N09-Reborn


« Son champ d'énergie disparaît peu à peu et si je tente de sonder à nouveau son esprit, je ne peux que constater la barrière de l'exactitude de ce signe alarmant.

Cette fille va mourir.

Et je ne contredis pas le fait d'en être en partie responsable. Comme je m'y suis attendu, ses multiples projections par la Force ont fragilisé son esprit. L'inexpérience. J'ai simplement eu à profiter de cette faiblesse en attentant le moment opportun, et creusant mon sillon, me délecter de pouvoir enfin la percer à jour.

Plongé au cœur des eaux turbulentes des images de son passé, un bon nombre de mes interrogations ont trouvé réponse tout en créant de nouvelles. Et maintenant que je commence à comprendre ce qu'elle est... Cerner qui elle est... Suis-je prêt à la laisser payer le prix de son ignorance ? »


Dans ses bras, Rey s'éteignait, raidie par le froid et la vie l'abandonnant. Ses jambes pendaient dans le vide, totalement abandonnée au sort que lui réservait Kylo Ren, qui la maintenait fermement contre son vêtement noir.

La tempête continuait de souffler avec rage. Le vent sifflait, allant en violentes bourrasques. L'homme serra le corps féminin contre son torse, l'épargnant des courants glacials. Sa tête reposait sur son épaule vêtue, et ses cheveux entrés en contact direct de sa peau l'irradièrent d'un nouveau frisson. Cette sensation rendant sa respiration difficile l'étonnait. Le toucher des femmes ne lui était pas inconnu et pourtant, aucune autre n'était parvenu à enclencher une telle réaction en chaîne. Bien que la situation s'y prêtait, il n'avait plus le contrôle.

Une inspiration saccadée et Kylo posa un genou au sol. Son appui compacta la couche de neige, une position qui lui permit de se libérer d'une partie du poids de la jeune femme en déposant le bas de son corps à terre, se libérant des contraintes qui l'empêchaient d'agir. Prenant soin d'écarter les mèches lui couvrant le visage, il le détailla à peine avant de retirer son gant pour poser les extrémités de ses doigts sur son front. Il n'avait pas le temps de contempler la douceur de ses traits, ses lèvres charnues. De constater encore leur jeunesse et la force les nourrissant. D'espérer l'inavouable. Elle était vulnérable. Dans sa pratique approfondie de la Force, même lui n'avait jamais atteint un tel état de détresse.

Le temps manquait cruellement.

Tâchant de se concentrer sur l'acte qu'il s'apprêta à commettre, l'Ombre de l'Ordre se coupa de tout, oubliant pendant un court instant ses idées, sa volonté et sa soif de pouvoir. Sa répugnance à se trahir en usant de l'impardonnable. Ce fut seulement là qu'il la ressentit. Terrée au plus profond de son propre esprit : la Lumière. Et il savait comment s'en servir.

Ce fut comme raviver une flamme mourante. Une douce chaleur se propageant et ramenant la paix perdue. Une once de bonheur l'accompagna. Une savoureuse sensation de bien-être auquel Kylo s'arracha aussitôt, foudroyé, se faisant violence pour ne pas accepter ce velouté. Il retira sa main à la renverse, transpercé par ces sentiments incontrôlables qui alimentèrent le conflit intérieur qu'il s'était juré d'ensevelir à jamais. Suffocant et lâchant à arythmie des nuages de vapeur de ses poumons peinés, sa poitrine le brûlait avec cette sensation insoutenable d'être coupé en deux. Il frappa celle-ci du poing, écrasé par une effroyable douleur qui le fit pousser une plainte sonore.

Comme pour échapper à cette fatalité, il s'encouragea à porter son attention sur l'emplacement où la pilleuse d'épaves se trouvait, quelques instants plus tôt, creusant un vide immense. La jeune femme s'en était allé. Retournée de là où la Force l'avait prise. Avant qu'elle ne disparaisse encore une fois subitement sous ses yeux attentifs, Kylo Ren avait pu distinctement entrevoir son champ d'énergie renaître plus éclatant que jamais. Il ne l'avait pas perdu. Il savait maintenant que c'était sur Jakku, cette planète désertique où les dernières braises de la Guerre Civile s'étaient écrasées, qu'elle demeurait.

« Rey. »

L'Ombre de l'Ordre avait une autre certitude en se relevant, seul au milieu du blizzard alors que l'aube pointait. C'était qu'il allait la revoir, car pour une raison qu'il ignorait et dont le désir de savoir le POURQUOI le dévorait, était que d'une façon ou d'une autre, la Force avait lié leurs esprits. Et cela, même le COMMENT ne pouvait s'expliquer. Peut-être que lui le saurait, mais le lui demander était chose risquée s'il tenait à connaître le motif de cette demande. Le Tueur de Jedi avait certes été son apprenti, cependant, qui pourrait prévoir la suite des événements si son Maître apprenait l'existence d'une humaine sensible à la Force ? Le chargerait-il de la tuer comme bien d'autres avant elle ? Ou choisirait-il en voyant son potentiel de faire d'elle son troisième apprenti ? Ce dilemme resterait comme tel. Parce que Kylo Ren, lui, devait aboutir ses propres projets et son ambition ne devait pas être taché par de mauvaises décisions. Il patienterait donc, dans l'attente de voir l'évolution du problème en bon spectateur, avant de se conformer dans un choix irrémédiable.

Avec le départ de Rey, la tempête s'était comme apaisée. Elle avait perdu de sa prestance, et lorsque Kylo sortit de sa réflexion pour continuer sa route, même ses sentiments voraces avaient fini par accepter de se soumettre à la contenance de leur possesseur. Il était venu initialement s'isoler dans ces bois le plus loin possible d'un autre problème. Un acte qui s'était avéré inutile. Celui-ci le tiraillait tout autant que cette fille qui apparaissait n'importe quand devant lui. Mais en fin de compte, le lieu importait peu puisque rien ne paraissait aller, et ce depuis toujours comme il l'entendait. Ce désir de contrôle inassouvi était tel que l'homme s'interrogeait parfois si une puissance semblable à la Force et supérieure à toute chose dans la galaxie, n'était pas la responsable de toutes ces épreuves qui lui étaient imposés. Et s'il s'avérait qu'une telle puissance quelle qu'elle soit existe bel et bien, elle devait se moquer ouvertement de lui.


La planète hivernale où Kylo se trouvait n'était guère très accueillante. Hostile, était bien le meilleur mot par la qualifier. La couche de neige perpétuelle et les grandes périodes de froid empêchaient la plupart des végétaux de pousser, et donc de disposer d'une faune importante. Pour en faire leur base, le Premier Ordre avait dû assurer un ravitaillement quotidien de la planète, afin de subvenir aux besoins qu'engendrait leur armée de taille conséquente pour ne pas dire démentielle.

L'homme en noir ne tarda pas à entrevoir le toit des structures permanentes érigées par l'Ordre à travers le mince feuillage des jeunes pousses centenaires. Rendu à la lisière de la forêt, il se repéra sans difficulté dans ce labyrinthe familier et accéda aux différentes parties des bâtiments lui permettant d'arriver le plus rapidement possible à sa destination finale. Aucun lieu ne lui était refusé. Telle une ombre, il pouvait demeurer partout à la fois, libre d'aller où il le désirait dans les ténèbres qu'étaient les siens.

Sur la piste de décollage longue de plusieurs kilomètres et dégivrée au quotidien, un grand nombre de transporteurs et de navettes patientaient, dont celle qui l'intéressait. Sa présence ne passait jamais inaperçu, et les regards des possédés dans l'impossibilité de se détacher de sa personne le jugeaient à chaque instant, de près ou de loin. Une aura que le commun n'expliquait, ingénus qu'ils étaient de leur propre Monde.

Un homme aux cheveux peignés courts et roux semblait l'attendre, entouré de ses officiers qu'il avait lui-même sélectionné, un droit accordé par son grade au sein de la junte militaire. Dès qu'il le vit, l'homme en uniforme mit fin à leur conversation animée, et fit signe à ses chiens de rester en retrait tandis qu'il s'avançât.

- Vous ne restez pas pour le discours ? demanda-t-il nonchalamment.

- Je suis sûr que vous vous acquitterez de cette tâche à merveille, Général, répondit Kylo avec sarcasmes.

Il ne fit que passer à côté de lui, évitant tout contact physique ou indirect.

- Je me dois tout de même de vous remercier.

L'Ombre de l'Ordre s'arrêta alors, mais sans pour autant se retourner. Il n'était pas nécessaire qu'il voie le visage du rouquin pour s'en souvenir.

- Sans votre échec à la capture de ce droïde sur Takodana, s'expliqua-t-il, nous ne serions pas à l'aube d'une nouvelle Ère.

- Apprenez à maintenir votre langue, Armitage Hux. Elle vous fait trop souvent défaut.

Sur son avertissement aussi glacial que cinglant, Kylo se dirigea vers une navette aux énormes ailes d'un métal onéreux, repliées en configuration d'atterrissage.

- Je peux comprendre qu'un prisonnier puisse vous poser problème ! eut-il encore de courage ou la stupidité de crier. Je vous conseillerai des méthodes plus radicales si vous me le demander.

Kylo ignora sa montée d'adrénaline, et se contenta de serrer son poing qui le démangeait. Si ce général n'avait pas prouvé son utilité au sein de l'organisation, il l'aurait déjà étranglé depuis longtemps. Ou transpercé de son sabre, cela revenait au même. Bien que la première mort soit plus jouissive. Parmi les décisions du Suprême Leader qu'il ne comprenait guère, le Tueur de Jedi plaçait le statut donné à cet idiot fanatique en première ligne. Et si savoir chauffer les foules était un don que lui ne possédait guère, il ne suffisait pas à le rendre irremplaçable.

- Décollez dès que nous serons près.

Son ordre s'adressait à l'homme attendant devant la soute ouverte. C'était le lieutenant Jober Tavson, le pilote de sa navette.

- Après ou avant l'événement, mon Seigneur ? s'enquit-il.

- Voulez-vous assister au GRAND événement, lieutenant... ?

Il se rétracta face aux ondes meurtrières de son supérieur et enfila son casque de vol, commun aux troupes de transport du Premier Ordre. À son arrivée, il s'écarta en salue de rigueur. Dans le dos de l'Ombre, sa cape virevoltait, une menace confirmé. Tout son corps irradiait à présent d'une colère qui fendit la terre tels les signes annonciateurs d'un séisme. Le craquèlement sonore ne durerait pas, contrairement au long sillon creusé qui s'était arrêté juste aux pieds du général au teint devenu livide.

Une fois montés à bord, la navette de Kylo Ren ne tarda pas à déployer ses ailes qui s'inclinèrent vers l'extérieur grâce au glissement de leurs articulations. Puis le sas se referma, et le vaisseau s'éleva au bruit des réacteurs d'énergie tournant à pleine puissance, vers l'immensité intergalactique.

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