- Non, tendez le bras, mademoiselle Heartfilia ! Soyez plus solide sur vos appuis, les pieds ancrés dans le sol. Voila ! martelait Golmine, frappant les pierres du fourreau de son sabre pour ponctuer ses mots.

Anna lui obéit, ou du moins essaya du mieux qu'elle le pouvait. Son maître d'armes, ou plutôt celui d'Acnologia, était exigeant.

Grand homme aux cheveux noirs et aux yeux perçants cachés derrière des lunettes aux verres fumés, il se promenait toujours affublé de quelques bracelets cloutés et de bottes de cuir, blouson piqué d'une bonne trentaine de pointes métalliques jeté sur les épaules. Pourtant, malgré cet air pas vraiment sérieux, sa maîtrise des armes était redoutable. On racontait que, dans sa jeunesse, il avait souvent combattu avec, et contre, Makarov Dreyar, le doyen des armées de Fiore, et que tous leurs affrontements à la loyale s'étaient soldés par des matchs nuls.

Cependant, depuis la guerre, les armées d'Arbaless perdaient, et se profilait à l'horizon ce qui serait peut être sa première défaite. Mais Anna n'en parla pas, et se contenta de serre plus fort, de ses deux mains, la crosse de son revolver. Elle ôta la sécurité, plissa les yeux, et se concentra sur la cible en carton, de l'autre côté du terrain. 

C'était loin. Très loin. Mais elle savait pouvoir le faire.

Sa respiration se coupa, ses cheveux blonds attachés en queue-de-cheval lui fouettèrent le visage. Elle s'assura d'être équilibrée, banda ses muscles pour encaisser le souffle, et pressa la gâchette.

Au loin, la cible à forme humaine s'effondra, touchée au coeur.

Anna relâcha son corps et sourit. Elle y était arrivée ! Golmine lui offrit un hochement de tête d'approbation, et se tourna vers son second élève. Acnologia fronçait le nez, son arme entre les mains, en regardant la blonde. Elle lui lança un regard de provocation et croisa les bras, le défiant silencieusement de faire mieux.

Le jeune homme lui répondit avec un rictus et se craqua la nuque. Il fit tournoyer son revolver, et se prépara, les yeux dangereusement allumés d'une lueur joueuse. Il ne savait pas résister à la provocation, encore moins quand c'était elle qui commençait à surenchérir. Et encore moins quand il s'agissait de jeux dangereux qui incluaient quelque chose de potentiellement mortel, comme son flingue.

Golmine soupira, il s'occupait de leur apprendre à se défendre depuis à peine six mois. La mère d'Acnologia avait proposé cette idée pour changer celles d'Anna, et ça avait peut être un peu trop bien marché. Non seulement les deux adolescents faisaient des heures supplémentaires, se servant de cette discipline pour régler leurs comptes par l'intermédiaires de défis et compétitions plus stupides les uns que les autres, mais en plus ils se trouvaient être les élèves les plus doués que Golmine n'avait jamais eu. En quelques mois, ils savaient déjà tirer avec une précision incroyable, mais surtout, leurs armes paraissaient être le prolongement même de leurs bras.

Ils avaient un peu plus de mal, peut être, avec les lames, quoique Acnologia semblait être né pour manier à peu près tout ce qui pouvait servir à tuer quelqu'un -même ce qui normalement n'avait pas cet usage là d'ailleurs. Anna, elle, excellait surtout au maniement de petits gabarits de revolver, et faisait preuve d'une agilité et d'une force sidérantes. Elle était très douée pour se battre sans armes, mais malheureusement Golmine ne pouvait pas lui être d'une grande aide sur ce terrain là, puisque la dernière fois qu'il avait essayé de se frotter à elle, il s'était retrouvé avec un de ses pieds dans le visage et un coude cassé.

Le mannequin de carton se retrouva avec deux balles fichées dans le corps, une lui ayant transpercé le crâne et l'autre le coeur.

Acnologia rangea son arme et, un sourcil levé, demanda avec un grand sourire, qui fit enrager la blonde :

- Alors ? Quelque chose à dire ?

Une énième fois, leur professeur fut prit d'une réelle envie de prendre l'un pour frapper sur l'autre. Mais il desserra la main sur l'étui de son sabre, prenant une grande inspiration, et se contenta d'annoncer en râlant devant les yeux suppliants des deux gosses horripilants qu'il avait à charge :

- Oui, ça va, je vais éloigner la cible... Mais c'est la dernière fois aujourd'hui ! Et même si je dis ça depuis deux heures, cette fois ci c'est vraiment fini.

Il ne reçut en réponse que deux grands sourires angéliques, avant qu'Anna ne recommence la bataille de regards entamée plus tôt. Au moins, ils n'avaient pas encore eu l'idée d'utiliser leurs armes respectives pour régler leurs comptes, pourtant la perspective devait être vraiment tentante.

Golmine sentit son téléphone vibrer dans sa poche, pour la trente-sixième fois peut être. Et pour la trente-sixième fois consécutive, il l'ignora. Il savait qui c'était, et il savait pourquoi. La mère d'Acnologia ne cessait de l'appeler, sans doute pour lui dire qu'il était temps pour les deux gugusses de rentrer à la maison. Mais ces enfants avaient besoin de vivre un peu, de respirer en dehors de l'atmosphère étouffante du Manoir !

Là-bas, on enchaînait réceptions interminables où ils devaient rester immobiles, sourire à des gens aussi faux qu'eux, et ne parler que pour dire des choses plates et vides de sens. Les repas se faisaient en silence, et toute la famille se rendait compte qu'elle n'avait rien à se dire, alors souvent les membres qui la composaient n'attendaient même pas le dessert pour filer à l'anglaise. Voire ne pas y participer du tout. Et quand il y avait un sujet de conversation, ça tournait autour des fiançailles prochaines d'Anna et Acnologia.

Sujet épineux, sujet douloureux. Les deux s'accordaient au moins sur un point : hors de question d'y consentir. Ils avaient demandé de l'aide à Golmine, séparément. Mais l'ancien militaire ne savait que dire, que faire. Il ne pouvait pas s'opposer au testament des Heartfilia. Il ne pouvait décemment pas s'opposer à l'une des plus puissantes familles d'Arbaless.

Mais il ne pouvait pas non plus laisser ces deux enfants souffrir de traditions idiotes. On faisait passer ce mariage comme une bonne chose, puisque cela permettrait à Anna d'acquérir les papiers pour être considérée comme citoyenne d'Arbaless, mais c'était un crime. Forcer deux jeunes gens à peine sortis de l'enfance à vivre comme des adultes, sans leur consentement, il ne pouvait appeler ça autrement.

Golmine en tremblait devant tant d'injustice. Il ne laisserait pas ça se faire, il avait un plan en tête. Mais dehors, la guerre faisait rage, et si Anna et Acnologia n'en étaient pas affectés, c'était uniquement grâce à leur appartenance à la haute noblesse. On ne pouvait pas les lâcher dans une telle violence non plus...

Leur maître d'armes faisait tout pour les préparer à ce monde qu'ils ne connaissaient pas encore, ce monde où plus rien n'avait de sens, pas même la vie. Ce monde où tout brûlait, jusqu'à l'esprit, et où tuer devenait anodin. Ce monde si cruel, ce monde en Guerre, ce monde où malgré eux ils étaient nés.

NDA : DEVINEZ QUI EST DE RETOUUUUR ? :3 Bonne nouvelle : je suis en vacances, donc les chapitres devraient être enfin réguliers ;)