et ensuite à son frère. Sanzu comprit.
– ESPÈCE DE SALOPE ! S'écria-t-il. TU AS RECOMMENCÉ ESPÈCE DE SALOPE !
Il traversa le couloir et vint la bourrer de coups de pied. Le corps de Nanaka tressauta sans résistance. Un instant plus tard, elle sombrait pour de bon.
Non... Pensa-t-elle. Je ne veux pas échouer encore... S'il vous plaît...
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