QUATRE
« Are you insane like me,
Been in pain like me ? »
Le voiturier nous dépose l'étincelante Mazerati de Mylan, quelques minutes après le départ de ma mère et son père. La future star du tennis nous conduit en direction de MB - Miami Beach, pour les incultes - et se gare devant le night-club Story.
Une discothèque culte qui fait fureur chaque nuit du jeudi au dimanche soir inclus. Devant l'imposante arche où se situe pas moins de deux portes d'entrées à double battants se tient une file d'une centaine de mètres. J'ai déjà eu le plaisir d'y passer des nuits complètement folles et délurées mais pas sans avoir patienté au moins une heure à l'extérieur.
Mylan quitte son luxueux véhicule après avoir jeté la veste de son costard sur la banquette arrière. Je l'observe déboutonner sa chemise de quelques boutons avant de le suivre jusqu'aux vigiles qui garde les entrées de la boîte. Le rejeton de mon fantasme s'adresse à l'un d'eux qui le salue chaleureusement avant de nous faire passer derrière un cordon rouge.
Nous pénétrons dans le bâtiment qui a l'extravagance de posséder cinq bars. Celui vers lequel nous nous dirigeons m'est inconnu, ou alors je n'en ai plus le souvenir. Des néons rouges rendent l'ambiance tamisée, et un brin érotique selon moi, des lustres dorés et des projecteurs sont pendues de part et d'autres au dessus de nos tête.
Mylan m'entraîne sur une mezzanine où trônent d'imposants canapés matelassés d'un blanc immaculé. Une multitude de tables basses devant nous, où sont déjà déposés des verres et des seaux à glace. Aux murs, d'immenses tableaux lumineux à forme géométriques.
En contrebas, un immense bar rectangulaire, encerclé par de hauts tabourets, au centre de la piste, et des boxes avec des banquettes à chaque extrémité de la salle à la taille démesurée.
- Tu préfère peut-être t'installer au bar avec le commun des mortels ? me demande Mylan par dessus la musique électronique qui fait vibrer les murs.
Je me retourne vers lui, déjà installé nonchalamment sur l'un des sofas du coin VIP. Son arrogance ne m'étonne pas, j'ai rencontré beaucoup de gosses de riches qui le sont. Ils se pensent tous au dessus du petit peuple, ce qui en dépit de mon aisance financière, n'est pas mon cas.
J'ai fait partie de ceux qui avait peu et je saurais m'en contenter, bien que j'apprécie l'opulence que m'offre ma vie actuelle. Je toise du regard mon compagnon de ce soir et retourne à mon observation de la salle qui s'emplit, bientôt noir de monde. La jeunesse dorée de Miami est là, se vautre dans le luxe et la boisson. Je doute de trouver chaussures à mon pieds ce soir.
- Je crois que je vais me mêler à la populace, j'annonce en me dirigeant vers les escaliers.
- Alors je t'accompagne, tu es sous ma surveillance sœurette, s'exclame Mylan en m'aggripant l'épaule.
Je réfrène l'envie de me coller deux doigts au fond de la gorge pour lui signifier mon mécontentement, que dis-je, mon dégoût, quant à ce surnom déplacé. Je rêve, on ne se connaît que depuis quelques heures et il use déjà de familiarité avec moi. Sans compter mes pensées déplacé qui divaguent instantanément vers son père.
Nous traversons la foule et je m'installe sur un des tabourets au bar, lui, s'accoude au comptoir et interpelle une barmaid pour lui commander une bouteille de champagne. Je remarque qu'il ne sort ni carte bancaire ni espèce et encore moins de carte d'identité. Sur ce dernier point, je déduis qu'il est effectivement plus âgé que moi.
Une fois servie, il sert nos flûtes et m'en tend une. Je l'accepte volontiers et trinque avec lui. Il lance la conversation, m'explique son parcours scolaire, j'apprends qu'il fait des études qui le mèneront vers un métier de la finance. Ça ne semble pas l'emballer contrairement à son sport. Il joue au tennis depuis son plus jeune âge, reprenant, apparemment, la passion de James.
Je ne peux m'empêcher d'imaginer ce dernier en tenue chic de tennisman. Divers scénarios érotiques se jouent déjà dans mon esprit nymphomane. Une bouffée de chaleur m'envahit et me consume instantanément.
Merde, je dois vraiment m'envoyer en l'air ce soir pour calmer mes ardeurs. Il me faut une baise sauvage et sans conséquences.
- ... Tu ne m'écoutes pas.
La voix pleine de reproches de Mylan me rappelle à l'ordre. Je braque mon regard sur sa moue boudeuse, un brin taquine. Il ne paraît pas vexé, il constate seulement en feignant l'indignation.
- Et que disais-tu, Mister Tennisman ?
Un rire de gorge lui échappe, plutôt plaisant je dois dire. J'en conviens à contre cœur, il a beaucoup de charme, mais vous savez, cette histoire sur l'âge, tout ça...
- Que j'espère que tu as de quoi te faire pardonner.
Incrédule, je le dévisage.
- Me faire pardonner ? C'est une blague, qu'est-ce que je t'ai fait ?
- T'as défoncé mon dernier joint à coup de louboutin.
J'éclate de rire devant son sérieux avant de m'enfiler le reste de ma flûte d'une traite.
- On ne joue pas dans la même cour, toi et moi, chéri, lui dis-je.
- Tu peux être plus explicite, chérie ?
Mylan s'approche un peu plus de moi lorsque je fais glisser la lanière de mon sac à main le long de mon bras. Je l'ouvre et lui présente l'intérieur, le pochon bien en évidence.
- Tina, je lui souffle à l'oreille quand il se penche pour mieux voir les cachets d'ecsta.
Un rictus approbateur se dessine longuement sur ses lèvres, que je détaille pour la première fois avec attention. Elles sont roses et pulpeuses, tentantes. Oui, même si à mes yeux, ce n'est qu'un gamin, il a tout pour jouer dans la cours des grands. De là à dire que nous jouerons ensemble, c'est une autre histoire.
- Partant ?
- Putain, est-ce que j'ai l'air de ne pas l'être ? demande-t-il des étoiles plein les yeux.
Mylan fourre discrètement ses mains dans mon sac et ouvre le plastique pour en sortir deux gélules d'ecstasy qu'il engouffre dans sa bouche. Je le fusille du regard et avant que je ne puisse l'insulter de son geste, ou encore lui faire une leçon sur le surdosage, l'une de ses mains se plaque contre ma nuque.
En moins de temps qu'il ne m'en aurait fallu pour le traiter de connard, sa bouche se colle violemment à la mienne, sa langue passant la barrière de mes lèvres pour faire passer l'une des pilules qu'il détient. Il se détache aussitôt de moi, avalant la sienne. J'en fais autant, encore surprise par sa façon de procéder. Pas déplaisante, certes. Je me demande s'il tient ce côté joueur et spontané de son Sexy Daddy.
***
Plus les comprimés font leurs effets, plus nos bouches s'assèchent, plus nous buvons. Notre deuxième bouteille de champagne touche à sa fin, et Mylan n'attend pas de la terminer pour en commander une troisième. Je suis obligé d'admettre que je passe un très bon moment en sa compagnie.
Sa prétention, son arrogance et ses sarcasmes bien placés lui confèrent un charme évident. Il est très tactile mais ça ne me dérange pas, la drogue me désinhine. Je me sens bien, relaxée, à mille lieux de mon état il y a quelques heures.
J'ai l'impression de communier, ouais carrément de communier, avec Mylan.
Nous nous perdons en fous rires, en commentaires déplacés sur les gens à nos côtés, s'esclaffant toujours plus fort, partageant des anecdotes croustillantes. Vous l'auriez cru, vous, qu'une telle alchimie naisse entre nous deux ? Parce que moi non ! Dieu bénisse les substances illicites !
- Alors ma jolie Ivy, pas de proie à ton goût ce soir ? demande Mylan en matant des filles se déhancher à quelques mètres de nous.
- Non, je crois que ce soir je ne suis pas en vaine ! Dis-je en balayant du regard la salle.
- Quoi, et moi, je ne suis pas à ton goût ?
J'explose de rire, prise de crampes. J'essaie de retrouver mon sérieux, et lorsque je l'ai retrouvé, je le désigne de mon index de bas en haut.
- Attends, tu t'es regardé ? Je pense que tu es au goût de n'importe quelle nanas ici !
Son sourire qu'il n'a pas perdu depuis le début de la soirée s'élargit, à présent il s'étire jusque derrière ses oreilles. Ma réponse a l'air de le satisfaire, puis, sa mine se décompose presque imperceptiblement.
- Mais je ne suis pas ton type, hein ? demande-t-il.
- Ce n'est pas ça, arrête, tu es LE type de tout le monde, hommes et femmes confondues.
- Qu'est-ce ce qui me manque, alors ?
Mylan se rapproche encore un peu plus de moi, quasiment debout entre mes jambes. Il pose ses mains sur mes genoux et semble me défier du regard, son visage à seulement quelques centimètres du mien.
- Alors ? souffle-t-il, affichant un air faussement sévère.
- Il te manque vingt à vingt-cinq ans de plus que moi, voilà. Content ?
- Uhm... donc, ton genre c'est mon vieux ? Je me trompe ?
- Précisément.
- Précisément mon vieux ?
Ses mains s'aventurent plus haut, vers mes cuisses. Son souffle tiède et alcoolisé se confond avec le mien. La situation dérape, alors qu'il mentionne son père. Son père, merde ! Et il ne se démonte pas pour autant.
- Ca se pourrait, j'admets, sans laisser transparaître ma gène.
- Et donc, pendant notre dîner c'est à ça que tu pensais ? À te taper le mec qui tringle ta mère ? m'interroge-t-il, un sourire arrogant aux coins des lèvres.
Je reste sans voix, pourquoi nier alors qu'il m'a percé à jour. J'hoche la tête, nerveuse, à cause de la tension qui s'empare de mon corps tout entier. Je me sens me tendre alors qu'il continue, soufflant cette fois à mon oreille :
- Ca te fait mouiller de penser à lui ? Est-ce que là, maintenant, tu t'imagines dans son pieux ? Je pourrais aisément le remplacer, si jamais...
- Mylan...
- Quoi ? Te taper la chair de sa chair ne serait pas un lot de consolation acceptable, voire agréable ?
Les doigts aventureux de Mylan s'arrêtent à la lisière de ma robe. Je me sens incapable d'émettre, à ce moment précis, ne serait-ce qu'un début de protestation. Sa perversion semble étonnamment réveiller la mienne.
- Tu veux être mon lot de consolation ? je bégaye, en proie à un désir naissant.
- Qu'est-ce qui te fais dire que tu ne seras pas aussi le mien ?
- Il ne manquerait plus que tu m'avoue souffrir du complexe d'Œdipe et que tu veuille baiser ma mère, je pouffe.
Les mains de Mylan s'enfoncent dans ma chair, reprennent leur ascension jusque sous le tissus de mon vêtement.
- Ça te choquerait ? D'avoir sous tes yeux le même reflet que tu as quand tu te regardes dans le miroir ? De trouver quelqu'un qui subit les mêmes désirs que toi ? continue-t-il d'une voix suave, limite envoûtante, que je pourrais presque confondre avec celle de James si je fermais les paupières. Ça t'emmerde, hein, qu'elle ait mis le grappin sur lui avant toi ?
Je déglutis difficilement. Ce mec a le don de lire dans les pensées ou quoi, putain ? Est-ce que je suis aussi transparente que ça, pour lui ? Je ferme les yeux, mise à nue. Pour la seconde fois de cette soirée, mais cette fois, c'est plus... psychologique.
- J'ai mis le doigt là où ça fait mal ? surenchérit-il, diminuant entre nous l'espace.
- A défaut de l'avoir mis où ça fait du bien, j'admets avec une note d'humour.
- Ça, ça peut s'arranger.
Mylan joint les gestes à la parole, écarte la dentelle de mon sous-vêtements et s'insinue en moi sans difficulté. Les yeux à présent grand ouvert, je scrute les alentours. Personne ne nous regarde, ne fait attention à nous. Nous sommes perdus dans la masse, dans un état d'ébriété similaire à celui de tous les autres. De son autre main, Mylan me force à me tourner vers lui. Ses yeux étincellent de lubricité. Son sourire est carnassier, ce mec est un prédateur. Il n'a aucune limite.
- Ca ne me dérange pas de te baiser pendant que tu penses à lui, tu sais.
Ni scrupule, ni morale, apparemment.
- On peut faire ça ici, je connais un petit recoins sympa, ou rentrer chez moi, et s'envoyer en l'air dans ma piaule... juste en face de celle de mon père, me susurre-t-il en entamant de lent va et vient au sein de mon intimité. Tu va finir par tremper le cuir sur lequel tu es assises, si on attend trop longtemps...
C'est trop. Beaucoup trop, bordel. C'est immoral, ce désir que j'éprouve pour lui qui se sert de mon attirance pour son géniteur afin de m'exciter. Peut-être même plus que désirer ardemment le petit ami de ma mère.
Ça devient insoutenable, je suis à deux doigts, au propre comme au figuré d'ailleurs, de lui céder.
Non, non. Je ne peux pas faire ça, je dois trouver une échappatoire. N'importe laquelle qui m'éloignera de ce rapace avide de moi. Du coin de l'œil, je repère un groupe d'hommes installés dans un boxe. Parfait. La moyenne d'âge est acceptable. Je fuirais Mylan et assouvirait à coup sûr la frustration qui me gagnera après l'avoir écarté de moi.
- Tu sais quoi, chéri ? Fais donc ça chez toi, moi je reste ici, je lui murmure en attrapant ses mains, délogeant celle qui s'activait entre mes cuisses.
Je me lève, le défiant à mon tour du regard, avant de me détourner de lui et me diriger vers l'un des hommes que j'ai repéré. Derrière moi, je perçois Mylan lâcher un « c'est ce qu'on verra ». Son ton n'est pas mauvais, ni méchant. Je l'entends rire à gorge déployée et je ne peux m'empêcher d'en faire autant.
Lorsque j'arrive à la table de ces messieurs, je me retourne une dernière fois vers la freaking progéniture de James. Le tennisman me fixe en souriant, sa langue coincée entre ses dents. Il ne perd pas une miette de la scène : moi qui passe mon bras autour des épaules de l'un des mâles du groupe, moi lui susurrant quelques mots déplacés dont il ne peut que deviner la teneur, moi entraînant mon coup du soir dans les toilettes de la boîte.
Aurais-je pu fêter mon anniversaire de façon plus folle, plus étrange, je vous le demande ?! C'est de loin, le meilleur et le pire de ces vingt dernières années.
« Bought a hundred dollar bottle
of champagne like me ?
Just to pour that motherfucker
down the drain like me ? »
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