Chapitre 13

Sophie

   Pour la deuxième fois en à peine quelques semaines, je me tortillais de malaise face à un adulte. Mr Forkle, tel était son nom. Il me fixait sans mot dire. Un silence embarrassant régnait tout autour de nous. Il me semblait même que les oiseaux au-dehors s'étaient tus. Je me dérobai au regard bleu perçant du psychologue scolaire pour contempler la pièce. Un seul mot aurait suffi à la décrire : blanche. Les murs, la porte, les fenêtres, les rideaux... Tout était d'une blancheur presque immaculée. À l'instar du reste du bâtiment, pensai-je. Mais c'était tout de même...déconcertant. Malgré tout, la pièce restait chaleureuse. Cela était sûrement dû aux photos et aux dessins disposés un peu partout, apportant une touche de couleur (et de joie) à l'ensemble. Bien sûr, les dessins étaient loin d'être réussis. Ils avaient été faits par des jeunes enfants, cela crevait les yeux. Peut-être que, avant d'atterrir au lycée, Mr Forkle occupait un poste dans une école primaire. Les photos, quant à elles, mettaient toutes en scène des fleurs, des paysages comme la mer, des parcs d'attractions, des cascades, etc. Je me demandais quel en était le sens car, dans un lieu tel que celui-ci, il y en avait forcément un.

   Comme si il avait lu dans mes pensées, Mr Forkle répondit :

– Si tu retournais ces images, tu verrais que des choses sont inscrites au dos. Des mots. Parfois peu, parfois beaucoup.

– Qui les a écrits ?  chuchotai-je, même si j'avais déjà une idée sur la question.

   Mr Forkle sourit avant de me répondre.

– Par mes anciens patients. Ils y ont écrit leurs rêves, leurs objectifs, leurs sentiments en promettant de profiter pleinement de l'instant présent.

   Je restai pensive pendant quelques instants. Aurais-je moi aussi droit à ma photo ? À mes adieux au passé ? À l'envie de cueillir le jour, comme l'on  disait ? Je n'en avais aucune idée. Tout ce que je savais, c'était qu'une part de moi était irrésistiblement attirée par cette perspective.

   Mr Forkle, qui était resté silencieux, me désigna la chaise qui m'attendait devant son bureau.

– Assis-toi, s'il te plaît. Tu dois avant tout être à l'aise.

   Je le remerciai d'un hochement de tête avant de m'exécuter. Je pris une grande goulée d'air. L'entretien allait commencer pour le meilleur ou pour le pire. Mr Forkle, en son rôle de psychologue, prit la parole en premier :

– Je me permets de me présenter officiellement à toi, Sophie Foster. Je suis Errol Loki Forkle et j'occupe la fonction de psychologue scolaire - enfin, ça, tu le sais probablement déjà. Ce que tu ne sais pas, en revanche, c'est que mes couleurs favorites sont le lapis-lazuli et le doré. Tu ne sais pas non plus que je porte une affection toute particulière au colibri, le seul oiseau au monde capable de reculer. C'est fascinant. Il va aussi particulièrement vite. Mais ce que je préfère, c'est la légende des colibris lunaires.

   Déconcertée par son épanchement personnel, je ne pus que répéter un «la légende des colibris lunaires» incrédule. Mon interlocuteur hocha vivement la tête.

– Ces magnifiques oiseaux aux plumes d'argent abandonneraient leurs œufs, les laissant être emportés par le courant avant d'atteindre le rivage. Mais, si on fait bien attention aux détails de certains mythes, les parents ne sont jamais bien loin, prenant soin de protéger leurs progénitures tout en les laissant vivre par eux-mêmes.

   Amusée par son enthousiasme, je secouai la tête, un sourire aux lèvres. Mais je devais bien avouer que cette histoire me touchait. Mr Forkle étudiait ma réaction. Enfin, visiblement satisfait de lui-même, il s'enfonça dans sa chaise.

– À ton tour, me lança-t-il.

   Je me raclai la gorge.

– Je suis Sophie Foster. Je suis en première ici, à Foxfire. Euh... Je ne sais pas exactement quelle est ma couleur préférée mais...

– Pas encore. Mais ça ne saurait tarder, intervint le psychologue.

   Je repris.

– Récemment, j'ai rencontré une jument. Magnifique. Mais, sans savoir pourquoi, j'ai fondu en larmes. Enfin...je sais pourquoi. Ses yeux étaient à tout point semblables aux miens. J'avais l'impression de me faire face. Alors, j'ai repensé à ce que j'étais vraiment. Mais l'image de Lou Falson s'est imposée dans mon esprit et je...

   La gorge nouée par l'émotion, je ne savais pas quoi dire de plus. J'en avais déjà dit beaucoup. Étonnée, je me rendis compte que c'était la manière dont fonctionnait Mr Forkle. Il nous mettait à l'aise, gagnait notre confiance, afin que nous puissions nous épancher sans crainte.

– Tu n'es pas obligée de m'en dire plus. Pas pour l'instant, déclara doucement Mr Forkle. J'aimerais juste te poser une dernière question. Me le permets-tu ?

   D'abord hésitante, je hochai la tête.

– Que veux-tu Sophie ?

– Je veux que les cauchemars s'évanouissent et que les rêves renaissent.

   Un petit sourire étira les lèvres de Forkle.

– Je n'en attendais pas moins de la petite voisine intrépide que j'ai connue.

   Je ne fus plus qu'étonnement lorsque je réalisai.

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Keefe

   Elwin ne réussit pas à me faire retourner en cours. À la place, il proféra tout un tas de jurons avant de disparaître à nouveau dans une salle attenante. Il en ressortit bien vite, une peluche à la main. Cette dernière était particulièrement laide. Je haussai un sourcil interrogateur en direction du médecin :

– Tu comptes m'acheter avec une peluche ? Dire que je te respectais, soufflai-je d'un ton faussement peiné.

   La peluche atterrit droit dans ma figure.

– Fais attention à ce que tu dis. Et puis, ce n'est pas une peluche ordinaire. C'est Madame Schlinguette.

– Et son nom, c'est en quel honneur ?

   Le nez d'Elwin se retroussa. Il haussa les épaules.

– Ce n'est pas toi qui l'as trouvée.

  Je levai les yeux au ciel, non pas de mépris mais d'amusement.

– Je devrais visiblement en être heureux. J'espère que tu l'as lavée au moins.

   Elwin émit un claquement de langue désapprobateur.

– Évidemment enfin. Pour qui me prends-tu ?

   Je haussai à mon tour les épaules. Je ne laissai pas le temps à Elwin de me rabrouer et demandai :

– Et pourquoi m'as-tu si délicatement jeté cette peluche à la figure ?

– D'un, parce-que tu m'as insulté, répondit-il. Et de deux, parce-que j'ose espérer que Madame Schlinguette t'aidera à gérer tes problèmes, à défaut d'une bonne séance avec Mr Forkle.

   J'éclatai d'un rire tonitruant.

– Je n'ai pas besoin de voir un psychologue scolaire.

   Et, sans ajouter un mot, je saisis la peluche.

  Elwin, qui était le maître des lieux, s'empara d'une télécommande qui traînait sur une table et alluma la mini-télévision de l'infirmerie. C'est là que je vis une info pour le moins...intéressante.

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   Et voilà, ce chapitre est terminé. J'espère qu'il vous a plu et, comme d'habitude, que vous allez bien.

   Nouvelle spéciale: on a atteint les 1K sur cette fanfiction ! Je tiens donc à vous remercier chaleureusement. Merci !

   Bonne soirée à tous !

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