24 - M110
Quatre jours plus tard, Kakucho descendit dans la partie du sous-sol appartenant à l'organisation. Trois hommes l'attendaient dans la vaste salle qui avait été aménagée en stand de tir, dont un qui devait avoir facilement soixante-dix ou quatre-vingt ans.
Tous les trois se redressèrent en le voyant. Le plus vieux fit un pas en avant et l'un de ses compagnons s'avança derrière lui avec un gros paquet.
– J'ai ce que vous m'aviez demandé monsieur, dit le vieil homme. Je vous avoue que ça n'a pas été facile à trouver. Ce genre de modèles n'est pas courant au Japon.
– Voyons cela, dit Kaku.
Il se dirigea vers une table et l'homme vint déballer un fusil sur le plateau avant de reculer. Kakucho l'examina. Un M110 Semi Automatic Sniper System. Le dernier modèle utilisé par l'armée américaine. Plus fiable et bien plus précis que son prédécesseur, le M24. Kakucho le démonta pour regarder l'état des pièces.
– Il est neuf, remarqua-t-il surpris.
– Tout à fait, répondit le vieux, ravi que son interlocuteur s'en soit aperçu. J'ai des contacts aux États-Unis. L'un d'eux vient de subtiliser un lot d'armes destinées à l'armée et j'ai pu lui en racheter une partie.
Kakucho remonta l'arme et il la reposa sur la table.
– C'est parfait monsieur Dazai, dit-il. Vous serez largement rétribué pour votre travail.
Le vieux Dazai s'inclina.
– C'est toujours un plaisir de travailler avec le Bonten, dit-il.
Lorsqu'ils furent sortis, Kakucho revint étudier l'arme. C'était un outil de professionnel. Pas le genre de fusil qu'un débutant pouvait manier du jour au lendemain. Il avait hâte de voir comment la fille allait réagir.
Il prit son téléphone et composa le numéro d'Ibiki.
Moins d'une heure après, Ibiki Sōtarō fit son entrée dans le stand de tir en tenant Nanaka par le coude. Elle portait toujours les menottes – comme à chaque fois qu'elle quittait sa chambre – et son visage était dénué d'expression. Kakucho vint à leur rencontre.
– J'ai ce que tu avais demandé, lui dit-il.
Il lui désigna le fusil posé sur la table et Nanaka s'approcha, son gardien sur les talons. Son regard courut le long de l'arme puis elle releva les yeux vers Kakucho. Elle lui montra ses poignets.
– Je peux... ?
Kakucho fit signe à Ibiki et ce dernier lui retira les menottes. Les deux hommes restèrent en retrait.
Un M110, vit-elle, et il a l'air neuf.
L'étendue de l'influence du Bonten ne cessait de l'impressionner. On était loin de la simple organisation criminelle que la police croyait combattre.
Nanaka démonta le fusil pour juger de son état avant de le remonter sans se presser et de le reposer sur la table.
– Les munitions ? Dit-elle en se tournant vers Kakucho.
– Le jour de la mission, répondit-il.
Nanaka esquissa un sourire. Mais un sourire qui fit froid dans le dos.
Cette fille est complètement cinglée, comprit-il.
Il la rejoignit près de la table.
– Est-ce que tu as besoin de faire des repérages sur place, ou est-ce qu'un plan te suffit pour savoir où te poster ?
– Ni l'un ni l'autre, lui répondit-elle. Je sais déjà où je vais me placer, le toit du Kasumigaseki building. Ça pose un problème ou ça ira ?
Kakucho masqua une seconde de surprise.
– Non, dit-il, aucun problème. Mais c'est à plus de cinq cents mètres de l'entrée du palais de justice.
– Cinq cent quarante mètres exactement, dit-elle.
(NDA : Et si vous vous posez la question, oui, il y a bien cinq cents mètres ^^, je vous laisse imaginer mon historique de navigation !)
La lueur de folie qu'il décela un instant dans son regard convainquit Kakucho que ça n'était pas la première fois qu'elle réfléchissait au meilleur moyen d'abattre une personne sortant du tribunal.
Ibiki lui remit les menottes et il lui saisit le coude pour la diriger vers la porte. Kakucho leur emboîta le pas.
D'après ce que lui avait dit Ibiki, son entraînement ne comprenait rien de plus que des exercices de remise en forme traditionnels. Squats, abdominaux, quelques soulevés de poids modestes, du cardio... Elle n'avait même pas touché aux sacs de frappe présents dans la salle.
Elle n'est peut-être juste pas en état de faire plus, se dit-il.
Kakucho avait tout de même hâte de la voir à l'œuvre dans quelques jours.
Si elle se fiche de nous, je le verrai tout de suite.
Parvenus en bout de couloir, tous les trois remontèrent les marches de béton menant au parking de l'organisation et Kakucho leur tint la lourde porte qui permettait d'accéder au sous-sol. Il se dirigea vers la cabine d'ascenseur, pensif, Nanaka et Ibiki sur les talons.
Si elle jouait la comédie et n'avait aucune intention de descendre Nakatoshi, alors quel était son but ? Kakucho avait du mal à l'imaginer.
Est-ce qu'elle essaie de gagner du temps ? Mais pourquoi ? Essayer d'approcher Mikey à nouveau ? Elle ne risque pas de réussir à l'atteindre, frapper le boss par surprise c'est une chose, mais l'attaquer alors qu'il s'y attend c'est carrément suicidaire.
Quand elle avait demandé à accéder à la salle de sport, Kakucho était sûr qu'elle manigançait quelque chose et il avait demandé à Ibiki de lui rapporter le moindre de ses faits et gestes. Mais elle n'avait jamais tenté de lui fausser compagnie et ne semblait même pas s'intéresser au repérage des lieux selon ce dernier. Elle se laissait mener docilement de sa chambre à la salle de sport sans même lui adresser la parole ou tenter de le séduire d'une manière ou d'une autre.
Dans la cabine d'ascenseur, Kakucho coula un regard vers le visage de la jeune femme à ses côtés.
Qu'est-ce qu'elle cherche ?
Une fois arrivés à l'étage réservé aux cadres du Bonten, tous les trois se tournèrent vers le couloir conduisant à leurs chambres et virent arriver Mikey et Koko en sens inverse. Sanzu marchait sur leurs talons en ronchonnant, apparemment, tous les trois sortaient du bureau de Koko.
Parfait, se dit Kakucho, voyons comme elle réagit en présence du boss, ça devrait me donner une idée de son objectif.
Il ralentit pour se retrouver au côté de Nanaka et il scruta son profil pour guetter ses réactions. En face, Sanzu râlait.
– T'es chiant Koko ! Dit-il. Pourquoi il faut toujours que tu fasses des histoires pour un rien !
Il les vit et se tut. Depuis que la fille avait quitté sa cellule pour le trente-huitième étage, il semblait l'éviter comme la peste.
Elle le met mal à l'aise, comprit Kakucho. Elle lui fait penser à sa sœur et ça le dérange...
Ils se croisèrent dans le couloir, mais le visage de Nanaka demeura vide, comme si elle ne les avait pas vus. Kakucho se sentit déçu, puis il vit Ibiki tomber. Il n'en comprit pas la raison et durant une longue seconde, son cerveau essaya d'analyser la situation. Ce fut la seconde de trop. Lorsqu'il se rendit compte que Nanaka n'était plus à côté de lui, elle était déjà au niveau de Mikey. Kakucho voulut sortir son arme et il vit Sanzu faire de même de l'autre côté, mais en une fraction de seconde tout était fini.
Étendue sur le sol à plat ventre, le genou de Mikey appuyé entre ses omoplates et le poignet prisonnier de son poing alors qu'elle portait toujours les menottes, Nanaka essayait de se dégager sans succès. Mikey se pencha jusqu'à son oreille.
– C'était pas mal, souffla-t-il, mais toujours pas assez rapide.
Après quoi il lui décocha une droite en pleine mâchoire et elle perdit connaissance.
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