N18-Hesitation
« Oui... Oui, je connaissais déjà la réponse. Mais j'avais espéré... que je me sois trompé. Je l'avais nourri, chéri cet espoir, tel un inestimable cadeau qu'il m'avait été offert. J'étais égayé comme un enfant qui retrouve son jouet préféré. J'aurai même pu montrer de la clémence envers celui qui me l'avait volé. Pourtant, j'avais été le dupe.
Il existe toujours des exceptions, des divergences que l'on ne peut contrôler, asservir à sa volonté, même le plus talentueux des marionnettistes. Rey en est une, une singularité. Alors que ses ennemis la défient, elle sait faire preuve d'une incroyable combativité. Son indépendance, elle l'a gagné par la lutte, le nombre de ses victoires aux batailles durement menées. Le choix ne lui est possible que parce qu'elle est apte à le recevoir.
Au moment où ses mots avaient traversé sa bouche, elle était prête. À assumer les conséquences de l'option. À s'opposer, à prendre le risque de me défier moi. L'ennemi. C'est ainsi que je me reflète dans ses yeux. Lui montrer mon visage n'avait rien changé, elle l'avait ignoré, alors j'ai revêtis ce masque sous lequel j'étouffe quand je pense à elle, me languit d'elle. À dire vrai, la première raison qui m'empêchait de l'enlever, de me révéler n'est pas celle-ci, non. C'est que mes craintes se réalisent. Que si j'ai tardé à la reconnaître, c'est que dans sa mémoire, qu'il n'y demeure aucun souvenir de nous. J'avais été banni, comme si je n'avais pas mérité une place de m'y tenir. Cet acte de pure cruauté m'avait assommé, terrassé.
Mon oncle, tu t'es montré si cruel...
De ses cendres, l'espoir résiste, subsiste, enfonce ses épines d'acide. Crois-tu que je ne l'ai pas ressentit aussi, le magnétisme de cet instant, Rey ? Peux-tu prétendre l'indifférence, et continuer à me détester, à me haïr, à souhaiter ma mort ?
Oui... Oui, elle le peut.
Indéfiniment. »
Le prisonnier Han Solo avait été transféré dans une cellule de rétablissement un peu plus tôt, suite à ses blessures occasionnées durant le dernier interrogatoire qui avait eu lieu le jour même. Lorsque Kylo entra pour lui rendre visite, il le trouva allongé sur sa couche.
Il resta longtemps debout et à travers la visière de son masque, à scruter les néons. Leur lumière n'éclaircit en rien l'obscurité de son esprit. La cellule était petite et ne devait pas dépasser les neuf mètres-carré. Un espace de vie limité dont l'unique but était de maintenir l'occupant en vie. Le lit était le seul composant, et témoignait d'un manque de confort spécifiquement voulu. Tout semblait aménagé pour que le prisonnier ne puisse ni rien attenter, ni rien espérer. Le Finalizer comptait une centaine de cellules de cette sorte et à côté de la taille du croiseur, c'était peu de chose.
La porte coulissa et se referma derrière l'Ombre de l'Ordre. Le cinquantenaire ne réagit pas à l'intrusion et cette distance ne permettait pas à l'Ombre de convenir avec certitude qu'il était toujours vivant.
Kylo s'avança pour s'accroupir devant son prisonnier. Il approcha ensuite sa main gantée de son front, se gardant bien de le toucher, comme s'il en redoutait le contact. Ce qu'il ressentit à travers la Force était loin de lui plaire. Son état s'était rudement détérioré. Le traitement infligé par les hommes du Général Hux n'avait pas eu pour but de l'interroger, mais de le remettre à sa place.
Il retira sa main et usa maintenant de ses yeux. Les traces de brûlures dans son cou maigre correspondaient à l'usage de matraques électriques. Les hématomes de son visage livide, certainement aux poings. Quant aux multiples coupures et aux plaies... Leurs causes étaient diverses et peu reluisantes les unes des autres. En dégageant les vêtements de l'épaule du senior, il constata également qu'ils avaient injecté une de ces substances qui avaient ce don de stimuler l'intensité des messages nerveux sensoriels.
Ils savaient ce qu'ils faisaient.
- Cet idiot sait au moins s'entourer de gens compétents, railla Kylo pour lui-même.
Les traits du prisonnier frémirent en entendant le son de sa voix projetée par les haut-parleurs. Ses paupières papillonnèrent avant de s'ouvrir sur lui.
- Bien dormi ? demanda l'Ombre en gardant son ton ironique.
Han Solo mit un temps à répondre, prenant lentement conscience de son environnement et en considération que ce qu'il avait devant lui n'était plus que le fantôme de son fils. Un rappel sadique. Il n'en fut cependant pas autant chamboulé que la première fois, et ne montra aucun signe d'inquiétude à son visiteur, pas même de la souffrance que sa simple présence lui occasionnait.
- Je voudrai bien une couverture ou deux, souhaita sobrement le senior. Le Premier Ordre fait des économies sur le chauffage ?
- Il part du fait que les prisonniers n'en ont pas besoin, puisque qu'il ne les garde jamais très longtemps, rétorqua Kylo de marbre.
Le cinquantenaire fronça ses sourcils gris. Il n'était pas d'accord.
- Je croyais être un invité.
- Nous N'AVONS PAS d'invité.
- C'est une décision judicieuse, approuva-t-il. Vos services sont déplorables.
Sa façon de prendre avec détachement et humour ce qui lui arrivait témoignait d'un fort caractère. Il ne se laissait pas démonté, malgré la gravité de sa situation. Il avait connu bien pire.
- ... Désolé.
Han ne répliqua pas cette fois. En effet, il ne s'attendait pas à des excuses de sa part et était même choqué d'en entendre de la part du Tueur. Pourtant, c'était peu dire que l'espérance continuait à lui coller la peau. Une sangsue serait un terme plus adéquat, sauf que ce spécimen-là, agissait en tout point différemment que ses congénères ; elle lui donnait sa force.
- Un rat s'en est mêlé, s'expliqua Kylo en s'asseyant au bout du lit. Ce problème n'est plus d'actualité.
Le prisonnier se coucha sur le dos en grimaçant de douleur, dans une position plus confortable, un bras sous la tête pour la relever et garder en vue l'homme masqué.
- Tu l'as écrasé ?
- ...
- Pourquoi es-tu venu, Ben ?
Là encore, l'Ombre de l'Ordre se terra dans son silence.
- Tu t'inquiétais pour moi ?
Pas de réaction.
- C'est cette fille ?
- C'est à moi de poser les questions.
- Ok.
S'en suivi un long silence. Et le prisonnier relança donc l'affaire.
- Tu n'en poses pas, fit-il remarquer.
- Je réfléchis, contredit l'impair.
- Elle a refusé ?
Cette fois, il oscilla légèrement la tête. Alors le senior en rajouta une couche.
- Tu ne dois pas abandonner au premier râteau, sinon tu ne conquerras jamais le cœur d'une femme. Je suis sûr qu'en enlevant ce masque et en te donnant un bon coup de peigne, tu-
- C'est hors de propos, le coupa-t-il froidement.
Il n'était tout simplement pas capable de discuter avec ce prisonnier sans qu'il attise sa colère au bout de deux minutes. Comment celui-ci pouvait-il prendre autant de plaisir à détourner leur conversation en ce sens ? Kylo Ren, lui, en connaissait la raison. Et le cinquantenaire n'attendait que ça qu'il le proclame à haute voix.
L'homme masqué se leva furax. Son prisonnier allait parfaitement bien. Sa première impression avait été trompeuse. Pourquoi était-il encore ici ?
- Tu vas vraiment la tuer ?
Kylo interrompit son départ, encore pris par le fil chaotique de ses pensées.
- Je ne sais pas, avoua-t-il indistinctement.
- Si tu hésites, ne le fais pas... ou tu le regretteras.
Des « regrets » ? Était-ce vraiment à lui d'en avoir ? Secoué d'un rire mauvais qui sonnait grossièrement faux et sarcastique, il se retourna vers son prisonnier. S'il tenait tant à le voir, il allait lui montrer, à lui, rien qu'à lui, ce qu'il était advenu de son fils.
- Ce que tu tiens temps à savoir, je vais te le dire. Pourquoi Luke Skywalker, la Légende, celui à qui vous m'aviez confié, est parti en exil. Pourquoi ton fils, Ben Solo, a basculé du Côté Obscure, alors qu'il avait à ses côtés le GRAND Jedi.
Dans ses prochains mots, Kylo Ren y déversa toute sa haine, toute la rage et la souffrance qui l'animait depuis ce jour où la cruauté d'un Monde régit par la Lumière lui était apparu d'une incroyable clarté. Abrupte et venimeuse, ressortit sa confidence.
- Ce n'est pas parce qu'il a échoué dans mon enseignement, non. Rien de tel. Il a été un bon professeur. Son seul échec... a été d'avoir manqué sa chance de me tuer... Et sans avoir démontré la moindre once de pitié, après m'avoir arraché ce que je chérissais le plus, une fille, qui réapparaît aujourd'hui comme son émissaire, pour finir le travail bâclé.
Alors Kylo retira son masque, sa robe, tout. Il se mit à nu devant lui, devant ce père qui disait tant affectionner son fils.
Sa peau, trop longtemps cachée des rayons solaires, était d'une blancheur chaste. Ses cheveux, ébène de naissance, avaient pris consistance au retrait du confinement, et ondulaient librement jusqu'à ses épaules en un contraste saisissant. Ses yeux bordés d'or semblaient percevoir le vide, au-delà de la réalité du commun. Son corps était celui d'un homme, d'un soldat entraîné, musculeux. Les tissus cicatriciels par endroits attestaient de blessures de guerres, et enlaidissaient la beauté qu'aurait dû appartenir à sa jeunesse. Mais la plus flagrante, celle qui bouleversa les tripes et la vue de Han Solo, fut la ligne médiane qui partant du milieu de son front, scandait son visage en une indélébile cassure, un large sillon qui descendait jusqu'au bas de son pectoral droit.
Une seule arme était capable d'un tel ravage.
- Snoke n'a pas été que mon guide dans l'Obscurité. Alors que la blessure du sabre laser Jedi me clouait de douleur, me noyait dans la souffrance, il a été celui qui m'a trouvé, qui m'a libéré de ce corps meurtri. Il m'a fait renaître, rassociant les lambeaux de ma charogne, lui insufflant la volonté de se relever, la soif d'agir envers ceux qui exhibe la même perfidie, de les dominer.
Revêtue de sa noirceur, l'Ombre de l'Ordre lui attesta de ses mots d'adieu d'une effroyable froideur.
- La Nouvelle République est anéantie. Tu peux continuer à garder le silence, car ta contribution n'est plus nécessaire. Tu ne nous es plus indispensable. Aussi, le Premier Ordre prévoit un cadeau de choix pour ce qu'il reste de la Résistance. Un recommandé pour la Générale Organa. Ta tête.
Plusieurs heures encore après, derrière la porte close de sa cellule, aucun son ne sortait de la bouche de Han Solo. Ses pupilles demeuraient fixées sur l'emplacement vide de son visiteur, comme s'il n'avait pas remarqué son départ, qu'il s'y trouvait toujours, dans un muet échange. Le choc avait été trop violent, trop récent. Il n'arrivait tout simplement pas à l'encaisser. Que même sans son masque, il ne l'avait pas reconnu.
Kylo Ren ne lui avait pas menti, son fils... était mort.
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