Chapitre 7


L'après-midi, Jacques proposa d'aller se baigner.

Chloé n'y tenait pas plus que cela : la mauvaise période du mois venait de commencer pour elle et elle n'aimait pas se tremper dans l'eau froide à ce moment là.

A sa grande surprise, Claire dit qu'elle préférait rester à l'ombre ici, à se reposer avec elle.

Chloé n'en croyait pas ses oreilles : elle allait laisser Jacques seul avec Léa !

Si fait ! Ces derniers partirent ainsi pour la plage, presque bras dessus, bras dessous.


- Tu n'étais pas obligée de rester avec moi mamounette, tu sais. Je vais bien, c'est juste que je n'aime pas me baigner quand je suis...indisposée.

- Je sais, ma Chloé. Ce n'est pas pour cela que je suis restée. Je voulais profiter de ce que nous serions seules toutes les deux pour te parler. J'ai des choses importantes à te dire.

- Ah bon ? dit Chloé d'un air qui se voulait ingénu.

- Oui, je crois que c'est le bon moment, avant que tu n'exploses devant le comportement de Jacques.


Chloé crut encore une fois avoir mal entendu.


- Mais, tu as remarqué ? bredouilla-t-elle.

- Evidemment ! Il faudrait être aveugle ! Dès qu'il voit une jeune nana, Jacques se comporte comme un chimpanzé en rut. Tu les a bien vus hier soir, avec Léa ! Ca crevait tellement les yeux que même les voisins en étaient gênés et que tu as prétexté un mal de tête pour te soustraire à ce... spectacle. En plus, il mate copieusement toutes les filles, sur la plage, en ville, partout...

- Oui, je suis désolée, si j'avais su, je ne lui aurais pas dit de venir. Elle me déçoit et...

- Tu n'as pas à être désolée, coupa Claire. Léa n'est pas la première, bien loin de là. Si ça n'avait pas été elle, ça aurait été une autre. Il me cocufie à qui mieux mieux depuis des mois. Au début, il était si charmant, si attentionné, je ne m'en suis rendu compte qu'un peu plus tard. Un peu trop tard, devrais-je dire.

- Mais, un peu trop tard par rapport à quoi ? Pourquoi restes-tu avec ce type ?


Claire marqua un temps d'arrêt en la regardant, l'air à la fois triste et grave.


- J'y viens. Quand ton père est mort, je travaillais déjà dans sa société. J'ai mis un point d'honneur à garder ce qu'il avait créé. Ca n'a pas été facile, je n'avais pas ses aptitudes, j'ai dû m'entourer de gens plus ou moins compétents. On a survécu tant bien que mal et puis à un moment, la conjoncture a fait que... Bref, j'ai eu de graves problèmes de trésorerie. A cette époque, j'avais déjà rencontré Jacques. Il m'a aidée financièrement. Enfin, il a aidé ma société, plus exactement. Aujourd'hui, la boîte va nettement mieux et je le rembourse mais la somme prêtée était conséquente et je lui dois encore beaucoup d'argent.

- Je vois, dit Chloé, tu as une dette financière, mais aussi morale envers lui.

- Tu comprends vite, dit Claire en souriant. Oh, le côté dette morale n'est pas celui qui me tracasse le plus. Jacques est très aisé, on peut même le qualifier de très riche : la somme qu'il m'a avancée ne lui a aucunement fait défaut. Et, par ailleurs, il s'agit d'argent qui n'a pas d'existence officielle, je veux dire par là qu'il n'est pas comptabilisé dans les gains de sa société... Du coup, le prêt non plus n'est comptabilisé nulle part, il s'agit d'un arrangement de la main à la main mais il faut comprendre que s'il me quittait et me demandait de lui rembourser le solde, toi et moi pourrions dire adieu à la grande maison de Dijon et aussi, bien sûr, à cette villa de Royan que tu aimes tant...


Chloé ouvrit de grands yeux.


- A ce point là ? C'est une grosse somme alors ?

- Oui, une somme à 6 chiffres, presque 7 même.

- Mais s'il n'y a aucun papier, il ne peut rien prouver ! dit Chloé.

- Ah ah, ça ne marche pas vraiment comme cela dans la vie, ma chérie. Jacques a l'air gentil comme ça, mais je ne me fais guère d'illusions quant à sa réaction dans un tel cas : il possède des tas de relations et me le ferait payer très cher. Sans compter qu'il s'arrangerait pour briser les reins de mon entreprise, évidemment. Tu comprends mieux, maintenant, pourquoi je ferme les yeux sur ses frasques ? Je suis coincée. Je ne peux pas me permettre qu'il parte, seul ou avec une autre.


Chloé sentit sa tête tourner. C'était donc là l'explication. Et elle qui venait justement de pousser Léa à se laisser séduire par Jacques, pour s'en débarrasser !


Claire remarqua son trouble.

- Chloé, tu te sens bien ? Tu es toute pâle. Veux-tu un verre d'eau fraîche ? Ne te mets pas dans un état pareil, Jacques ne m'a pas encore quittée, il faudrait déjà qu'il trouve quelqu'un qui veuille de lui et de ses manies. Et qui soit à son goût, c'est-à-dire une jeunette.

- Je...

- Bois un peu d'eau, dit Claire en lui tendant un verre.


Elle but mais la bouffée de panique ne semblait pas se dissiper.

- Je crois que j'ai fait une bêtise, mamounette, finit-elle par bredouiller en se mettant à pleurer.


Claire fronça les sourcils, interrogative.

Chloé lui expliqua par le menu comment, désireuse de se débarrasser de l'encombrant Jacques dont elle ne supportait plus l'attitude et croyant rendre service à sa mère parce qu'elle semblait aveugle à ses agissements, elle avait le matin même conforté la jolie Léa dans ses velléités de céder à Jacques qui lui plaisait beaucoup. Ceci afin de mettre brutalement la vérité sous les yeux de Claire.

Chloé était effondrée.


- Allons, calme toi, Chloé, tu ne pouvais pas savoir.

- Mais tu te rends compte, maintenant ils sont à la plage, seuls tous les deux !

- Bien sûr, et après ? Tout au plus se bécoteront-ils un peu là-bas. Ils ne vont pas décider en deux heures de partir ensemble !


Claire paraissait prendre la situation avec philosophie. Chloé comprit qu'elle devait en avoir vu bien d'autres avec Jacques, elle s'était habituée.

- Allez, sèche tes larmes, ma chérie, dit Claire en lui essuyant doucement les yeux. Et cesse de t'inquiéter, on va trouver une solution.

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