12 - Angel

Six mois plus tard

Le taxi s'arrêta devant la porte de service du Yoru No Kuchi et une femme en sortit. Elle avait des cheveux bleu électrique, sans doute une perruque, et un manteau serré à la taille par une ceinture. Le vigile tapota sa montre en la voyant approcher.

– Tu es en retard Angel, dit Toby.

Angel pencha la tête sur le côté et elle lui adressa son plus beau sourire insolent.

– Je ne suis pas en retard, rétorqua-t-elle. Les stars ne sont jamais en retard, elles arrivent précisément à l'heure où elles doivent arriver.

Le dénommé Toby – un homme de grande taille aux épaules moulées dans un t-shirt noir, le crâne rasé et la naissance d'un tatouage visible dans le cou – éclata de rire.

– Tu te prends pour Gandalf ? Lui dit-il. T'as pas assez de poils au menton pour ça !

Nanaka prit sa mâchoire dans le creux de sa main et elle passa le doigt sur ses lèvres.

– Pas d'effronterie mon chou.

Puis elle entra sans attendre de réponse. Toby lui asséna une claque sur les fesses en passant et Angel lui retourna un sourire amusé.

À l'intérieur, elle traversa les couloirs et rejoignit la loge réservée aux danseuses, une remise sans fenêtre qui avait été réaménagée. Elle avait à peine posé son sac sur sa coiffeuse que la porte s'ouvrit à la volée.

– ENFIN ! S'exclama un homme en entrant. J'AI CRU QUE TU N'ALLAIS JAMAIS ARRIVER ! LE PATRON M'AURAIT TUÉ !

Nanaka grimaça.

– Pas besoin de crier... Dit-elle en se massant les tempes.

L'homme s'approcha et il la regarda de plus près. Il devait avoir la quarantaine – mais son début de calvitie lui donnait facilement dix ans de plus – et il portait un costume dont la chemise était entrouverte sur son torse et sur une épaisse chaîne en or.

– T'es stone ? Dit-il. C'est ça ?

– Je t'emmerde Masaka, répondit-elle.

Il rigola.

– Non, c'est bon, t'es clean. Allez ! Bouge-toi le cul, tes spectateurs t'attendent !

Il ressortit et Nanaka se pencha vers le miroir de sa coiffeuse. Elle vérifia son maquillage puis elle retira son manteau. Dessous elle portait déjà sa tenue de scène, un body à lanières bleu dont les courroies en cuir teintées s'enroulaient autour de ses jambes. Elle tourna pour inspecter son apparence et sortit à son tour.

Cela faisait à peine trois semaines qu'Angel avait fait sa réapparition sur les scènes Tokyoïtes. Six mois auparavant, la danseuse avait disparu sans un mot du jour au lendemain. Il se racontait dans le milieu qu'elle avait été gravement malade, c'est-à-dire qu'elle avait fait une overdose et qu'elle avait dû être hospitalisée dans un état critique. Certains l'avaient même dit morte. Mais désormais elle était de retour au top de sa forme et les bavards s'étaient tus.

Les lumières s'éteignirent et, dans la salle, la musique remplaça le silence. Angel apparut dans un faisceau de lumière, une moue provocante aux lèvres. Elle rejoignit le devant de la scène d'un pas langoureux et des sifflets montèrent de l'obscurité, ils lui tirèrent un sourire. Une main au-dessus de sa tête, elle s'adossa à la barre de pole dance et commença à descendre lentement en caressant l'intérieur de ses cuisses au rythme de la musique. Son show avait commencé.




Vingt minutes plus tard, elle réintégra la loge et sortit son téléphone de son sac pour vérifier si elle avait des messages. La porte se rouvrit dans son dos presque aussitôt et Masaka réapparut.

– Kōkō veut te voir Angel, dit-il. Amène-toi.

Nanaka esquissa une grimace. Kōji Kōichiro, le propriétaire du Yoru No Kuchi, voulait qu'on l'appelle Kōkō. Il aimait par-dessus tout laisser croire à son interlocuteur qu'il faisait partie du Bonten et le regarder trembler devant lui.

Nanaka jeta son téléphone dans son sac et elle récupéra son manteau. Elle ne le remit pas, elle savait très bien ce que voulait Kōji, autant en finir vite.

Lorsqu'elle poussa la porte de son bureau, il était assis dans son fauteuil, une cigarette au coin des lèvres et une liasse de billets à la main. Ça aussi il aimait le faire, brandir son argent sous le nez des visiteurs pour les impressionner. Nanaka ferma la porte derrière elle et elle avança vers le propriétaire du bar de son pas aguicheur.

– Vous vouliez me voir monsieur Kōji ? Dit-elle.

Il lui fit signe d'approcher.

– Viens là, dit-il.

Quand elle fut à sa portée, il l'attrapa par le bras et amena son visage près du sien.

– C'est Kōkō pour toi salope, dit-il.

Nanaka ne se démonta pas.

– Bien Kōkō, dit-elle.

D'une secousse, il la fit s'agenouiller entre ses genoux et elle laissa tomber son sac par terre tandis qu'il déboutonnait son pantalon.




Nanaka se releva quelques minutes plus tard et se rajusta en essuyant le coin de sa bouche. Kōji était déjà revenu à ses billets.

– Un client t'attend à la porte de derrière, lui dit-il, le fais pas attendre.

– Très bien.

Nanaka ramassa ses affaires et elle se dirigea vers la porte, mais il la rappela.

– Dis, tu me ferais ton show un jour, rien que pour moi ?

Il se passa la langue sur les lèvres à cette idée.

Elle sourit.

– Bien sûr.

Puis elle sortit.

La berline noire aux vitres fumées qui l'attendait à la sortie occupait presque toute la largeur de la ruelle. Toby s'écarta pour la laisser passer et Nanaka alla toquer à la portière passager. La porte s'ouvrit sans un mot et elle monta à bord.

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