Chapitre I
Carl posa ses lèvres sur celles de son meilleur ami. Ce dernier se recula un peu, le souffle court. ll respirait si vite... Les lèvres d'Adrien étaient douces.
Carl pensait quand même que ce qu'il était- ce qu'ils étaient en train de faire était bizarre. C'était ni qu'Adrien l'embrasse ni qu'il embrasse Adrien qui était bizarre : l'élément qui dérangeait Carl était que ça faisait la troisième fois en deux jours.
Adrien et Carl étaient meilleurs amis depuis un paquet de temps. Leurs mères parlaient de leurs 10 ans, quand elles se réunissaient pour papoter, mais il savaient que déjà avant, vers leur 8 ans, il se connaissaient et s'appréciaient. Il ne l'avaient juste jamais dit, préférant rester dans leur bulle, une bulle d'amitié comme celle que les enfants peuvent avoir.
Ils avaient des passions assez différentes : Carl adorait les jeux vidéos, ceux où il fallait gagner des guerres, faute de ne pouvoir les gagner dans la vraie vie, le skate, le danger, et la bière ; Adrien, quant à lui, ne buvait pas d'alcool, adorait lire, affirmant que la lecture était un moyen de passer dans un autre monde, le temps que nos yeux étaient rivés aux pages d'un ouvrage, et pouvait fixer la mer, pensif, pendant d'interminables minutes.
Malgré leurs caractères et personnalités radicalement différents, d'un côté Adrien le blond et ses yeux d'un bleu pâle qui semblait déborder de ses iris, Adrien aux pensées secrètes et vagabondes, qui détestait se battre et adorait les douces histoires qui finissaient bien ; de l'autre Carl, grand brun aux yeux marrons foncé, qui adorait massacrer des zombies sur un écran ou manger un bon burger en riant, Carl à l'humour aussi pourri qu'une branche d'un arbre mort trempé de pluie... Malgré tout ça, les deux garçons s'adoraient.
Carl était le seul qui pouvait se voir confier une des pensées volatiles d'Adrien, et Adrien était le seul pour lequel Carl, le gros dur à la mâchoire carrée, aurait jeté sa collection de jeux sans concession.
Les gens avaient peur de les déranger, quand ils les voyaient ensemble : leurs yeux brillaient et ils semblaient coupés du monde, des autres. Ils étaient dans leur bulle enfantine que le temps, bien loin de briser, avait au contraire renforcée.
Ils avaient des amis, bien sûr, mais aucun ne pouvait prétendre au même taux de confiance que ces deux là avaient l'un pour l'autre.
Le petit hic dans leur relation presque fraternelle, c'était que la veille, il s'étaient embrassés, assis par terre, dans la chambre du brun.
Adrien travaillait et Carl jouait, les yeux fixés sur son écran lumineux. Un moment, un soupir l'avait fait se retourner : Adrien soufflait, perdu dans ses devoirs. Quand il avait senti le regard du brun sur lui, le blond avait relevé la tête, et il y avait eu un instant de flottement durant lequel les yeux foncés de Carl n'avaient pas quittés les yeux clairs de son ami. Adrien avait des yeux d'un bleu très clair. Le genre de bleu qui ressemble à un ciel d'été. Puis Carl s'était penché, et il avait très délicatement embrassé Adrien. C'était venu d'un coup, comme une averse les jours de soleil : rapide et bref.
Adrien n'avait rien dit, et du coup, Carl n'avait rien dit non plus. Mais le lendemain, ils avaient récidivé dans les toilettes, et là maintenant, derrière la maison du blond.
En résumé, Carl avait très envie d'en parler à Adrien : mais son ami était silencieux, comme à son habitude, et se contentait de l'embrasser doucement. Pas que ça déplaise à Carl : les baisers d'Adrien étaient légers comme le battement des ailes d'un papillon, et pendant l'instant que leur goût restait sur ses lèvres, il se sentait, très, très bien.
Il se demandait comment ses parents et ses amis réagiraient, s'ils savaient qu'il avait embrassé Adrien. S'ils savent qu'il avait embrassé le doux Adrien... Il était si fragile que Carl ne pouvait pas (et ne voulait pas) s'empêcher de veiller sur lui.
- Ça ne va pas ? demanda gentiment la voix calme du concerné.
Carl sursauta un peu. Le blond l'avait pris par surprise.
- Ça va, Adri', je me demande... hésita-t-il.
- Mmh ? fit l'autre.
- C'est normal de t'embrasser ?
- Pourquoi ce serait anormal ? répondit doucement le blond.
Il crut comprendre, soudain, et demanda d'un souffle :
- Parce qu'on est des garçons tous les deux ?
Carl n'était pas stupide ; il savait bien qu'il y avait des gens qui trouvaient ça étrange, mais lui ça ne l'avait jamais dérangé.
- Non, je m'en fous ça, dit-il franchement sans remarquer le soupir soulagé d'Adrien. Parce que t'es mon meilleur ami...
- Oh, tu préférerais embrasser Dylan ? fit Adrien d'un sourire taquin, sans se départir de son calme.
Dylan était un de leurs amis. D'un naturel confiant, un peu trop parfois, il était courageux et d'une loyauté sans pareille avec ceux qu'il aimait. En contrepartie, il ne valait mieux pas se retrouver sur sa liste d'ennemis, au risque de repartir avec un nez cassé... Dylan était un grand garçon aux yeux et aux cheveux d'un châtain clair, qui passait la plupart de son temps avec Adrien, Carl, Maël, Kylian et Ézéchiel, les membres du groupe.
- Deg', non ! protesta Carl.
- Tu vois, rit Adrien.
- Non, je vois pas, grommela le brun. En quoi m'imaginer embrasser Dylan va répondre à ma question ?
- Si j'ai bien compris, soupira Adrien, l'air rêveur, ça t'embête qu'on s'embrasse alors qu'on est meilleurs amis ?
- Mmh, acquiesça Carl.
- Alors ne soyons plus amis.
- Non ! s'écria le brun en attrapant l'autre par les épaules. Non, hors de question, idiot !
- Calme toi, chuchota doucement Adrien. À la place, tu pourrais être mon petit-ami.
Il avait prononcé la dernière phrase si bas que Carl avait failli ne pas l'entendre.
- Adrien, tu veux sortir avec moi ? réagit-il directement.
- Bien sûr.
*
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