texte 3

Liés dans la mort bien plus que dans la vie, nous marchions côte à côte, sans échanger un mot.
Le silence berçait nos pensées, et accompagnait chacun de nos pas.
La proximité qui nous séparait était infime. Nous n'avions jamais échangé de tel moment, et mais regrettions que les larmes en soient à l'origine.
Alors que nous aurions dû profiter, et savourer de chacun des instants que nous avions la chance de partager, au moins pour parler, chaque nouvelle épreuve nous avait éloigné, et seuls les pertes de nos êtres chers nous réunissaient.
C'était fort malheureux, et pourtant, jamais nous n'avions fait quoi que ce soit pour changer les choses. C'était ainsi, et ce pour un certain temps encore, me semblait il.
Peut être la prochaine fois serait-il présent à mon propre enterrement ?
Regretterai t-il alors de m'avoir laissé filé telle de la fumée, si ce n'est pour ne pas dire chassé ?
Regrettai t-il chacun des coups qu'il m'a porté ?
Chacune des marques qui jonchent mon corps par sa faute ?
Pleurerai t-il alors que mon cadavre s'embraserait ?
Aucune réponse n'était déterminable, et pourtant j'étais d'ors et déjà sur qu'il ne regrettait pas.
Il ne l'avait jamais fait. Pas une once de remords ne lui avait traversé l'esprit ou le regard.
Pourquoi les choses évolueraient-elles ?
On ne choisit pas sa famille, m'avait on dit un jour.
Certes, mais cela n'excuse pas les années d'horreurs, au sens large du terme, que j'ai subit.
J'ai essayé de m'en tirer sans dégâts, mais j'ai perdu dans ce long combat plus d'une plume.
Alors en marchant à ses côtés, après tant d'années, c'est une certaine rage qui animait ma voix, sans pour autant souhaiter, en ce jour de deuil pour nous deux, aggraver les choses, d'ors et déjà invivables.
Les nuages déversaient leurs larmes glacées et dévastatrices sur nos corps meurtris, comme si la douleur de la perte, de la rancœur et pour ma part de la peur, ne suffisaient pas. Comme si les cieux souhaitaient nous punir pour nos enfantillages incessants.
Mais j'étais certain de ne jamais réellement parvenir à lui pardonner ses actes, qui m'avaient, à vie, détruit. Jamais, je ne m'étais vraiment relevé de ces affreuses années.
Aujourd'hui, il était trop tard pour mettre nos rancœurs respectives de côtés, et passer au dessus me semblait une épreuve impossible.
Je ne pourrais ignorer si longtemps le mal-être qu'il a créé en moi, et les conséquences qu'il a laissé et qui persistent, même maintenant que je suis adulte.
Nous arrivons au bord d'une falaise. En face, une sublime cascade dévale les roches, telle une magnifique chevelure brillant au soleil. Je souris. Je voudrais être seul, et m'envoler, tel un oiseau qui déploie ses ailes pour la première fois.
Mais il est là.
Venant de lui, je m'attendais à tout. Mais je ne l'aurais pas cru capable d'alimenter tant de haine envers moi, son fils qu'il avait détruit, au point de me pousser dans le vide.
Il fallait croire que je nageais - encore - dans les eaux profondes de la désillusion.
La chute sembla durer des heures, puis, plus rien.


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