L'affaire chameau.
Plestin-les-grèves est une petite ville bretonne tranquille et jolie. Elle vit de son tourisme, offrant de belles randonnées en bord de mer, et quelques chapelles à visiter.
Pourtant ce 9 juin 1998, Marie-Françoise appelle la police, affolée. Sa fille chérie, Émilie, âgée de 17 ans n'est pas rentrée la veille. D'après Marie-Françoise, c'est une jeune fille absolument adorable, sans histoire, obéissante. Elle sort rarement le soir, et jamais en semaine. Elle fournit un travail acharné et irréprochable pour obtenir son bac. Et quand bien même elle serait sortie, elle aurait prévenu ses parents, sachant très bien qu'ils ne la priveraient jamais d'aller s'amuser avec ses amis. La pauvre mère le répète, vigoureusement soutenue par Jules son mari, sa fille n'a aucune raison de fuguer. Il lui est forcément arrivé quelque chose et il faut absolument la retrouver.
Le commissaire, Alfred Perrin, fraîchement débarqué de Paris, prend l'affaire en main. Il appelle les amis de la disparue un à un, mais la même chose en ressort : ils ont fait un bout de chemin ensemble en rentrant du lycée, puis elle les a quittés, n'ayant aucun d'entre eux pour voisin, et a continué seule. Elle n'avait pas plus de deux rues à parcourir. Alfred décide alors de faire interroger les voisins. Mais pour la plupart, ils étaient absents ou trop occupés chez eux pour y faire attention. Une vieille qui passe tout son temps libre sur le perron de chez elle affirme qu'elle l'a bien vue quitter ses amis. Émilie serait passée devant elle, l'aurait saluée, et aurait tourné dans sa rue comme à son habitude.
Le commissaire en vient donc à cette conclusion : soit la jeune fille s'est faite enlever pratiquement sur le palier de sa porte, soit elle a continué à arpenter les rues de sa ville sans passer par chez elle.
Prenant l'affaire très au sérieux, il fait fouiller les maisons des voisins, puis le quartier entier. Les policiers cherchent le moindre indice : un objet qui aurait appartenu à la jeune fille, un témoignage, ou encore un suspect potentiel. Malheureusement, les habitants semblent tous irréprochables.
Lançant un avis de recherche, il organise des fouilles sur la falaise. Et c'est sur la plage de Porz Mellec qu'une lycéenne découvre le cadavre encore frais de sa camarade de classe.
Ses yeux sont grands ouverts et semblent être inondés par le ciel orageux. Sa peau est inhabituellement pâle, et ses lèvres sont bleuies. Son jean et sa chemise blanche sont immaculés, et elle repose tranquillement sur le sable, comme si elle s'était endormie là. Mais son cou est tâché par des traces violacées. Le médecin confirme : elle a été étranglée par son collier, une chaîne en argent au bout de laquelle pend un petit chameau de métal.
Les policiers protègent la scène de crime et cherchent les petits détails qui pourront les lancer sur une piste. Alfred Perrin soupire en buvant sa huitième tasse de café : lui qui était venu chercher le calme sur la côte bretonne se retrouve avec un meurtre sur les bras.
Une première piste apparaît : les parents de la défunte lycéenne n'ont jamais vu le collier qui a servi d'arme. Mais ne trouvant aucun lien avec le meurtre, Alfred déclare que le collier n'a aucune importance et que ce n'est qu'une coïncidence. Le meurtrier se fichait très certainement des bijoux de la jeune fille.
Marie-Françoise pleure et hurle à qui veut l'entendre que le meurtrier de sa fille connaîtra son sens de la justice. Elle passe ses journées à interroger les passants, à menacer et soupçonner la Terre entière, à crier bien haut et fort que sa fille ne méritait pas que l'on lui fasse du mal. Jules, lui, choisit le déni. Tous les matins, il se lève très tôt, s'installe sur un tabouret devant son potager et contemple d'un œil vide ses tomates pousser jusqu'à la tombée de la nuit.
Des hommages sont organisés, l'enterrement a lieu, et l'enquête piétine. La voisine qui a vu Émilie pour la dernière fois rend chaque jour visite aux parents endeuillés pour s'assurer qu'ils s'alimentent correctement. Les amis de la jeune fille tuée passent aussi le plus souvent possible, dans l'espoir de consoler le couple, tout en tentant eux-mêmes d'oublier ce macabre et funeste événement.
Alfred n'en peut plus. L'enquête n'avance pas, et cela fait bientôt trois mois qu'aucune piste ne les a conduit jusqu'au coupable. Devenant fou, rongé par la culpabilité de laisser un tueur en cavale, il démissionne, déménage en Alsace et devient facteur. Le commissaire qui le remplace tente de reprendre l'affaire mais finit par la classer, n'ayant aucune piste concrète.
Marie-Françoise se lasse finalement de chercher le tueur de sa fille. Elle pleure tous les soirs, et voit le visage de son unique enfant la nuit. Mais elle décide de faire face à ses démons et se remet petit à petit de cette funeste disparition.
Jules continue de contempler ses tomates pousser quand la tristesses'empare de lui. Il entend, impuissant, les pleurs de sa femme, mais refuse de montrer sa propre peine. Perdu dans l'immensité de sa douleur, il se refuge dans le silence.
Les anciens amis d'Émilie surmontent cette épreuve de la vie comme ils le peuvent, et les hommages deviennent de plus en plus rares. La vie recommence dans le quartier, même si chacun prend bien soin de baisser silencieusement et respectueusement lorsqu'il passe devant la maison de la victime.
Et personne n'a jamais remarqué le petit chameau peint en gris sur la porte de la vieille voisine, qui, inlassablement, continue d'observer et de saluer les passants en souriant...
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