DIX-SEPT


⚠️ Ce chapitre a été ré-édité très légèrement.

« That's the beauty of a secret... »

J'aimerais pouvoir vous dire que ça va, que tout ce qui c'est passé ces derniers jours, cette dernière semaine, ne m'atteint pas. Que je n'ai pas tout foutu en l'air à la seconde où j'ai réalisé qu'encore une fois je ne serais pas la priorité de ma mère. J'ai voulu y croire, moi aussi, que j'avais le droit a plus que ça, mais je n'y arrive pas. En vérité, je peine à nager en surface. Je sens l'océan dévastateur d'émotions entremêlés et contradictoires m'ensevelir, noyé mes poumons, m'engloutir dans ses bas-fonds. Aussi loin que je me souviennes j'ai toujours eu la sensation d'être un orage, une putain de tempête sur le point de tout dévasté. Je suis un peu comme une bombe à retardement, j'encaisse jusqu'à exploser aux visages de ceux que j'aime, les entraînant dans mon sillage. C'est pas comme si c'était la première fois, hein ? Après tout, c'est moi la seule responsable.  J'ai choisis toute seule d'ouvrir la bouche et laisser l'eau s'infiltrer dans mes bronches, parce que c'est moins douloureux que de lutter, de retenir ma respiration jusqu'à la perte de connaissance,  de pousser mon instinct de survie dans ses retranchements. J'aurais pu garder mes lèvres sceller aussi longtemps que je n'avais pas l'impression que ma tête soit sur le point d'exploser, mais c'est quand on laisse l'eau entrer qu'on ne souffre plus... parce que tout s'arrête, Doc' !

Est-ce ce que je peux  encore faire demi tour ? Est-ce que j'en ai seulement envie ? J'ai toujours vécu avec des ombres planant autour de moi, celle de mon paternel absent, par exemple. Celle que ma mère devient lorsqu'elle ne vit pas dans le regard de quelqu'un. Quelqu'un d'autre que moi. Tout allait bien, quand j'étais encore cloîtrée dan ma bulle, certes fragile mais finalement rassurante. Elle me protégeait, me coupait du monde réel, me maintenait hors d'atteinte. Je pouvais entrevoir la lumière... Mais elle a volé en éclat quand j'ai rencontré deux paires d'yeux trop perçants pour moi. Ce volcan d'émotions c'est peut-être un peu trop. Même pour moi. Alors oui, j'ai replongé dans cet océan chaotique qui m'a déjà submergé, parce que la drogue c'est l'enfer déguisé en paradis. Et j'ai besoin d'un petit bout de ce putain de paradis. J'ai cru l'apercevoir dans un regard plus bleu que l'atlantique, mais je n'ai pas le droit d'espérer ce à quoi je n'ai pas le droit, non ? Alors j'ai bu plus que je n'aurais jamais dû, j'ai consommé des pilules plus facile à avaler que celle avec laquelle le karma tente de m'étouffer, j'ai même baisé avec un putain d'inconnu sans visage... et tout ça, sous les yeux de ma génitrice qui ne voit rien, même quand je débarque déchirer à la villa en costume de lapin. Est-ce que je crie « au secours » ? A vous de me le dire, Doc.

Voilà, ça - ce fucking discours merveilleusement poétique et profond, c'est  ce que je devrais dire au docteur Brown, assise face à moi, vêtu d'une robe psychédélique qui me fait complètement bader. Je l'imagine à mon âge, à bord d'une roulotte de manouche sur le bord de plage, à lire la bonne aventure aux touristes. Cette image me permet de forcer un sourire pendant que j'édulcolore mon récit, relatant la semaine qui s'est écoulée depuis notre dernier entretien, me contentant de faire brièvement part de mes retrouvailles avec mes amis, ou encore de l'absence de ma mère, cette dernière étant trop occupée ces trois derniers jours à parader dans des galas de charités et des dîner mondains, ou d'affaires, avec l'homme que je... avec James.

Plutôt que de lui raconter mes véritables déboires. Enfin, entre nous, je lui sers des mythos en veux-tu, en voilà, sur mon état d'esprit actuel et ma soi-disant sobriété.

A mon plus grand désespoir, l'afro-américaine me renvoie une moue légèrement septique entre deux hochements de têtes... nulle doute que j'en fais des tonnes sans mon air blasé habituel, ce qui ne semble pas lui échapper.

- En bref, je conclus en m'acharnant à conserver un rictus enjoué qui ne me ressemble absolument pas. Rien à signaler de particuliers.

Ma psy pince les lèvres et plisse ses yeux en hochant la tête pour la douzième fois au moins. Jusqu'ici, je ne lui ai pas laissé le temps de parler. J'ai débarqué dans son bureau tel un cataclysme, pressé d'en découdre et de filer, et un flot de mots a quitté ma bouche avant même que mes fesses ne rencontre l'un des fauteuils en rotins.

- Donc, ta mère est peu présente dernièrement. Hors maintenant, tu en connais les véritables raisons. Comment gère tu sa nouvelle relation, Ivy ?

Je prends une grande inspiration et lui réponds tout simplement « jocker », elle sourit et ne proteste pas. Je suis incapable de parler de Sexy Daddy maintenant. Je risquerai de laisser échapper la vérité : mon crush pour lui. Et je m'y refuse catégoriquement. Retour à la case asile des fous, sinon.

- Peux-tu envisager de me dire si votre dîner, le soir même de notre entrevue, s'est bien déroulé ?

- Bien, je me contente de répondre.

Ce n'est ni vrai, ni faux.

J'ai eu l'effet d'être emportée par un tsunami ce soir là, MAIS si on oublie que j'ai eu le coup de foudre pour le petit ami de ma mère, je pense pouvoir affirmer que dans l'ensemble tout s'est bien déroulé. En admettant que la situation ait été normal...

Seulement, en vrai, depuis ce n'est qu'une succession de catastrophes dans ma vie. L'élément déclencheur de la bombe à retardement que je suis et que j'ai toujours été. Grosso modo c'est la merde mais je préfère m'abstenir de le dire.

- Nous en reparlerons quand tu te sentiras prête, Ivy.

A mon tour d'hocher la tête en silence, avant qu'elle ne reprenne :

- J'ignore si c'est ce sujet qui te travaille ou s'il y a autre chose, mais je te sens tendue.

Autre chose ? Par où commencer ? Vraiment, je vous le demande ! Ma vie est plus WTF que les scénarios de Riverdale... auxquels serait ajouté les nombreux incestes de Game Of Throne. C'est dire !

'Fin, bref, ne peux pas lui dire la vérité, ou tout du moins pas toute la vérité. Cette femme lit en moi, et même si elle ne décèle pas exactement ce que je cache, elle sait que je prends des détours. Son regard, aussi foncé que ça magnifique peau d'ébène, me fixe sans réellement me sonder. Je sais qu'elle n'attend pas de moi que je m'ouvre à elle si je ne le souhaite pas, elle ne fait qu'insister silencieusement sur l'évidence que si elle le voulait, elle le ferait.

La reconnaissance que j'éprouve envers le docteur Brown pour m'avoir soutenue pendant mes pires instants me pousse à lui donner un petit quelque chose à se mettre sous la dent, pour lui prouver que son travail n'est pas vain - contrairement à celui que j'ai effectué sur moi-même et qui à épouvantablement échoué.

- Et bien... je commence, peu sûr de moi. J'ai retrouvé ma meilleure amie, comme je vous l'ai dit, ainsi qu'un autre de mes plus proches amis (- je ne me suis jamais étendu sur ma relation avec Spanish Baby, ni sur ce qu'il était pour moi à la base, mon dealeur). Je n'ai toujours eu qu'eux en fait... j'ai réalisé certaines choses à notre sujet. Et je ne...

Je bloque quelques instants sur mes mots, et d'un sourire avenant ma psychologue m'encourage à poursuivre, sans empressement.

- C'était plus facile quand je ne quittai la villa que pour arpenter la plage et que mes seuls interlocuteurs étaient ma mère, la femme de ménage et... et vous.

Un rire nerveux s'échappe de mes lèvres, tandis que je joue avec mes doigts, donnant toute mon attention à la chevelure frisé et surdimensionnée du docteur Brown. Je n'arrive pas à la regarder dans les yeux. Bordel !

- Je leur ai fait du mal, à chacun de façon différente. Et principalement en m'en faisant moi-même, je crois.

- Est-ce que tu as réussis à parler à Jily ?

Sa voix douce m'apaise, et j'ai moins de mal à affronter son regard chocolat.

- Oui, plus ou moins, sans vraiment rentrer dans les détails. Je l'ai traumatisé, et je le regrette sincèrement. Je ne sais pas quelle était sa dernière image de moi, et je ne souhaite pas le savoir. Je ne me sens pas prête à affronter cette... réalité à travers ses yeux... je soupire en fermant les paupières sur mes derniers mots. Quant à Shawn, mon autre ami, j'ai toujours fermé les miens sur la relation malsaine que j'ai instauré avec lui...

Malgré nos discussions, je sais que nous devrons approfondir certains point. Jily et moi n'avons que survolé mon expérience en désintox, et à peine abordé le sujet qui fâche. Cette nuit, où elle m'a trouvé. J'ai conscience que je n'en ai pas fini avec ça, qu'un jour je devrais vraiment m'y confronter, et qu'elle sera là elle aussi. Elle en a tout autant besoin que moi, je l'ai vu l'autre jour. Mais je ne suis pas prête. Et Shawn... même s'il m'a paru sincère lorsqu'il a dit ne pas m'en vouloir, et être mon ami, j'ai cette peur au fond de moi qu'il ne puisse pas supporter ce que ça lui coûte.

- Nous n'avons jamais réellement abordé ta relation avec ce Shawn, remarque le docteur Brown. Pourtant il semblerait qu'il soit également ton meilleur ami. Tu l'as mentionné régulièrement sans développer...

- Je n'ai jamais voulu faire de mal aux gens que j'aime, c'est tout ce que je peux vous dire pour le moment, je termine en gardant mes réflexions pour moi. Je n'ai pas envie de développer ce sujet, pas pour l'instant.

- Bien, pas pour l'instant alors. Quand tu dis que tu n'as jamais voulu faire de mal à ceux que tu aimes, inclus-tu ta mère ?

Pendant que je mordille ma lèvres inférieure, je répond d'un geste du menton à l'affirmative.

- Je me rends compte que le mal que j'ai causé était indépendant de ma volonté, mais j'en prends la responsabilité maintenant. Peut-être qu'elle aussi ne veux pas m'en faire.

- Mais tu penses qu'elle ne l'assume pas, elle, le mal qu'elle t'a fait, je me trompe ?

- Je pense que non seulement elle ne l'assume pas, mais aussi qu'elle ne veut pas non plus le voir. Ouvrir les yeux fait mal.

La Doc se racle la gorge, de façon relativement élégante, et joint ses mains entre elles, l'air songeuse. Je l'observe patiemment, attendant son avis.

- Vous ne dites rien. dis-je étonné par son silence.

- Ivy, je pense que tu as tout dit. Jusqu'ici tu ne t'étais pas confrontée à tes amis, parce que tu devais te recentrer sur toi-même. Travailler sur sois est le travail le plus important et le plus difficile à entreprendre, et pour continuer à semer les graines de ta guérison intérieure, tu dois également te tourner vers ceux qui t'entourent. Faire la paix avec eux, pour faire la paix avec toi-même. déclare-t-elle, avec cette douceur dans la voix si caractéristique de sa personne. Tu peux changer. Tu sais mettre le doigts sur tes actions qui posent problèmes, tu prends conscience de tes erreurs, et cela prouve que tu as la volonté de faire mieux. Winston Churchill a dit « là où se trouve une volonté, il y a un chemin ». Tu es sur la bonne voie. Si tu plantes, tu as une chance de pousser et t'épanouir. Et, de récolter les fruits de ton labeur, Ivy.

Les bonnes paroles du docteur Brown perdent de leurs sens, puisqu'elle ignore que ce chemin dont elle parle, je m'en suis éloignée. Cependant, je ne peux toujours pas me résigner à le lui dire, à la décevoir. Je n'ai pas non plus envie de tout reprendre à zéro, puis... même si je suis folle de refaire les mêmes erreurs en attendant un résultat différent, je reste persuadé que je peux gérer mes addictions. Cette fois, je le peux. Je n'ai que ça pour apaiser le bordel dans ma tête.

Comment survivre sinon à ma mère, James... et Mylan ?

- Il y a autre chose, Ivy, dont tu aimerais qu'on parle ? demande-t-elle face à mon mutisme.

Je lève les yeux vers ma psychologue. Il y a tant de choses que j'aimerais lui dire, que je devrais lui dire, sans y parvenir. Et elle le sait, je le vois. Elle me connaît trop bien pour ignorer à quel point je suis tourmentée, à quel point je garde tout en moi. Alors sans prendre garde, les mots, ces traîtres, m'échappent :

- Il y a un garçon.

Putain de merde !

Madame Brown tique immédiatement. Je n'ai pas dit « homme ». Je regrette déjà de m'être lancé dans cette confession, qui n'est autre qu'un fragment de cet iceberg que je tente de lui dissimuler.

- Un jeune homme ? s'enquit-elle en essayant de cacher sa surprise.

- Il doit avoir deux ou trois ans de plus que moi, je confirme en retournant à la contemplation de sa coiffure. On s'est rencontré cette semaine et...

Ça se bouscule dans ma tête, et mon souffle s'accélère. Je stresse, j'angoisse. Je n'avais aucunement prévue de faire ne serait ce que allusion à Dirty Baby. Re merde !

- Dis le avec tes mots, Ivy.

- Il me... trouble.

Les lèvres légèrement pincées, la Doc' me demande ce que j'entends par là. Et c'est là que se trouve le fond du problème, je ne veux pas admettre ce qu'il provoque en moi. Autant j'assume mon attirance pour Sexy Daddy, même si elle m'ait défendu, autant je préférerai être de marbre face à sa progéniture.

- J'ai toujours été attiré par des hommes plus matures, mais je ressens... physiquement... je tente d'expliquer, c'est comme s'il plaisait à mon corps mais pas à ma tête. Et... en même temps, il me fait sentir moins... moins tarée. Peut-être parce qu'il l'est lui-même un peu aussi.

J'expire comme si j'avais retenu mon souffle tout le long de cet aveu qui me paraît complètement absurde, sans oser jeter un œil à l'expression du docteur Brown. J'ai l'impression d'être prise en faute. Mylan pour moi, c'est péché. Tout comme son père l'est, à vrai dire, mais à une autre échelle. Il ne correspond en rien à ce qui m'a toujours attiré...

- Et d'après toi c'est une mauvaise chose, qu'un garçon de ton âge puisse provoquer en toi des réactions physiques tel que... le désir, je présume ?

Je passe une main sur mon visage, pince ma bouche puis mon menton, en soupirant. Je n'en reviens pas d'avoir dit tout ça, en sachant que je ne peux pas me confier plus à ce sujet. Il y a tout un contexte, bordel, et je ne peux pas le lui dire. Ça ne me concerne pas que moi, ou lui d'ailleurs. Je ne peux  tout simplement pas parler de Dirty Baby sans parler de son sexy géniteur ! Et encore moins omettre que ce qui me connecte à eux est ma propre génitrice...

- Il est l'heure, non ?

Je sors mon portable de mon sac à dos en cuir, et le consulte. Effectivement, la séance d'une durée de trente cinq minutes est officiellement terminée, et ça ne m'a jamais autant arrangé. D'un bond, je suis sur pied face à ma psychologue qui fronce les sourcils avant de finalement sourire en me tendant la main.

- Nous aurons le temps d'en discuter la prochaine fois, m'avertit-elle alors que je tourne déjà les talons aussi vite que si j'avais les feux de l'enfer aux trousses.

- Bien sûr, la prochaine fois !

A une vitesse folle, je quitte son cabinet et me retrouve dans les rues de Coconut Grove. Si je m'écoutais, je partirais me réfugier chez Shawn qui n'habite pas très loin. Mais depuis trois jours je fuis mes amis, j'avais besoin de ce temps pour réfléchir à ce que nous avons partagé ensemble. Penser à ces foutues conséquences qui me hantent à présent. Ils comprennent mon silence et l'acceptent, fort heureusement pour moi. J'ai tout de même pris la peine  d'échanger quelques textos avec Jily qui a pris son vol pour Londres dans la nuit d'avant hier, pour lui souhaiter bonne chance, que ce soit professionnellement ou amoureusement. Je suis heureuse pour elle, elle mérite le meilleur, tout comme Shawn.

Je ne suis pas la seule avoir besoin de prendre quelques jours pour réfléchir, je pense qu'il en a tout autant besoin, voilà pourquoi je décide de finir cette fin d'après-midi à flâner dans ces quartiers si atypiques et plein de vie que j'affectionne tant plutôt que de courir chez lui.

Je passe de boutique en boutique, sans vraiment prendre la peine de m'y arrêter. J'observe les gens qui laissent dans leurs sillages les effluves de leur bonheur. On le sent, chez les autres, ce bonheur auquel on pas le droit, c'est la sensation que j'ai en tout cas. Je ne dirait pas que je suis malheureuse, mais plutôt que je ne suis pas heureuse, il y a une nuance pour moi... et quand je regarde ces visages inconnus, je peux y lire ce que j'aimerais retrouver dans le miroir chaque matin. C'est envieuse, que je continue de marcher, des heures durant, surprise que mes petites voix intérieures soient si silencieuses. Je crois bien qu'aucune de nous n'est d'humeur en ce moment...

***

Quand j'arrive au bord de l'eau, à quelques mètre de la villa plongée dans la pénombre, il fait déjà nuit. Le calme règne en maître dans les environs, seul le remous des vagues brise le silence. Les pieds enfoncés dans le sable, les bras autours des jambes, le menton posé sur les genoux, j'observe l'obscurité fascinante qui enveloppe le panorama face à moi. La seule lumière provient de la lune qui perce le ciel noir et se reflète dans l'onde vacillante. Ma vraie cure c'est cette étendue d'eau salée, elle apaise mon âme. Je crois que l'océan peut nous guérir de nos blessures, quelques instant peut-être, mais quelques instants au moins.

Malheureusement, comme tout ce qui est relatif à ma vie, je ne suis jamais tranquille longtemps. C'est d'abord, le bruit des pas désordonnés dans le sable qui m'interpellent, puis les mots marmonner que je ne saisis pas, s'en suit... le flash d'un smartphone qui m'aveugle. Quand je mets une main devant mes yeux pour les protéger, je reconnais sa voix, même si elle est plus traînante que celle à laquelle il m'a habitué :

- Héééé, mais c'est ma p'tite pyromane fuyarde !

L'Univers est-il entrain de me hurler : KARMA IS BACK, BITCH !?

Dirty Baby se tient debout devant moi, le torse nu mais un sweat-shirt gris calé sur son épaule droite assortie à un bas de jogging de la même couleur. Dans sa main gauche, celle qui ne m'éblouit pas, un sac en papier kraft qui contient à n'en point douter une bouteille d'alcool. Je peux sentir d'ici les effluves du whisky hors de prix qui l'accompagne. Sans aucune élégance, Mylan se laisse tomber dans le sable à mes côtés après avoir glissé son smartphone dans sa poche. Ses jambes repliées devant lui, il adopte la même position que moi face à l'océan.

- Qu'est-ce que tu fous, là ? je lui demande en plissant les yeux, un brin agressive.

Le suppôt de satan, toujours aussi attirant à mon plus grand désespoir, tourne lentement son visage vers moi. Je remarque immédiatement qu'une barbe de plusieurs jours grignote ses joues, lui conférant un visage plus mature, mais surtout ce sont ses yeux rougis qui m'intriguent. Ils sont gorgés de sang et... gonflés ! Des cernes noires complètent ce triste tableau qui, étrangement, me crève le cœur. Ce garçon aussi insupportable que charismatique n'a pas l'air d'être dans son meilleur jour, et cela me percute si profondément que je regrette de l'avoir accueilli comme je l'ai fait.

- Tu vas bien ?

- Ouais, répond-t-il en détournant son regard du mien.

- Tu es sur ? j'insiste malgré moi, sans savoir pourquoi.

- Ouais.

- Tu mens ?

Mylan s'abreuve à sa bouteille, tout en fermant les yeux avant de finalement me répondre :

- Ça se pourrait, ouais.

Je détourne à mon tour les yeux, incapable de savoir quoi lui dire. Hormis consoler Jily lorsqu'elle a une peine de cœur, je ne suis pas trop habituée à consoler les gens. Ni douée d'ailleurs. De plus, je ne suis pas sûr de vouloir apprendre ce qui le tourmente... puis c'est Mylan.

- Sache que, au cas où tu t'apprête à me poser la question, je n'ai pas envie de baiser ce soir, claque Mylan un sourire dans la voix.

Grand bien me fasse, je pense en lui redonnant toute mon attention. Effectivement, Dirty Baby, malgré sa mine de déterrée, arbore un léger sourire.

- Tu mens encore ? je le taquine.

- Tu le découvrira plus tard.

Je glousse malgré moi. Je suis plus encline à la taquinerie qu'à la confession nocturne... puis rire un peu ne fera de mal à aucun de nous. Malgré tout, j'espère qu'il plaisante. Si ce n'est pas le cas je suis dans la merde !

- Arrête de me fixer comme ça, reprend Mylan d'une voix toujours aussi traînante mais de plus en plus enjoué, tu vas avoir envie de moi.

- Tu es... incorrigible.

- Qu'est-ce que, toi, tu fais là ?

- J'aime regarder l'océan, je réponds sincèrement en tendant la main vers son sac.

Dirty Baby me le tend sans émettre d'objection, et je porte le goulot  qui en dépasse à mes lèvres, aspire une petite gorgée du liquide de feu, avant de le planter dans le sable entre nous.

- Je le déteste.

Sur le coup, j'ignore s'il parle bien de l'Atlantique qui vient lécher le sable à quelques mètres de nos pieds.

- Tu veux savoir pourquoi je l'aime, moi ?

Mylan penche la tête vers moi et coule son regard de Jade dans le mien en fronçant légèrement ses épais sourcils noirs.

- Parce que quoi qu'il arrive, même après l'avoir quitté, les vagues reviennent toujours vers la rive...

J'ai soufflé ses mots, comme un aveu. C'en est un à vrai dire, j'imagine. Le docteur Brown s'en donnerait à cœur joie et utiliserait probablement cette phrase contre moi comme une métaphore de ma peur de l'abandon ! Dirty Baby ne répond rien, il n'en a pas le temps, le « bip » d'une notification retentit, et il s'empare de son téléphone qu'il consulte immédiatement. Il fait sombre mais grâce à la luminosité qui émane de son écran sur son visage, je peux voir ses traits se déformer. Une main rageuse vient s'égarer violemment dans ses cheveux noir de jais alors qu'il se lève en titubant et en grognant.

- Un putain de mail ! Il m'envoie un  mail, rage-t-il. Merde, tu peux pas faire plus impersonnel. Pas un appel, pas un sms...UN PUTAIN DE MAIL.

Ivre d'alcool et de colère, Mylan jette d'un bras puissant, surentraîné par des années de tennis, son IPhone dernier cri droit devant lui. L'objet fend l'air et s'échoue dans l'eau, pendant que son propriétaire lâche une flopée de juron. Je le regarde abasourdie.

Qu'est-ce qui lui prend à ce taré ?

- Arrête de me critiquer avec tes putain d'yeux ! s'exclame Dirty Baby en se laissant retomber à sa place.

En parlant d'yeux, les miens s'écarquillent un peu plus. C'est quoi son foutu problème ?

- C'est marrant mais d'un coup, là, j'arrive plus à me souvenir pourquoi je t'aime bien, je le tacle en haussant la voix, légèrement vexée.

La flamme de son briquet nous éclaire un peu plus, pendant que Mylan, qui ne réagit absolument pas à ma pique, s'allume une cigarette. Il tire quelques bouffées de nicotine, me recrachant la dernière en plein visage, ses yeux me scrutant à travers la fumée qui s'en dégage.

- On s'engueule bien, je trouve, non ? demande-t-il avec son sourire en coin sadique.

Le gars est bipolaire, on est d'accord ?

- On s'engueule pas, t'es juste con, je tranche avec dédain.

- Je sais pas ce que je fous là, reprend Dirty Baby en fixant le bout incandescent de sa tige. En fait... je me suis contenté d'avancer et je suis arrivé là. Et toi ?

- Je te l'ai déjà dit, et ici c'est chez moi, idiot, je soupire en indiquant la villa derrière nous.

Mylan y jette un œil, arque un sourcil, pas franchement convaincu. Il est carrément à l'ouest... bordel, ça promet.

- Qu'est-ce qu'il t'arrive ? je le relance en m'emparant de sa bouteille avant qu'il ne soit tenté de le faire. Pourquoi t'es pas avec des potes à noyer ta colère ?

- C'est pas ce que je suis entrain de faire ? rétorque-t-il en ignorant ma première question.

Cette fois c'est moi qui suis interloqué. Je sais que le courant passe entre nous, on a eu ce feeling dans la boîte, bien avant que ça dérape, mais de là à être son amie...il passe quand même son temps à me rendre folle, dans tout les sens du termes et de toutes les façons possibles. Mylan me rend dingue, et je fais tout ce que je peux pour le repousser en permanence. Seulement, je n'en ai pas toujours envie. Il y a cette connexion entre lui et moi... arghhhh ! Je ne veux ni être son amie ni... ni rien du tout !

- L'amitié c'est surfait, reprend Dirty Baby, comme s'il avait lu le fond de ma pensée à travers mon regard. L'amour aussi, putain. C'est que des putains de foutaises.

Whait, what ? Est-il entrain de sous-entendre qu'il a déjà été amoureux ? Lui ? Il se pourrait donc, finalement, que ma théorie sur l'éventualité que son cœur ne pompe pas que du sang pour sa bite soit avéré !

- Tiens.

Mylan me tend son sweat-shirt, alors que j'essaie de me remettre de l'idée que ce garçon là, imbue de lui-même, arrogant et j'en passe, donnant l'impression de passer son temps le nez fourré dans une chat... bref, puisse réellement éprouver des sentiments amoureux. 

Il se passe quoi là, au juste ?

- T'as la chair de poule, se justifie-t-il à mi-voix, paraissant presque... mal à l'aise ?

On est dans une putain de réalité alternative ?

Mes épaules tressautent et, effectivement, je me rends compte que l'air s'est rafraîchi. J'attrape son vêtement et le passe en le remerciant de son geste tandis qu'il écrase son mégot dans le sable. A peine ai-je passé la tête que Dirty Baby se penche vers moi et enfile la capuche sur ma tête, avant de la resserrer autour de mon visage à l'extrême à l'aide de la cordelette qui s'en échappe de chaque côté, ne laissant assez d'espace que pour mon nez et mes yeux. Content de lui, il pouffe, et je le repousse à sa place en soufflant. Gamin bipolaire, va ! Il m'énerve mais il me fait rire, force est de le constater.

- T'as pas froid, toi ?

Je désigne son torse nu, partiellement recouvert d'encre noire. En guise de réponse, Mylan hausse les épaules, pendant que je me libère de la capuche qui m'étouffe presque.

- Pourquoi des flammes, au fait ? Je l'interroge en les admirant - le tatouage, pas le reste principalement composé de chair et de muscle, soyons clair !

- J'ai toujours aimé jouer avec le feu.

Derrière sa voix dénuée de la moindre émotion, se cache tout à fait autre chose, j'en suis persuadé.

On ne recouvre pas une partie si importante de son corps pour rien, si ?

Brûle-t-il de l'intérieur ?

C'est quoi cette question atrocement con ? Je vais me contenter de sa réponse.

L'ambiance qui règne est des plus étranges, je n'arrive pas à savoir si je me sens à l'aise ou non, ni quel sera la prochaine humeur de mon compagnon. Cette journée morose se conclut sur une soirée bien trop étrange. J'ai du mal a nous reconnaître, Mylan et moi.

- Je crois qu'on devrait rentrer, Mylan.

- On ? demande Dirty Baby en haussant un sourcil.

Je suis aussi surprise que lui, mais quelques chose au fond de moi me pousse à ne pas le laisser seul se soir.

- Je vais pas te laisser comme ça, j'ai un putain de cœur et toi aussi apparemment, je lui explique en me levant et en lui tendant la main, alors tu viens avec moi.

Sa grande main saisit la mienne et il chancelle en se mettant sur pieds. Debout face à moi, il ne me lâche pas.

- On peut rester ? Je commence à comprendre... murmure-t-il en se tournant vers l'océan.

En cet instant, je déduis que c'est de son père qu'il s'agit. C'est lui qu'il déteste et le met dans cet état. Ça pourrait être chose, mais ce que je vois dans ses prunelles ressemble trop au brasier que je retrouve dans les miennes quand je pense à mon paternel - toujours inconnu au bataillon, ou à ma mère. Sans le lâcher non plus, je me rassois dans le sable, l'entraînant avec moi, et décide de tenter le coup même si tout en moi me hurle de ne pas le faire. Je ne suis que contradiction.

- C'est ton père.

Dirty Baby retire abruptement sa main de la mienne, piqué à vif. Mon constat ne lui plait pas, tanpi pour lui. En plus, je suis sûre d'avoir raison. Prends ça Mister Tennisman qui croit tout savoir sur ce que je pense et ressens !

- Qu'est-ce que ça peut te foutre ?

Okay. J'aurais peut-être dû m'abstenir...

- Écoute moi bien, fourre-tout, tes états d'âmes, je m'en bas les boobs, je mens effrontément, mais on est là et t'as visiblement besoin de parler à quelqu'un qui écoute, alors je t'écoute, ducon !

Le choc passé, Mylan tente d'attraper sa bouteille que j'éloigne de lui. Fini la boisson pour lui.

Punaise, je crois que je deviens raisonnable !

- Tu m'énerve, mais j'aime bien, commence-t-il en souriant à nouveau. Mais tu connais pas mon père, alors tu ferais mieux de la fermer.

Son sourire s'est évidemment effacé aussitôt. J'ai vu juste, comme je le pensais, et maintenant je ne compte pas abandonner. Autant parce que, aussi absurde que cela me paraît, j'ai envie de l'aider... autant en découvrir plus sur Sexy Daddy me dévore de l'intérieur ! Cette envie me prend littéralement aux tripes. J'en ai besoin même si j'ai peur de ne pas forcément aimer la façon dont sa progéniture pourrait le dépeindre.

- Non, tu as raison, je ne le connais pas, j'admets à contre cœur. Mais je peux te dire ce que j'ai vu dans ses yeux, de la fierté pour son fils. Et pour ta gouverne, sache que c'est bien plus que ce ma mère n'a jamais été capable de me donner.

Dirty Baby éclate de rire, un rire froid, mauvais.

- Tu crois que mon père est différent de ta mère ? Tu l'imagines parfait, dans ta jolie petite tête d'amoureuse, hein ? crache le tennisman en crise d'identité, avec un mépris évident. S'il l'est tant que ça qu'est-ce ce qu'il fait avec une femme dont il en a rien à foutre ? Ta mère  est comme toutes autres avant elle pour lui.

Ses mots sont du poison, et je peux presque sentir leur venin courir dans mes propres veines tant il est contagieux. Sous mes yeux, le chérubin diabolique a vraiment tout du diable. Il transpire la haine. Littéralement ! Prise au dépourvu, je n'ose pas lui répondre. Je reste comme suspendu à ses mots qui n'ont pour moi aucun sens. D'un œil méfiant, je le regarde se perdre dans ses tourments, se levant et faisant les cents pas, en s'acharnant à malmener sa tignasse.

- Je ne suis pas amour... je tente finalement avant de me faire violemment couper la parole.

- Pas à moi, putain ! Me prends pas pour un con, je le vois. Je sais exactement ce que tu...

Bouche bée, je continue de l'observer. Mylan s'essouffle, perd ses mots et sa colère avec, au moins en apparence. Il finit par reprendre sa place dans le sable, les jambes allongées devant lui. Ma bouche s'entrouvre et se referme à plusieurs reprises. Dirty Baby a bien été amoureux, c'est évident, sinon comment pourrait-il être si persuadé de ce que je ressens pour son père alors que moi-même je l'ignore... quant au fin mot de son histoire d'amour, je n'en ai aucune putain d'idée.

- Il vaut pas mieux que ta mère, lui aussi c'est un menteur.

Je ne peux m'empêcher de repenser aux paroles de James : « on ment tous pour nos enfants ». C'est de ça dont il s'agit ? Que cachent les Taylor ?

- Elle laisse bien entendre à qui est assez con pour le croire que t'es allé en Europe, non ?

J'hoche la tête, silencieuse. Si je me tais, il continuera peut-être de parler. Est-ce que j'ai vraiment envie de savoir ? Putain, non. Putain, oui ! Merde, j'en sais foutrement rien.

- J'suis plus à l'université depuis deux ans, lâche Mylan telle une bombe. Il a le bras long, très long et tant de fric qu'il ne sait plus quoi en faire. J'ai merdé...tellement merdé, débite-t-il a toute vitesse. Et il est si « fier » de moi, continue, continue Dirty Baby en mimant les guillemets, comme tu dis,  qu'il a déboursé des milliers et des milliers de dollars pour couvrir mes conneries. Pour se couvrir lui, ouais ! Parfait...tellement parfait.

Quoi ?! Me voilà complètement larguée. J'ai du mal à assimiler ce que Dirty Baby me révèle sur lui, tout en restant encore trop vague pour moi. Je crève d'envie d'en savoir plus, mais bizarrement, j'ai envie de l'apaiser plutôt que de l'interroger, et ça sans vraiment savoir quoi lui dire. Et comme trop souvent, ça sort de ma bouche tout seul :

- J'aime pas le parfait.

- Quoi ?

D'un geste abrupt, Mylan tourne son visage vers moi, ses sourcils froncés.

- J'aime pas le « parfait », dis-je en mimant à mon tour des guillemets. J'aime ce qui est tordue, bizarre, comme moi...

Mylan me dévisage comme si j'étais une folle échappée de l'asile. Et en toute honnêteté, je ne comprends pas moi-même où je veux en venir, ni ce que ça veut dire, ici et maintenant, avec lui. Le pire c'est que je continue de parler sans réfléchir.

Il m'arrive quoi au juste là, bordel ?

- Rencontrer mon moi au masculin a vraiment quelque chose d'épique et irréel. Mais je dois bien admettre qu'à quelques part on est les mêmes.

- Attends, c'est de moi que tu parles ? s'étonne mon alter égo à pénis.

- Je crois bien, lui souris-je.

Ça a le mérite d'enfin le dérider ! Dirty Baby retrouve enfin son calme, une respiration apaisée et son sourire que je haï tant. Celui qui réveille des trucs en moi que je déteste, ou plutôt qui m'étaient encore inconnus il y a peu.

- Toi et moi c'est aussi inattendu qu'évident, hein ?

- Amis ? je demande, effrayée par l'idée qu'il puisse s'agir de plus.

- Ouais, amis.

Mylan crache dans sa main et me la tend. C'est tordue et deguelasse, au fond tout ce que j'aime. J'en fait de même, et sans prévenir Dirty Baby me tire vers lui. Son souffle parfumé au whisky s'écrase sur mon visage bien trop près du sien. Nos regards se perdent l'un dans l'autre quelque instants, et malgré cela, je repère sa langue qui passe furtivement sur sa lèvre inférieure. Ça pulse en moi, d'à-peu-près partout, mais je me refuse à lui céder une nouvelle fois.

- Dans tes rêves, l'ami.

- Dans mes rêves...

Ses paupières se ferment quelques secondes et j'en profite pour m'éloigner de lui avant qu'on ne dérape encore. Je décourage Mylan a la seconde où il s'apprête à finir sa phrase :

- Ferme ta braguette mentale quand tu me parle, perver. Je suis certaine qu'il ne manque pas de fille pour saisir l'opportunité que tu représente, alors...

- En ce moment, c'est plutôt l'insaisissable qui me tente, sourit-il, un peu comme toi avec mon père. La différence c'est que moi, je suis certains d'arriver à mes fins.

Quand sa main vient frôler ma gorge, j'ai envie de la lui arracher à coup de dents, tout comme j'ai envie de l'arracher de ma tête. Dirty Baby me mets autant en rogne qu'il m'excite, et je le déteste pour ça. J'ai en horreur ce qu'il provoque en moi, autant que ça me fascine.

- Pourquoi tu fais toujours ça ? je murmure alors que ses doigts m'effleurent toujours.

- Parce que j'en ai envie, c'est une bonne raison, non ?

Sa question flotte entre nous, tout comme le malaise et le désir mélangé. C'en est trop pour moi. J'attrape sa main et l'éloigne de moi, sans pour autant la lâcher.

- Est-ce que tu as envie qu'on en parle ?

Ses ardeurs retombent dès qu'il comprends qu'il s'agit de ce qui l'a mis en colère en premier lieu.

- J'ai pas envie de parler d'elle.

- De qui ? je demande, totalement perdu.

- De ma mère...

Sa mère... personne à laquelle je n'avais jamais pensé jusque-là.

- Rentrons alors, tu veux ?

Sans répondre Mylan se lève, et je le suis dans son mouvement, ma main toujours au creux de la sienne. Il la lâche finalement pour passer son bras autour de mes épaules, je ne proteste pas. Je crois qu'on a dépassé ce stade. Puis on avance, lui en titubant encore un peu, moi le soutenant au mieux, vers la villa.

- Vers l'infini et sous les draaaaaaps !

- La ferme Baise l'éclair.

« You know you're supposed to keep it »

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