HUIT
« Let's cause a little trouble
Oh, you make me feel so weak »
Armée de mon jeans de chasteté - on est pas à l'abris d'un courant d'air ou d'une minute d'inattention pour que Mylan me cale un doigt, je rejoins ma mère qui accueille justement Dirty Baby. Lui se tient droit et fière, déguisé encore une fois en pingouin, devant elle qui en fait des tonnes avec sa familiarité habituelle. Mon chaton par ci, mon chaton par là. Et l'autre a l'air d'apprécier ça. Ça me filerait presque la gerbe ! Si elle savait que ce petit perver m'a fouillé de l'intérieur, pas dit qu'elle en ferait autant... Quoique, l'idée que j'ai des vues sur un petit jeune devrait la séduire, potentiel beau-fils ou pas ! Avec Victoria plus rien ne m'étonnera.
- Mon lapin, commence Mamazilla en se tournant vers moi, pourquoi ne portes-tu pas l'une de tes jolies robes fourreau ?
J'observe ma mère qui pince les lèvres, je me garde bien de lui dire que je ne compte pas m'en tenir au programme qu'elle nous a prévu pour ce soir. En effet, dans l'après-midi, elle m'a appris qu'elle avait réservé une table pour Mylan et moi, dans un autre de ces restaurants huppés de la côte. J'hausse simplement les épaules et fait abstraction de son regard courroucé.
- Regarde comme Mylan est apprêté, lui.
Ce dernier étire sa bouche en un rictus moqueur, une lueur amusé dans le regard.
- J'ai mis des escarpins, maman, souligné-je à l'attention de ma génitrice superficielle.
Sa langue claque contre son palais tandis qu'elle secoue la tête dépitée avant de redonner son attention à chaton. Quelques consignes sur l'heure à laquelle il doit ramener sa progéniture mal fagotée et elle tourne les talons après m'avoir tendue une enveloppe. Un coup d'œil à l'intérieur et je crie de joie intérieurement. Ce soir, c'est mon soir. Débauche assurée avec ce petit pactole, mon argent de poche de la semaine à été doublé. L'américain moyen trime la moitié du mois pour ce que je m'apprête à dépenser en une soirée. Ma chère maman n'a plus aucune notion de la valeur de l'argent.
- On y va ? demande mon fardeau pour la soirée, en me tendant son bras.
J'arque un sourcille avant de lui répondre :
- Tu crois pas que tu en fais trop, là, le gentlemen perver ?
Mylan sourit à pleines dents. Une véritable pub ambulante pour Colgate, ce mec. D'un coup de menton, il désigne quelque chose derrière moi. Je me retourne et aperçois ma mégère de mère sous l'arche qui mène au salon.
- C'est pour plaire à ta mère, chuchote-t-il, en élargissant son sourire de roi des lèche cul à l'attention de mère.
Mamazilla semble s'être transformé en un ourson en guimauve tant elle a l'air attendrie par l'image que nous lui renvoyons. Même mon manque de classe et de superficialité apparente n'ont plus l'air de l'indisposé. Ça y est, elle visualise déjà le portrait de famille prit à noël prochain accroché au dessus de la cheminée factice. Mon Sexy Daddy à son bras, Mylan et moi, de la blanche au nez, les entourant joyeusement. Quoi, ça ne se sniffe pas la neige ? Ah, et il ne neige pas non plus à Miami ? Au temps pour moi.
Je lève la main dans sa direction pour la saluer en arborant une mine enjouée exagérée. Si Mylan est le roi des lèches culs, i'm the queen, Bitch ! J'enroule ensuite mon bras autour de celui de de Dirty Baby et nous quittons la villa en direction d'une berline garée dans l'allée. En tout gentleman qu'il est, le chérubin diabolique m'ouvre la porte qui donne sur la banquette arrière. Le temps que je m'installe, il me rejoint de l'autre côté.
- Je te présente Hubert, m'indique Mylan en se ceinturant.
A l'avant, un vieux bonhomme moustachu me gratifie d'un signe de tête en rajustant sa casquette typique des chauffeurs particuliers. J'y réponds, remerciant le ciel de s'être déjà tant assombri. Ainsi, personne ne remarque que le rouge m'est monté aux joues en repensant à ma bourde matinale.
- L'adresse, Monsieur Taylor ? demande le Uber personnel de James et son fils.
Ce dernier se tourne vers moi.
- Emmenez nous sur Coconut Grove, s'il vous plaît, dis-je à Hubert.
- Coconut Grove ? Ce n'est pas ce que ta mère m'a...
- Mylan, Mylan... soufflé-je, nous n'allons pas au restaurant toi et moi.
Je me délecte quelques secondes de son air dubitatif alors que le chauffeur démarre.
- Ce soir tu n'es pas mon invité. Au mieux tu es mon alibi, au pire mon boulet.
- Donc tu te sers de moi, en fait ? demande-t-il en se grattant le menton.
- En fait, oui, c'est exactement ça. j'admets sans gêne. Ça te dérange ?
Ses dents blanches se plantent dans sa lèvre inférieure et il plisse ses jolies yeux vert avant de répondre d'un ton suave, limite malaisant si je ne commençais pas à le cerner :
- Ce dépend. Est-ce que, moi aussi, je pourrais me servir de toi ?
Je pouffe et jette un œil en direction de Hubert qui garde les yeux sur la route.
- Un peu de musique, Hubert, s'il vous plaît. reprend Mylan, comprenant mon petit malaise.
- Bien, Monsieur Taylor.
L'employé s'exécute, une musique pop s'échappe de la sono et envahit l'habitacle.
- Plus fort, merci, Hubert.
Le son monté, Dirty Baby se penche vers moi et son index vient glisser le long de ma cuisse.
- Alors, pourrais-je user de toi comme bon me semblera en contrepartie d'être ton... boulet ? demande-t-il, taquin.
- Tu ne crois pas avoir déjà assez usé de moi ?
Je repousse sa main de la mienne mais il en profite pour la saisir fermement.
- Non, je ne t'ai pas suffisamment usé, hier soir. C'était purement... amicale ce qui s'est passé.
- Tu fourre tes doigts dans toutes tes amies ? je lâche, tentant en vain de me défaire de sa poigne.
- Honnêtement ? Oui et sans vouloir me vanter, elles en redemandent toujours.
Je ne peux m'empêcher de rire face à son sérieux. Mylan a sûrement tout pour lui, sauf la modestie. Et un esprit sain à l'évidence.
- J'ai un peu de mal à te comprendre, dis-je en retrouvant contenance. Tu as compris que... bref, tu as compris et pourtant ça ne te freine pas.
Il doit être bien siphonné du bulbe pour envisager de baiser une nana qui fantasme sur son père. Dirty Baby est un grand malade ! Et, au fond, mes petites « moi intérieur » et moi-même, on aime ça. Je me sens un peu moins tarée à côté de lui.
- Je ne vois pas où est le mal. Tu veux baiser mon père, j'ai envie de te baiser. On est des putains d'animaux, c'est tout.
Dirty Baby relâche ma main et sors de l'intérieur de sa veste de costard un paquet de cigarettes, il en sort une et me tend le paquet. Je refuse. Il allume sa tige et tire une longue bouffée.
- J'avais pas l'impression que t'étais le genre de fille à te prendre la tête pour rien, Ivy.
- Pour rien ? Mylan... je souffle et jette un nouvel œil à Hubert qui hoche la tête en rythme avec la musique. Quand j'ai vu James...ton père, je sais pas. Y a eu un truc, j'en sais rien. Merde, je vais être honnête avec toi, d'accord ? Alors promets moi de ne pas me le faire regretter ?
Dirty Baby tourne son visage sans imperfections vers moi en fronçant ses sourcils noirs. Une lueur dans son regard m'indique que j'ai toute son attention. Ça me rend mal à l'aise et nerveuse de me confier à lui, pourtant, quelque chose m'incite a le faire. Je lui arrache le paquet de cigarettes de ses mains pour jouer avec, pour occuper les miennes.
- Je suis sortie de cure pour la deuxième fois il y a trois mois...désintox. Avant ça, putain... je me prenais pas la tête, loin de là. Pendant un an, y a pas un matin où je me suis réveillé chez moi. J'ai un suivi psy, aussi. Je suis cassée, Mylan. J'ai passé une grosse partie de ses dernières années à me foutre en l'air, à m'envoyer en l'air avec tellement d'hommes que je ne me souviens même plus de leur visages.
Je m'arrête un instant, reprends mon souffle, digère doucement ses quelques infos que je divulgue à un inconnu. Hormis avec Madame Brown, ma psy, je n'avais jamais franchit ce cap. Bien sûr, ma mère est au fait de certaines de mes anciennes habitudes. Ma meilleure amie sait tout, Shawn s'en doute sûrement. Mais à part eux, personne n'a une réelle idée de qui j'étais, de ce que je faisais.
- Continue, m'invite Mylan.
- J'ai tenue trois putain de mois, Mylan, jusqu'à hier soir. J'ai envie de me défoncer jusqu'à oublier qui je suis, de boire jusqu'à m'effondrer, de ne pas me souvenir de la gueule des mecs qui me sautent... reprends-je à mi-voix, incapable de faire abstraction du chauffeur devant nous. J'ai pas envie de me prendre la tête, merde. Mais ce truc là, avec ton père... et toi...ma mère. Ouais, merde ça me fais chier.
- Je crois que je peux comprendre.
Je ris, malgré moi, à m'en étouffer.
- Pourquoi, parce que t'as envie de baiser ma mère toi aussi, Œdipe ?
- Putain, non ! s'esclaffe Dirty Baby. Encore que si elle se retirait le balai qu'elle a dans le fion, peut-être. Et encore...
Mentalement, je me téléporte dans le bar, cette nuit. Il m'a bien laissé entendre qu'il voulait se la taper, non ?
- Ouais, écoute Ivy. Je sais ce que j'ai dit, mais...
Dirty Baby lâche un rire discret, à peine audible.
- Je suis complètement barré, moi aussi. Je t'ai dit ça parce que je suis tordue, je m'en fous de ta mère comme de ma première branlette. Je t'ai grillé c'est vrai, et je m'en balance que t'ai eu un coup de pelle sur la tête pour mon père.
- On dit un « coup de foudre », Mylan, je pouffe.
- Non, on s'en balance de ton histoire d'orage là, moi je te parle d'un truc qui va t'enterrer.
Je déglutis, les yeux ronds. Je ne comprends pas où il veut en venir.
- Écoute, Mylan, parviens-je à articuler malgré tout, je n'ai jamais dit que j'avais eu un coup de...
- Ouais, un « truc », j'avais saisis, dit-il en mimant les guillemets. Seulement, tu vois tu te prends la tête pour rien.
Merde, je ne comprends absolument rien à ce qu'il me baragouine. Il est encore plus maboule que ce que je pensais et qu'il veut bien l'admettre.
- C'est le copain de ma mère. Ils sont ensemble depuis des mois, dis-je sans être sûr de savoir dans quelle direction nous allons à présent.
- Ça va pas durer, répond Dirty Baby en écrasant son mégot dans le cendrier prévu à cette effet.
- Qu'est-ce que tu en sais ?
- Tu connais pas mon père, leur pseudo-relation arrive à sa date de péremption, crois-moi.
Je ne sais pas si cette phrase doit me réjouir ou non. L'idée que James puisse disparaître de ma vie aussi soudainement qu'il y est apparue, et ça en peu de temps, ne me plaît pas du tout. Ouais, je sais ce que vous vous dites, qu'il me manque une case. J'ai peut-être vraiment eu le coup de foudre pour Sexy Daddy. Parce que dans l'immédiat, je préfère être éternellement confrontée à ma mère et James heureux jusqu'à la fin des temps plutôt que ne plus jamais le revoir. Je suis maso. Qu'est-ce qu'il m'arrive, putain de bordel à queue ?
- Tu sais quoi, je sais même plus pourquoi on parle de ça, je soupire en me massant les tempes.
- Justement, j'y viens.
Mylan décroche sa ceinture et se rapproche de moi. Une main glissant à nouveau sur ma cuisse. Son visage au plus près du mien, je sens son souffle chaud s'abattre sur moi, faisant virevolter une de mes mèches brunes, qu'il replace du bout des doigts derrière mon oreille.
- Dans tous les cas, reprend-t-il au creux de cette dernière, tu creuse ta tombe. Soit tu vis l'enfer parce que l'homme que tu désire appartient à ta mère, soit tu tente le tout pour le tout mais tu perds tout, elle comme lui, crois moi. Mon père ne s'éternisera pas. Alors, dis-moi, si demain il te proposait de te baiser, qu'est-ce que tu ferais, es-que tu dirais oui, Ivy ?
Oh mon dieu. What the hell ? Ma respiration se saccade, mon cœur bat à la chamade. Qu'est-ce que je ferais ? Serais-je capable de résister à mon Sexy Daddy ? Le silence s'étire dangereusement dans l'habitacle. Je ne sais pas quoi dire, ni ce que je dois dire. Y a-t-il seulement une bonne réponse ?
- J'en déduis que la réponse est oui, tranche Mylan à ma place.
- Je... je ne...
Mon pouls s'emballe, je suis au bord de la rupture d'anévrisme.
- Laisse-moi, te poser une autre question.
Dirty Baby s'empare de mon menton, bien calé et serré entre ses doigts et tourne mon visage vers lui. Le vert de ses yeux assombrit, se plonge dans les miens. Je tente de fuir ce contact visuel mais je n'y parviens pas. Mylan me scrute et d'une voix basse et rauque à m'en faire vibrer la culotte, il demande :
- Alors, pourquoi tu me dirais non, à moi ? Parce qu'avec moi, aucune contrainte, aucun compromis, Ivy.
Heure du décès : 20:32. Cause du décès : encore inconnu, exige une autopsie en profondeur.
- Nous sommes arrivés sur Coconut Grove, Monsieur Taylor. Avez vous une adresse exacte à m'indiquer ?
Oui, Hubert, oui... celle de ma tombe, six ou sept pieds sous terre.
« Go on and light a cigarette,
Set a fire in my head, tonight. »
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