Sophie

   Calla m'avait affirmé que certains de mes amis auraient des réponses. Mais qui exactement ? Je ne connaissais pas très bien tout le monde : cela faisait moins d'un mois que je les côtoyais tous ! Marella connaissait toutes les rumeurs du lycée, peut-être pourrait-elle me donner un indice ? Une question me taraudait pourtant : comment étais-je censée lui demander ça ? Salut Marella, est-ce que tu aurais des infos sur un monde dans lequel vivent des elfes et des licornes ? Tu comprends, je dois arrêter une affreuse criminelle, soit dit en passant la mère de Keefe, qui vient de ce monde magique. Mon cerveau avait encore du mal à assimiler tout ça. Quant à ma nouvelle amie, elle me prendrait pour une folle. Je ne voulais pas la mêler à toutes ces histoires. Alors, vers qui devrais-je me tourner ? Je secouai la tête. Il fallait que je me concentre sur le prochain cours de la journée. Autrement dit, le cours d'anglais. Si Mme Galvin me surprenait en train de rêvasser en classe...

   Alors que j'attendais dans le couloir, devant la porte de la salle de cours, je vis Linh accourir vers moi, un grand sourire étalé sur son visage. Tam, comme à son habitude, la suivait, caché derrière une mèche de cheveu. Je l'avais remarqué depuis quelques temps : Tam ne pouvait pas s'empêcher de... m'analyser. À son front plissé, je devinais que quelque chose le tracassait.

   Le cri enjoué de Linh me ramena à l'instant présent :

   - Mme Galvin est absente ! Je suis tellement soulagée. On va pouvoir se reposer en permanence.

   Je ne pus m'empêcher de ressentir un élan de joie. Sentiment vite plombé par le fait que mes pensées auraient donc tout leur temps pour me torturer. Je pris une petite inspiration. Je devais aider Keefe. Il était mon ami et peut-être un peu plus que ça. Mes doigts, néanmoins, ne purent réprimer l'envie de m'arracher un cil. Je foudroyai ma main du regard. Ce n'était pas le moment d'angoisser. Linh m'observait, visiblement intriguée. Elle fixa son frère qui hocha la tête, comme pour donner son approbation, avant de me saisir par le bras et de me traîner en salle d'étude. Hébétée, je ne pus me défendre face à sa force prodigieuse.

   Linh me fit asseoir sur une chaise. Je la regardai, surprise par tout ce manège. Elle me sourit comme si de rien n'était. Je répondis présente à l'appel du surveillant en charge sans vraiment y faire attention. J'avais sorti un cahier de brouillon afin de mettre sur papier tout ce que j'avais appris et, ainsi, faire le tri dans mes pensées. Je fis bien attention à ce que ni Linh ni Tam, installés à ma gauche, ne puissent lire ce que j'écrivais. Heureusement, ils avaient l'air tous deux occuper à une sorte de jeu, que je pris d'abord pour un morpion. Leurs lèvres bougeaient silencieusement, si bien que je ne pouvais entendre ce qu'ils se racontaient. Je me replongeai dans mes notes lorsque je reçus une tape amicale dans le dos. Je me retournai pour me retrouver face à Dex. Je lui souris, contente de le voir.

   - Salut, comment vas-tu ? me demanda-t-il.

   Je détournai le regard.

   - Comme sur des roulettes, affirmai-je sans grande conviction.

   Mon ami le remarqua immédiatement. Se pinçant le nez en secouant la tête, il s'assit à ma droite. Il poussa un soupir avant de s'exprimer.

   - Je n'ai jamais vraiment aimé Sencen mais, malgré le peu de temps depuis lequel je te connais, je sais qu'il compte beaucoup pour toi. Alors, ça ne m'étonne pas que tu te sentes concernée par toute cette histoire.

   J'essayai de le remercier, vraiment touchée par ses paroles, mais il me coupa dans mon élan :

   - C'est pourquoi, nous avons décidé de t'aider.

   - Nous ? relevai-je.

   Dex détourna les yeux. Ce ne fut pas lui qui me répondit mais une autre voix que je connaissais bien.

   - Oui, nous ! Biana, Dex et moi ! s'exclama Fitz.

   Je le dévisageai, sans voix. Je croyais qu'il m'en voulait de m'être rapprochée de Keefe et qu'il ne désirait plus m'adresser la parole. Son sourire rassurant me dit qu'il avait réussi à se détacher de tout cela. Je lui en fus immédiatement reconnaissante.

   - Tu sais, Keefe est mon meilleur ami. Je ne peux pas rester statique alors qu'il est évident qu'il a besoin d'aide, ajouta Fitz.

   Le surveillant nous jeta un regard noir pour nous signifier de nous taire. C'est pourquoi je murmurais alors que je demandai :

   - Que comptez-vous faire ?

   - Eh bien, nous souhaiterions fêter son anniversaire. Pour lui remonter le moral. Il n'a pas eu beaucoup d'occasions de pouvoir en profiter, dans son enfance.

   Je trouvais que c'était une excellente idée. Mais ce n'était pas le plus gros du problème. Il faudrait donc que je continue l'enquête sur Lady Gisela seule. À moins que je mette mes amis au courant. Pour éviter de sombrer dans les confins de mon esprit, je tentai de penser à autre chose. Par exemple : Dex avait accepté de faire équipe avec Fitz et Biana. Je croyais pourtant qu'il méprisait leur famille. Quant à Biana, elle était sûrement toujours pleine de dédain envers moi. J'avais du mal à croire que nous allions devoir coopérer. Je tentai de capter son regard. Alors que je m'attendais à ce qu'elle détourne les yeux en croisant les bras, avec un petit air fier, elle m'adressa un sourire timide. Sourire que je lui rendis naturellement. J'étais contente que cette espèce de rivalité entre nous cesse enfin.

   - Ne te méprends pas, Sophie. Si je fais ça, c'est seulement pour t'aider toi, précisa Dex.

   Fitz leva les yeux au ciel.

   - En tout cas, nous pouvons remercier Biana. C'est elle qui a eu l'idée de la fête d'anniversaire.

   La jeune fille rougit tout en souriant. Je surpris Dex qui déglutissait. Intéressant...

   Je mis en pause mon enquête criminelle quelque peu farfelue pour aider mes amis à réfléchir à la fête. Lorsque la sonnerie retentit dans l'établissement, signifiant une pause bien méritée par tous les élèves, je fus retenue par une jeune fille et son ombre. Linh et Tam. Ce dernier se racla la gorge :

   - Pouvons-nous te parler ?