Chapitre 22

   Je rentrai chez moi en claquant la porte de rage. Envers moi-même. Des larmes coulaient le long de mes joues, un goût salé que je connaissais bien. Ma mère, mon père et Amy me dévisageaient, surpris et inquiets. Mes parents échangèrent un bref regard pourtant lourd de sens.

- Va dans ta chambre, Amy, ordonna doucement ma mère.

   Ma sœur s'apprêtait à répondre mais, en voyant mes mains tremblantes, elle se ravisa. Alors, elle acquiesça et monta les escaliers. En passant à côté de moi, elle murmura à mon oreille :

- Tout va bien, grande sœur.

   Je n'eus pas le temps de la remercier, elle avait déjà disparu. Mes parents attendirent d'entendre la porte de sa chambre se fermer avant de m'inviter à les rejoindre. Je pris donc place sur le canapé du salon.

   Ma mère se rapprocha progressivement de moi pour me serrer dans ses bras. Elle me communiqua tout son amour et tout son soutien à travers son étreinte.

   Ce fut mon père qui s'exprima le premier :

- Je ne sais pas ce que tu as vécu ce soir, ma chérie, mais nous sommes prêts à t'écouter et à te soutenir. Peu importe la situation. Nous t'aimons.

   Je reniflai, pris une inspiration tremblotante et débutai mon récit. Tout le long de ma tirade, ma mère me caressa tendrement les cheveux. Elle voulait que je sache qu'elle était là. Que je ne serai jamais toute seule. Elle resta imperturbable tout le long de l'histoire, contrairement à mon père dont les sourcils se fronçaient de plus en plus.

   Lorsque j'eus terminé, mon père poussa un long soupir.

- Pauvre enfant, murmura-t-il. Il se retrouve mêlé à des choses qui le dépassent.

   Il se racla la gorge avant de s'adresser à moi, les yeux dans les yeux.

- Je suis désolé d'avoir voulu te tenir à l'écart de ce garçon. Je ne voulais pas que tu souffres à cause de lui. Mais je me rends compte que tu avais raison. Il a besoin de soutien.

   Je me cachai derrière mes cheveux, me sentant plus pitoyable que jamais.

- Mais j'ai tout gâché. Il ne voudra plus jamais s'approcher de moi.

   Ma mère serra les lèvres, ferma les yeux et sourit, d'un sourire doux et léger. Presque rêveur.

- Tu es trop chère à son cœur. S'il s'éloigne, c'est parce-qu'il n'a pas envie que tu sois blessée. Mais il a besoin de toi, même s'il ne le réalise pas encore. N'abandonne pas, ma chérie.

   J'émergeai de derrière ma chevelure et contemplai mes parents. Je leur étais tellement reconnaissante. Je les aimais tellement. Je leur souris alors du mieux que je pus, avant de partir me reposer dans ma chambre.

   Je ne vis pas les larmes de ma mère.

   Sur mon lit, m'attendait un petit dessin d'un oiseau prenant son envol. Je pouvais aussi y lire «Bonne chance, sœurette. Je t'aime.» Je souris, serrai le dessin contre ma poitrine, m'enroulai dans mes draps et m'endormis.

******************************

   Le lendemain, à l'école, je fus assaillie de questions. Des questions venant essentiellement de Marella. Je marchais, mon amie à la longue chevelure blonde sur les talons.

- La mère de Keefe est une criminelle ! Que t'a-t-il dit au restaurant ? A-t-il au moins évoqué le sujet ?

   Je hochai la tête de gauche à droite.

- C'est tout de même étrange qu'il ne l'ait pas fait.

- Certaines personnes préfèrent garder leurs problèmes pour elles-mêmes, répondis-je.

   Marella se tut un instant. Avant d'ouvrir à nouveau la bouche.

- Certes. Mais c'est tout de même étrange. Une question me taraude pourtant plus que les autres. Pourquoi Lady Gisela voudrait-elle capturer un cheval ? Aurait-ce un rapport avec son "autre monde" ?

   Prise de court, je me retournai.

- Tu es au courant de ça ?

   Mon amie haussa un sourcil.

- Qui n'est pas au courant de ça ? À l'époque, ça avait fait le tour des médias.

   Je ne sus pas quoi répondre. À la place, je posai une question :

- Pourquoi l'enlèvement d'un cheval aurait un rapport avec l'autre monde ?

   Marella effectua une moue boudeuse.

- Pour le savoir, il faudrait connaître l'autre monde dont elle parle. Après tout, elle ne semblait pas seulement le connaître. Elle semblait y habiter avant de venir ici.

   Ces paroles m'occupèrent toute la journée. C'était donc les sourcils froncés de concentration et les mains aux cils que j'arrivais à ma première séance au club de jardinage. En me voyant, Calla posa l'arrosoir qu'elle tenait à la main et me demanda de m'asseoir dans l'herbe, à ses côtés. De sa voix si mélodieuse, elle me demanda :

- Que peut-il bien se passer dans la tête d'une fille si intelligente que toi, petit colibri ?

   Je m'allongeai complètement.

- Je ne le sais pas moi-même. J'aimerais aider mon ami mais son problème semble plus complexe que ce que je pensais. J'aimerais pouvoir le percer à jour, comme ça mon ami n'aurait pas à s'en préoccuper.

   Calla s'allongea à côté de moi, l'air grave. Je n'avais pas l'habitude de voir une telle expression sur son visage. Cela me surprit, m'effraya presque. La jardinière ferma les yeux et ne dit plus rien pendant plusieurs minutes. Elle semblait en plein dilemme. Soudain, elle se releva et m'indiqua de faire de même. Je m'exécutai. Puis, elle me prit les mains d'un geste lent et tendre. Enfin, elle s'exprima :

- Tu parles de Keefe Sencen, n'est-ce pas ? Et des paroles prononcées par sa mère il y a quelques années ?

- Comment...

- Écoute, petit colibri, je ne peux pas te donner beaucoup d'informations. Mais certains de tes nouveaux amis le peuvent.

   J'ouvris grand les yeux. Je n'en croyais pas mes oreilles. De quelles informations parlait Calla ? Qui de mes amis pourraient m'éclairer encore plus ? Comment avait-elle deviné le fond de mes pensées ?

   Calla soupira, devinant bien que j'étais en proie à de nombreuses interrogations.

- Les plantes parlent, tu sais ? Je l'ai appris le jour où je me suis assise au pied d'un panacier. C'est aussi le jour où j'ai découvert une partie de la vérité.

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