Le couloir carrelé de beige et éclairé par des LED blanches n'avait rien de glauque et les baies vitrées qui le parcouraient donnaient au contraire un aspect convivial, offrant une vue sur les diverses pièces : bibliothèques, salles de pause avec cafetières, salles informatiques... Tout le confort moderne donc. Lyon, que cette atmosphère aseptisée et silencieuse stressait, faisait nerveusement jouer le barillet de son revolver, s'attirant les coups d'oeil un peu agacés de Kinana, qui toutefois n'osait rien dire de peur de déstabiliser le jeune homme. Et de peur que tout ce bruit cumulé attire quelqu'un, aussi. Elle savait que croiser Gienma ou un de ses larbins si larbins il y avait, serait plutôt une bonne chose parce que ça permettrait de sortir plus vite de cet endroit étrangement oppressant, mais elle avait quand même une envie modérée de croiser le fer. 

Kinana sursauta en entendant un bruit à ses côtés, faillit sortir son arme, et se ravisa en se rendant finalement compte que ce n'était que Cobra qui avait commencé à siffler un air, les mains enfoncées dans les poches, regardant défiler les vitres avec un air indifférent. Son visage montrait clairement l'étendue de son ennui. Lui, si il était venu, c'était pour la baston. Une quinzaine de minutes déjà qu'ils étaient dans le sous sol, et il commençait vraiment à ne plus tenir en place. Il lui fallait de l'action. Même berner la sécurité de Sabertooth avait été un jeu d'enfant ! C'était si chiant qu'il se serait presque cru dans un de ces films d'espionnages dans lesquels il jouait si souvent, où le héros avait toujours une veine incroyable, des adversaires dits incroyablement forts mais en vérité tristes à en mourir, et une myriade de gadgets cools. Pour le moment, ils avaient tellement de chance qu'il se demandait ce qu'allait leur renvoyer le karma, en fait d'adversaires personne ne se pointait et comme gadgets il n'avait que ses poings et son bon vieux six-coups, comme dans les western. Tiens, pour peu qu'ils croisent un type qui voudrait se prendre une bonne raclée, il le baptiserait Joe Dalton.

Au sourire rêveur teinté de folie douce qu'affichait son ami d'enfance, Kinana compris qu'il ne fallait pas trop s'en faire pour lui, et que n'était pas né celui qui pourrait le stresser. Pour une fois, elle aurait bien voulu qu'il lui passe un peu de sa déficience mentale, pour oublier à quel point elle se sentait inutile entourée de gens si incroyables. Enfin, Lyon se rapprochait sans doute plus de la normalité, mais elle l'avait vu s'entraîner au tir et au combat avec Cobra et Anna au Manoir, et elle pouvait d'ores et déjà dire que malgré le fait qu'il n'ait pas, comme elle, connu la noirceur de l'Orphelinat, il avait bien plus d'instinct de survie et de réflexes salvateurs qu'elle n'en acquérait jamais. Parfois, elle se demandait ce qui avait été si sombre dans son enfance à lui, pour qu'il ait besoin de s'évader dans ses scénarios de films, et de se promener avec une arme. Sans doute quelque chose d'horrible, comme pour eux tous. Après tout ils étaient nés l'année où la guerre avait débuté. Un mauvais présage pour leurs vies futures, il n'y avait pas à dire. Mais bon, ils ne s'en tiraient sans doute pas trop mal compte tenu des épreuves traversées... 

Enfin pas trop mal mais avec une paranoïa excessive les poussant à demander un permis de port d'arme. Tout était relatif.

Erza elle aussi s'intéressait au contenu des pièces qu'il pouvaient apercevoir au travers des baies vitrées, et malgré ses deux AK-47, un dans chaque main, trouvait le moyen de pointer du doigt des objets insolites. Il fallait bien passer le temps, après tout ce couloir paraissait interminable.

- Quelqu'un peut me rappeler pourquoi est ce qu'on a joué à chifoumi le choix des passages déjà ? maugréa finalement Cobra, qui commençait à entrer dans sa phase "ennui mortel".

- Parce que tu étais contre le pile ou face et que Kinana ne voulait pas faire la roulette russe, rappela Lyon avec un haussement d'épaules, ce qui lui attira un coup d'oeil agacé.

- Je reformule : pourquoi est ce qu'on est aussi cons à jouer le potentiel fun de cette balade sur un jeu ? réitéra le borgne avec un de ces sourires qui ne traduisait pas la joie.

- Bah ça tu viens de trouver la réponse tout seul comme un grand : parce qu'on est cons, répondit le frère de Grey avec le même type d'expressions.

Erza gardait sur eux un oeil méfiant, l'expérience de Natsu l'incitant à se méfier au cas où ces deux phénomènes prévoiraient de faire une connerie. Il fallait dire qu'elle aussi s'ennuyait un peu, cela faisait bien une demi heure et ils arrivaient au bout du couloir sans avoir croisé personne, ni détecté le moindre signe de vie dans ces box étranges cernés de baies vitrées qu'ils longeaient depuis tout à l'heure. Elle en serait presque venue à souhaiter un début de bagarre ou un pari stupide, pour avoir l'occasion de taper sur quelque chose. Enfin, si elle en jugeait de part l'expression de Kinana, elle se demandait si la jeune femme ne serait pas la première à tenter d'étriper l'un des deux zigotos qui ricanaient sombrement avec des airs d'évadés d'un asile psychiatrique.

Lyon, en ayant enfin la limite du couloir en visuel, lança un regard pétillant de malice à Cobra, qui avait eu la même idée. Ils se regardèrent un moment avec un grand sourire jusqu'aux oreilles, puis ils firent un high five et s'élancèrent à toute vitesse, plantant les filles qui sentaient la bêtise venir sur place en gueulant : " Premier arrivé, c'est celui qu'à gagné ! "

A la grande surprise d'Erza, qui se sentait déjà bouillir d'envie de s'élancer aussi mais avait une image à tenir, Kinana ne sorti pas son revolver pour faire deux head-shot, au contraire. Elle resta un dixième de seconde bluffée par le départ soudain des deux garçons avant de s'exclamer, outrée :

- Et vous m'attendez pas ? C'est de la pure malhonnêteté ! Attendez que je vous attrape !

Et la jeune femme s'élança à son tour derrière les deux zouaves qui riaient en la narguant, grimaces à l'appui, la défiant de  les rattraper et de poser un doigt sur eux, sous peine de chatouilles.

Avec un sourire, Erza rangea ses armes dans son dos et attacha ses cheveux. Alors comme ça on voulait jouer ? Ils allaient voir ce qu'ils allaient voir, la bleusaille !

NDA : Hey ! Désolée de ne pas avoir trop posté j'ai eu pas mal de choses à faire avec les fêtes et je suis partie en vacances ;) On retrouve le groupe d'Erza pour qui la situation n'a pas l'air trop catastrophique... Ah là là, toujours à faire les cons XD