N16-Distortion
« Je me réveille en sursaut, nageant dans mes vêtements de la veille, la gorge sèche, le pouls effréné. Je me souviens... Je me souviens.
Cette femme m'apparaît, d'une réalité déconcertante. Son visage, ses traits, ses cheveux, ses yeux. Sa voix résonne dans ma tête, une musique assourdissante à l'harmonie dissonante.
Et cette enfant... cette enfant...
Elle est là, le souvenir de son rire se joint à l'orchestre infernal qui transperce ma poitrine. Mes tympans sifflent, saignent. Elle est revenue me hanter, m'accabler, me dépecer de mes résolutions.
Je m'arrache à mes draps, la main portée à mon cœur malade de folies. La respiration sifflante, l'air entre dans mes poumons et ressort comme les vagues d'une tempête s'écrasant sur la falaise. Comme celles d'un nouveau-né, mes jambes trébuchent et portent ma carcasse jusqu'à mon unique remède. Empoignant mon casque des cendres y reposant, je cache mon visage derrière le masque. La métamorphose opère. Ma vision change, mon environnement et ma façon d'interagir change. Je me redresse, luttant contre l'envahisseur.
Lumière et Obscurité. »
Kylo hurla. Sa voix modélisée résonna comme le tonnerre dans la pièce. Le métal sous ses pieds se tordit et stridentes, des veines se formèrent aux collisions des plaques à défaut de craquer.
À l'appel de la Force, son sabre laser parvint à ses doigts et l'enclenchant, la lame incandescente scinda en deux la stèle soudée à côté de lui. Une ligne de fusion indélébile se forma et la partie supérieur se détacha. Chutant lourdement sur le sol, les cendres contenues s'éparpillèrent à ses pieds dans un fin manteau de poussière.
Il s'acharna sur toutes choses se présentant à lui, réduisant leurs fonctions au néant. Et lorsque cela fut fait, sa colère et son désespoir marquèrent les murs sans résistance. Il hurla encore, plié en deux, lorgnant un court instant son sabre avant de le jeter contre ses derniers.
Sous les éclats des néons étincelants encore, ses bras pendant le long du corps, Kylo resta debout dans la pénombre, ne sortant plus un son. Il vacilla plusieurs fois en changeant d'appui sur ses jambes fébriles, mais jamais ne tomba.
Ni vainqueur, ni vaincu. Il avait signé la trêve.
Libéré de ses excès, il tendit encore une fois sa main et son sabre, qui épargné des dommages, retourna aux mains familières de son propriétaire et fondateur. L'homme masqué serra nerveusement le poing avant de raccrocher l'arme à sa ceinture, là où était sa place. Puis, il se dirigea vers son lit. Passant les lacérations et débris fibrineux, il enfila ses gants, noirs comme le reste. Enfin, il sortit de la chambre sans se préoccuper de l'état déplorable dans lequel il l'avait mise. Ses hommes l'en déferont proprement durant son absence.
Entrant dans une petite pièce circulaire de ses quartiers privés, Kylo s'effondra dans l'unique siège en son centre. Il considéra un instant ses doigts gantés s'agiter anormalement avant de les maîtriser et de les presser contre sa cuisse. Il était au bord d'un précipice. Un gouffre au halo aveuglant qui le rongeait... l'appelait... Il se sentait écrasé, brisé par la sauvagerie de la tentation.
- Pardonnez-moi... , implora-t-il. Je le ressens de nouveau... L'attrait... de la Lumière. J'ai besoin de votre aide...
Kylo releva la tête, mais fuit le contact visuel de l'objet exposé face à lui, emplit de honte. Il le comblait. La lumière salvatrice des noires pensées, des cauchemars, détentrice de la paix intérieure. Un trésor perdu qui transportait son esprit à la dérive, loin de ce à quoi il aspirait, de ce qu'il avait fait sa priorité, de ce pourquoi il avait tout abandonné.
Après elle...
... Avant elle.
Non, il ne céderait pas à la tentation. Elle était la souveraine du royaume de ses souffrances, parce qu'il osait lui résister. Son appel, il n'y répondrait qu'avec révulsion, colère. Elle était mensongère, qu'un tissu de mensonges. La Lumière l'avait volé, trahit. Jamais, non, jamais il ne referait la même erreur.
- Montrez-moi encore la puissance des ténèbres... , supplia l'homme sous son masque protecteur. Et rien ne pourra plus nous arrêter. Montrez-moi... Grand-père. Et j'achèverai... ce que vous avez commencé.
Le Tueur de Jedi attendit, pleinement conscient qu'aucune réponse ne lui serait donnée. Les morts ne parlaient pas. Ils ne lui parlaient jamais. Ils ne faisaient plus grand-chose d'ailleurs... Et qu'auraient-ils eu à dire ? Et lui, qu'aurait-il eu à leur répondre ? Rien, justement. Rien du tout. Aussi, était-ce ce qui caractérisait leur absence ? Sa propre indifférence ? Car aucun des visages des personnes qu'il eut un jour tué ne lui reviendrait en mémoire.
Pas même ceux du jour où la perversité de son premier Maître fut révélé.
« C'est ainsi. Tuer ne demande rien. Tuer ses semblables ?
Est-ce si contre nature ?
Il n'y a aucun mérite. Vivre ou mourir, ce ne sont que des états organiques et spirituels. Une éphémérité appartenant aux mortels.
Car rien en ce Monde est supposé être éternel.
Or certaines chose le sont. En vérité, une seule.
La Force.
Elle est le pilier régisseur de l'Univers. Elle gouverne, est maître de toute chose.
Et ses enfants portent son héritage. »
Retrouvant sa volonté, il osa enfin regarder l'objet. C'était les restes d'un bûcher funéraire. Un casque carbonisé similaire au sien, éclairés par les néons bleutés du dôme transparent et par les rayons de Starkiller qui se réfractaient au travers. Silencieusement, il insinuait la crainte, la puissance, mais aussi la faiblesse du Côté Obscur. Kylo plongea son regard dans l'un des orbites vides, là où se trouvait jadis une holoplaque de transparacier, essayant d'y lire autre chose que la noirceur.
L'Ombre de l'Ordre se leva, respectant le silence qui régnait en ce lieu. Il tendit sa main vers le masque de Darth Vader et arrêta son geste. Ne supportant plus cette vision, il se retira. Il n'avait ni le droit, ni le mérite de s'en approcher. De l'effleurer, jamais il n'en serait digne. Il aurait beau marcher sur ses pas, il ne pouvait dissimuler le fait indéniable qu'il ne l'égalerait ni ne le dépasserait. Les Seigneurs Sith avaient été défaits, mais leurs enseignements, eux, survivront toujours. Les Chevaliers de Ren n'avaient fait que remplir un vide, sans vraiment refermer l'abîme creusé par leur absence.
Retournant dans sa chambre dévastée, Kylo remarqua le plateau de vivres déposé à même le sol, recouvert d'un couvercle en conservant la chaleur et protégeant les plats des particules environnantes. Du pied, il l'écarta de son chemin et de passer, ignorant la faim que le dévorait. Une faim de pouvoir, de contrôle irrassasiable, qui élevait ses ambitions plus loin que les limites de la bordure extérieure, dont nul n'était jamais revenu.
Sorti de ses appartements, il se dirigea vers le pont de commandement. Omettant les officiers en service qui lui adressèrent un salut militaire, il vint s'accoler à l'une ouverture panoramique sur l'espace. Son immédiat constat fit coaguler le sang dans ses veines.
Leur trajectoire avait changé.
- Pourquoi avez-vous recalculé nos coordonnées !?
- C'est moi qui le leur aie demandé, répondit une voix qu'il méprisait profondément.
Armitage Hux se tenait derrière lui, un sourire hautain accroché aux lèvres. Bien qu'il arborait la position protocolaire dû à son rang inférieur, cela sonnait suavement faux.
En plein disposition de son autorité, le rouquin portait l'insigne du Premier Ordre sur l'épaule de son manteau d'officier en laine ainsi que sur sa casquette de commandement, prônant fièrement sa tête.
- Toujours dans votre uniforme de parade, Général, nota l'Ombre sarcastique. Pensez-vous devoir faire un second discours à bord ?
Nullement intimidé, Hux avait reçu bien plus qu'un titre de son séjour sur la base Starkiller. Il s'était fait greffer une inconsciente témérité.
- Les apparences sont essentielles pour maintenir la discipline, déclara-t-il sobrement.
- Ou pour véhiculer une autorité qui ne vous appartient pas.
- Détrompez-vous, Ren, assura-t-il. Je suis ici en toute connaissance de ma place au sein de ce vaisseau. C'est pourquoi je vous informe que le Suprême Leader requiert votre présence au plus vite. Il ne semblait pas... Satisfait, ajouta-t-il. Alors j'ai fait mon devoir de vous accompagner.
Kylo n'était pas dupe. Il savait très bien ce que le rouquin voulait en réalité. Et nullement besoin de sonder son esprit pour le deviner. Son ambition, comme tant d'hommes, comme lui... L'amenait à rêver de bénéficier de l'attention et de l'approbation du Suprême Leader Snoke. Il jouissait, se branlait même dans son dos que ses faveurs lui soient retirées. Si seulement il savait que son existence ne tenait qu'à un fil qu'il pouvait couper à tout moment, tout comme sa queue.
- Très bien, Général, convint-il allègrement. Faites. Je répondrais au souhait du Suprême Leader.
L'Ombre de l'Ordre tourna des talons et stoppa son départ. Il avait presque oublié un détail que l'amertume en bouche lui rappela.
- Vous parliez de discipline, Armitage Hux. Mais j'attends toujours de voir FN-2187 dans ma salle d'interrogatoire.
- ... Vous l'aurez, souffla Hux, un court instant déstabilisé par l'évocation du déserteur. Mais en parlant de prisonniers, renvoya-t-il, je vous informe que j'ai envoyé quelques-uns de mes hommes prendre soin de celui qui pose... Problème.
- VOUS... AVEZ... FAIT... QUOI ?
Le grondement fit trembler les murs et les faux contacts dans les jointures plongèrent en rafale le pont dans le noir sidéral. L'air était devenu soudain lourd et irrespirable. Nuls officiers continuèrent leurs démarches en cours pour assister à la scène avec effroi et consternation. Ce moment où Kylo Ren leva le bras en direction du commandant. Aussitôt, celui-ci porta ses mains à sa gorge et tomba à genoux, prosterné. Son visage se tordit dans une affreuse expression, privé d'oxygène. Ses veines gonflèrent et apparurent, menaçant d'exploser. Il étouffait, caressant ses derniers instants.
- JE NE PARDONNE PAS LES ERREURS, GÉNÉRAL, siffla l'Ombre de l'Ordre. ET VOUS ÊTRE MÊLÉ DE CETTE AFFAIRE EN EST UNE !!!
- J-JE BOUS DEANDE PARDON ! bredouilla le rouquin terrifié, les yeux exorbités. ARRÊTEZ, S-SEIGNEUR !! JE BOUS EN DUPPLIE, JE-
Kylo relâcha sa poigne d'un coup. Même entendre ses excuses le répugnait.
- Ordonnez à vos hommes d'arrêter la séance ! exigea-t-il. Priez pour qu'il ne soit pas trop tard.
Il partit ainsi, d'un pas rageur, laissant le Général à la tête dénudée reprendre ses esprits sur le sol, aux regards pétrifiés de tous. Des marques profondes et violacées étaient apparues au niveau du cou de l'officier. Sa témérité envolée, il venait de se rappeler à qui il avait à faire, comme à chacun sur le pont de commandement du Finalizer.
Un simple fait. Une vérité. Une pensée commune :
« C'est un monstre. »
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