18 - Junkie

La porte métallique de l'étroite cellule grinça et Nanaka s'extirpa du futon sale où elle était étendue pour venir à la rencontre de l'arrivant. Elle essaya de se redresser sur les genoux sans y arriver et finit par ramper sur le béton en s'écorchant les mains et les coudes.

– Oh, dit Sanzu en la découvrant, j'en connais une qui est impatiente aujourd'hui !

Nanaka vint jusqu'à lui et elle lui tendit le bras avec des gestes lourds et maladroits. Puis ses doigts se refermèrent sur la jambe de son pantalon et Sanzu s'accroupit pour se mettre à son niveau.

– Qu'est-ce qu'on dit ? Demanda-t-il.

– S'il te plaît... Bafouilla-t-elle en lui montrant son bras. S'il te plaît...

Il lui tapota la joue.

– Bonne fille.

Nanaka s'assit contre le mur, les yeux clos, et Sanzu lui plaça un garrot sur le haut du bras pour lui injecter sa dose. Quelques secondes plus tard, elle poussa un soupir et sa tête retomba sur son épaule.

Sanzu s'assit à ses côtés, dos au mur.

– Ça te rappelle des souvenirs à toi aussi ? Dit-il à mi-voix. On en a passé des soirées comme ça, toi et moi, à discuter.

À côté de lui, Nanaka ne répondit pas. Son souffle était lourd et elle avait les yeux fermés. La sordide petite pièce avait disparu autour d'elle.

– J'aurais aimé que tu meurs pas tu sais, reprit Sanzu. J'aurais aimé qu'on passe encore du temps ensemble tous les deux. La vie c'est vraiment de la merde...

Un instant plus tard, il se releva et sortit, laissant Nanaka seule dans sa cellule. Mais cela n'avait aucune importance pour elle. Tout ce qui comptait, c'était cette sensation de bien-être, ce sentiment de planer loin au-dessus de cette vie.

Nanaka aurait été incapable de dire depuis combien de temps elle était retenue dans cette cellule. Des jours ou des semaines, peut-être des mois. Elle avait rapidement perdu la notion du temps après les premières doses. Au tout début, elle avait essayé de se secouer, de lutter contre la torpeur qui l'envahissait, mais les drogues avaient eu le dessus. Maintenant, tout ce qui lui importait, c'était la prochaine dose. Ça, et puis manger et se laver. Sanzu avait été intraitable sur ces deux points. Si tu ne manges pas ou si tu ne te laves pas, je vais me fâcher et si je me fâche je ne te donnerais rien. Tu n'as pas envie que ça arrive, pas vrai ?

La première fois qu'il avait divisé sa dose par deux pour la punir de ne pas avoir touché à son assiette depuis plusieurs jours, Nanaka avait découvert les affres du manque. Pendant des heures, elle s'était roulée sur le sol de béton de sa cellule, le ventre pris de crampes insupportables, le cœur battant beaucoup trop vite et les cheveux et les vêtements plaqués contre sa peau par la transpiration. Lorsque Sanzu était réapparu, une assiette à la main, elle s'était jetée dessus, mangeant docilement à même le sol ce qui avait pu en tomber pour lui montrer sa bonne foi.

La scène ne s'était plus répétée, depuis ce jour elle lui obéissait sans faire d'histoire.




Les murs gris reprirent lentement leur place autour d'elle et, avec eux, le petit évier et son morceau de savon, la serviette grisâtre posée sur le rebord, le futon jauni et tassé par l'usage et la porte en métal, la seule ouverture de cette geôle.

L'écho de sa respiration lui emplit les oreilles et Nanaka eut confusément le sentiment qu'il y avait quelque chose dont elle devait se souvenir, mais elle ne réussit pas à se rappeler quoi avant de sombrer dans l'inconscience.




Sanzu rangea le boîtier contenant la seringue dans sa poche de poitrine et il remonta le couloir du sous-sol. Cette partie du bâtiment, dissimulé sous le parking réservé aux membres du clan, leur servait tout à la fois de réserve, de cachette pour entreposer des armes ou des substances illégales, de prison et de salle de torture.

Cela faisait bientôt trois semaines que la fille était enfermée là et Sanzu ne voyait pas comment ils allaient se sortir de ce pétrin. Impossible de la tuer – Mikey avait l'air sûr de ce qu'il avançait – ni même de l'expédier dans un bordel appartenant à l'organisation, trop dangereux avait dit Mikey. Quelles alternatives il leur restait dans ce cas ?

Ce qui était sûr, c'est que Sanzu avait hâte d'en avoir terminé, il ne supportait plus de voir ce visage chaque jour, alors même qu'une part de lui descendait chaque fois avec impatience. Il la haïssait et en même temps il avait besoin de la voir et ces sentiments lui mettaient les nerfs à rude épreuve.

Une silhouette à l'extrémité du couloir lui fit lever les yeux et il porta instinctivement la main à son arme. Il la laissa retomber en reconnaissant Kakucho.

– Qu'est-ce que tu viens foutre là enfoiré ? Lui demanda-t-il quand Kaku fut à proximité.

– Je vais voir comment elle va, répondit Kaku. Tu te rappelles ? Mikey a dit qu'il fallait à tout prix la garder en vie.

– J'en reviens, tu peux faire demi-tour, elle va bien.

– C'est l'organisation et la vie de Mikey qui sont en jeu alors tu me laisseras en juger par moi-même, répondit Kakucho.

– Tch ! Fais comme tu veux ! Lâcha Sanzu en le dépassant.

Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi Mikey avait expliqué la situation à ce molosse de Kakucho. Apparemment Kaku était au courant que les voyageurs temporels existaient. Sanzu ne lui avait pas demandé comment il l'avait appris, il s'en moquait, ce qui le gênait c'était la confiance que Mikey lui accordait dans cette affaire.

Mais moi je t'ai à l'œil bâtard ! Tu me la feras pas à moi, essaie seulement de doubler Mikey et je te fume !

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