En tout, ils sont huit. Huit à se taire, à faire leurs devoirs, à écrire, à lire, ou à faire semblant de s'occuper. Et le reste de la permanence rit, crie, parle, joue, se jette des boulettes de papier, s'insulte, se lève, se dispute, fiche le bordel.
Dans les huit à rester calmes, il y a un garçon. Le seul.
Elle, elle ne fait pas partie de ces huit élèves. Elle, elle se force à rire aux plaisanteries débiles de ses amis. Elle, elle répond quand on l'insulte. Elle, elle est debout sur une chaise, en train d'hurler quand un adulte entre dans la salle,
La sentence est prononcée : trois heures de retenues. Pour ses amis et elle.
Le garçon ne lève pas la tête, ne la regarde pas. Il continue son devoir de français.

Elle joue un rôle, elle veut avoir l'air rebelle, populaire, mais finalement, la seule personne qu'elle veut intéresser ne s'occupe pas d'elle.
Elle fait semblant d'être insolente, courageuse, d'assumer ses punitions, voire de les accueillir comme une banalité. Mais chez elle, c'est différent ; elle prend les sermons de ses parents en pleurant silencieusement.

Depuis sa chaise, elle le regarde. Deux mois qu'ils sont dans la même classe, et il lui a encore demandé son prénom la semaine dernière.
Si elle devenait studieuse, peut-être qu'il la trouverait plus sympathique ?
Mais c'est trop tard, on ne peut pas changer d'amis, de comportement pour une personne. Même si ce monde qu'elle s'est créé s'effondrera à la première occasion, elle a peur de prendre ce risque. On lui a collé une étiquette, et elle n'ose rien faire pour la changer.
Les larmes lui montent aux yeux, elle essaie de les retenir, mais rien n'y fait, elle pleure.
Quelqu'un lui demande ce qui ne va pas, un autre se moque.
Et lui, il la regarde enfin, et, pour la première fois, il lui sourit.