DIX-HUIT

« Can we begin again? Just start all over. »

C'est un cauchemar, un véritable putain de cauchemar. Comment on dit déjà ? Jamais deux sans trois ?

Quand mes yeux s'ouvrent, je découvre Dirty Baby endormie à plat ventre à mes côtés. Je suis pourtant sûre de l'avoir couché dans l'une de nos chambres d'amis peu de temps après avoir quitté la plage.

Alors qu'est-ce qu'il fout là ?

Si la soirée d'hier était déjà des plus étranges, entre cette nouvelle facette de lui, colérique et vulnérable, et nos échanges lunatiques, le découvrir dans mon intimité l'est tout autant si ce n'est plus. J'ai autant envie de le repousser de mon lit, à grand renforts de coups de pieds, parce que, après tout, c'est Mylan - être diaboliquement sexy qui m'épuise émotionnellement, que de le laisser ainsi, son souffle apaisé relevant une mèche noir qui lui tombe sur les yeux.

Merde alors, je ne sais même pas quelle conduite adoptée. Hier soir, il s'est confié à demi-mot, de façon très vague, à son sujet, celui de son sexy géniteur et... de sa mère ! Qui semble faire partie intégrante du mystère que sont les Taylor, père et fils. Pour ma part, j'ai l'impression de m'être aussi trop exposée à lui !

Qu'est-ce qu'ils nous aient passé par la tête cette nuit, bon sang ? Arghhhh !

J'enroule mes poings dans les draps, sans oser me lever. Pourtant, j'ai bien envie de fuir ma propre maison... je devrais, non ? j'ai à peine le temps d'y réfléchir sérieusement, qu'un grognement m'arrache un sursaut. La tignasse noir corbeau de Dirty Baby vient presque me chatouiller le nez quand celui-ci se redresse. Ses paupières papillonnent un instant, puis il se maintient sur ses coudes avant de se tourner vers moi, semblant légèrement perdue.

- Merde... souffle-t-il en croisant mon regard.

Okay...

- Bonjour ? je tente, en m'adossant contre la tête de lit matelassé. Tu te sens mieux ?

Les deux billes de jades me fixent intensément sous leur sourcils froncés.

- Mieux ?

Sa voix est encore plus rauque qu'à l'accoutumée, comme s'il avait passé la nuit à hurler, et je méprises tous les poils de mon corps pour s'être redressé pendant que Mylan fait le tour de ma chambre du regard.

- J'ai aucune putain d'idée de ce dont tu parles, continue-t-il, laissant retomber son buste et son visage sur le matelas. Je t'ai pas baisé au moins ? Je regretterais vraiment de ne pas m'en souvenir.

Avant de lever les yeux au ciel, je remarque un léger sourire en coin qu'il tente de me dissimuler en croisant ses bras au-dessus de son crâne.

- Dans tes rêves peut-être, fourre-tout.

Un rire étouffé me parvient aux oreilles. Salop ! J'aimerais vraiment être énervé contre lui, et ça m'énerve de ne pas l'être...mais au lieu de ça, je pouffe avec lui.

Ai-t-on sérieusement devenu amis, ou du moins ce qui s'en rapproche le plus ?

Et, est-ce seulement possible que nous le soyons sans aucune foutue ambiguïté ?

Ma tête est déjà sur le point d'exploser, je le sens. Voilà le contrôle qu'a Mylan Taylor sur moi. Il me rends indécise sur ce qu'il me fait ressentir, et j'ai bien peur qu'une telle indécision soit déjà une décision en soit. Celle de le laisser contrôler une part de moi. Je déteste ça, je le déteste et pourtant... quand il relève son visage ensommeillé, marqué par l'oreiller, m'adressant son éternel sourire en coin, je n'arrive pas à résister : je lui souris. Et je me sens idiote.

Foutrement idiote !

Je l'aime bien, ce con.

Non. Non. Oui.

NON !

D'un bond, bien décidé à fuir cette fois, je me lève et me dirige vers la porte de ma chambre, pour rejoindre le rez-de-chaussée mais Dirty Baby, aussi agile qu'un puma, s'extirpe de mon lit et m'arrête dans l'encadrement. Son regard glisse sur moi, et ses longs doigts viennent tirer sur les cordelettes du sweat-shirt que je porte. Le sien.

- Tu me le rends, ou tu veux le garder ? demande-t-il à voix basse, en laissant cette fois glisser ses doigts jusqu'à l'ourlet du vêtement.

Je clos mes paupières quelques secondes, tentant de calmer ma respiration qui se saccade à mon plus grand regret. Nous ne sommes pas amis, c'est impossible. Toute cette tension entre nous est toujours là, elle m'électrise, et je suis terrorisée rien qu'à l'idée d'ouvrir à nouveau les yeux et croiser ce regard qui m'empêche de penser rationnellement. Mais je le fais... et avant de remonter vers son visage, j'observe ce torse à demie tatoué, les flammes sombres qui le rongent en parties, le duvet de poils noirs sous son nombril qui disparaît sous l'élastique de son boxer Calvin Klein... puis je pars en sens inverse, et il y a ce vert, plus foncé, plus marécageux que le mien.

- Deux petits mots et je suis tout à toi, souffle Dirty Baby, s'avançant un peu plus de moi, forçant le contact entre nos deux corps.

- Je... attends, quoi ?!

Acculée, et déglutissant, je recule et atteint la porte dans mon dos. Mylan, fidèle à celui qu'il est depuis que je l'ai rencontré, arbore son air fier, bien conscient de me déstabiliser, et avance vers moi. Son bassin vient presque se fondre sur le mien. Et je LA sens tout contre moi, espérant bêtement qu'elle ne soit que matinale.

Qui je crois duper, nom d'une bite ?!

- Fourre...

Il se penche et ses lèvres viennent caresser le lobe de mon oreille. J'hyperventile. Connard.

- moi.

Le cerveau en ébullition, et mon traître de corps pas en reste, je saisis son visage entre mes mains. Nos nez se touchent et nos regards s'ancrent l'un à l'autre.

- Si je pouvais, Taylor, je te biflerais avec ta propre bite.

Puis alors que ses yeux s'arrondissent, un brin rieurs, je le repousse et m'échappe dans le couloir, le Diable aux trousses. The-devil-himself* me pourchasse de près, et sa poigne de fer finit par s'abattre sur mon avant bras avant que je n'atteigne l'escalier.

- Arrête de fuir l'inévitable, me glisse Mylan en se penchant vers moi.

Les lèvres du séduisant suppôt de Satan s'étirent en un rictus moqueur. J'essaie tant bien que mal de me dégager de son emprise, de l'esquiver, de par la droite comme par la gauche, mais Mylan me fait barrage et me domine de toute sa hauteur.

- Il n'y a rien d'inévitable entre nous, je le contredis, les dents serrées, en me dégageant enfin de sa poigne. Je tuerais tout espoirs en toi, autant de fois qu'il le faudra.

Son bras retombe le long de son corps, et bien que je mette de la distance entre nous, Dirty Baby la comble en seulement deux pas.

Le Mylan saoul et chelou de cette nuit me manque déjà !

Celui qui se trouve en face de moi est un prédateur sans foi ni loi. Sa dentition d'un blanc immaculé ne souhaite qu'une chose... me croquer !

- Oh, crois-moi... commence-t-il en enroulant sa main autour de mon poignet. Inévitablement, cette jolie bouche - l'un de ces pouces vient caresser mes lèvres - finira autour de ma queue.

- Lâche-moi, je rugis en le poussant du plat de mes mains, luttant contre mes foutues hormones en ébullition. C'est quoi ton putain de problème, au juste ? je poursuis, n'ayant pour seul but que de renverser la situation. T'as pas eu ce que tu voulais de ton papa et tu penses obtenir de moi une quelconque attention pour combler ton vide ? Quand on est vide, rien ne peut nous combler, si ce n'est des illusions, et je n'ai aucune envie d'être la tienne.

Mes mots le frappent de pleins fouets, il me relâche et reculent vivement, comme s'il avait été projeté en arrière par une force invisible. Dans ses yeux marécageux, je perçois qu'il est déstabilisé. Cette lueur, qui y régnait cette nuit, y flamboie à nouveau, comme si le masque, l'attitude derrière laquelle il se cache, partait en fumée. Il doit passer son temps à faire ça finalement, se planquer derrière cette être sûr de lui, trop irrésistible pour qu'on puisse y résister, trop arrogant pour être vrai. Je ne le laisserai pas me manipuler, il a déjà trop de contrôle sur moi comme ça ! J'ai foutrement envie de le mettre à nu - métaphoriquement, je vous vois venir !

- Tu sais quoi...

Mais une ombre, au bas de l'escalier, attire notre regard au moment où je m'apprête à me lancer.

- Papa ?

A la dernière marche se tient James, tout de noir vêtu, aussi beau et élégant que l'image de lui qui hante mon esprit. Son visage est, comme toujours , impassible. Ses billes bleues passent de Mylan à moi. L'un est torse nu, son sweat entre ses mains, l'autre... en débardeur et shorty. Mes joues s'enflamment immédiatement, elle me brûle même.

- Bonjour fils. réponds Sexy Daddy, ses yeux ancré dans les miens. Ivy.

Ma bouche s'ouvre mais aucun son ne la quitte. Je suis même incapable de bafouiller quoi que ce soit. Putain de merde ! Il est temps de prendre mes jambes à mon cou, mais je n'y arrive pas. L'océan dans son regard, je le vois d'ici, pourrait tout emporter avec lui. Moi la première. Il semble pourtant si calme d'apparence... mais à l'intérieur, j'ai l'impression qu'il s'agit de tout autre chose.

Tu vois ce que tu as envie de voir, Ivy...

C'est quand j'entends la voix de ma mère au loin, que je finis par déguerpir, rouge de honte, laissant le père et le fils. Seulement, je ne m'éloigne pas tant que ça. À couvert, je reste suffisamment près pour pouvoir les écouter.

- Comment as-tu su que...

- Mylan, je n'avais aucune idée de ta présence ici, répond James, semblant lasse. J'ai tenté de te joindre dans la nuit, à plusieurs reprises. Je t'ai cherché, littéralement partout. Personne ne t'avait vu partir. Le peu d'informations que je détenais venaient de tes messages vocaux, qui m'ont fait comprendre à quel point tu étais saoul, et de Hubert qui m'a appris que tu avais refusé qu'il te conduise. C'était le dernier endroit qui restait...

Un long silence flotte au rez-de-chaussée, mais il est chargé de reproches et de lassitudes. Je le sais pour l'avoir souvent vécu avec ma mère...

- Je suis désolé, reprend Sexy Daddy, ennuyé. Je suis sincèrement désolé, fils.

- Tu es désolé ?

Ce n'est pas la surprise que j'entends, mais bien l'ironie.

- Simplement putain de désolé ?

Je risque un œil par delà le coin du mur, et observe le plus discrètement possible les deux hommes. Dirty Baby, droit comme un i, descend les marches jusqu'à être à hauteur de son géniteur.

- J'étais seul, crache le fils. Seul, hier.

Même d'aussi loin, je peut voir mon bel apollon déglutir. Il doit s'en vouloir, quelque soit la raison, hier était important.

- Je ne pouvais pas faillir à mes obligations, Mylan, s'excuse mon fantasme interdit numéro uno. Mais à l'évidence tu n'étais pas aussi seul que tu semble l'affirmer.

Oh mon dieu ! Sexy Daddy jette un œil dans ma direction, et il ne m'en faut pas plus pour me plaquer contre le mur, le cœur qui bat à cent à l'heure. Que s'imagine-t-il ? M'a-t-il grillé ? Merde ! Je n'ose plus bouger, même pas un orteil.

- Quoi, tu parles d'Ivy ? pouffe nerveusement Dirty Baby. Triste, hein ? Qu'il n'y ait dans ma vie que la fille de la femme que tu fréquentes pour les quelques semaines à venir. T'en fais pas, moi aussi, je me trouve pathétique à chercher de la compagnie auprès d'inconnus. De personnes provisoires. Je ne vaut certainement pas mieux que toi. Mais à qui la faute...

- Je sais que tu te préoccupes d'elle, et je suis certains qu'elle se préoccupe de toi, mon fils, affirme James d'une voix douce.

Mais Mylan rit, un rire mauvais et froid qui résonne et ricoche sur les murs, venant jusqu'à tambouriner sur les parois de ma poitrine. Je suis blessée et je ne comprends pas pourquoi je le suis a ce point.

- Tu crois que je m'attache à cette pseudo famille que nous sommes ? Pour qu'elle foutue raison je ferais ça ?

- Tu sais bien que nous ne sommes pas une famille, cependant tu es attaché à elle, réplique Sexy Daddy. Je suis ton père, je pense te connaître un tant soit peu.

- Crois ce que tu veux, papa. Ivy n'a pas plus d'importance pour moi que Victoria n'en a pour toi. Maintenant si tu veux bien, barrons-nous d'ici, à moins que tu n'ai d'autres projets.

- J'ai effectivement à faire, mais je te promets que nous irons...

-Va te faire foutre !

Et dans les secondes qui suivent, la porte d'entrée est claquée avec fracas. Je ferme les yeux, et reprends mon souffle, qui jusque-là s'était désordonné. Malheureusement, les bruits de pas qui s'amplifient, accélèrent à nouveau mon rythme cardiaque et je ne parviens pas à retrouver une respiration calme. Lorsque je me risque à ouvrir un œil, c'est pour rencontrer ceux de mon Sexy Daddy.

- Bonjour Monsieur Taylor.

- James, tu n'as pas à m'appeler par mon nom, Ivy, me dit-il. Écoute, j'ignore ce qu'il se passe réellement entre vous deux mais...

Mes yeux vont quitter leurs orbites, le sol s'effondrer sous mes pieds, le ciel me tomber sur la tête.

- Non, non, non... il ne... il ne se passe rien entre moi et Mylan, je le coupe, paniqué. Je... il s'est... on s'est croisés sur la plage, derrière la villa, il n'était pas dans son état normal.

J'ignore si on peut qualifier Dirty Baby de normal, quelque soit l'état où il se trouve.

- J'ai pensé qu'il était préférable qu'il dorme chez nous... James.

- Tu as bien fait et je t'en remercie. Si mon fils s'est mal comporté, excuse-le, c'est une période relativement difficile pour nous, me confie mon bellâtre, ses traits légèrement tirés. Quant aux restes...

- Je n'ai rien entendue !

Ses yeux plissés semblent sourires, alors que ses lèvres n'effectuent pas le moindre mouvement. Face à ce bleu, je perds pieds, ne pouvant m'en détacher, prête à couler s'il le faut.

Étouffe moi de tes eaux, Ô Dieu de l'océan !

Je perds aussi la tête, à n'en point douter. Et elle est sur le point de se décrocher définitivement de ma nuque quand je surprends regard de Sexy Daddy lui aussi s'égarer... sur moi ! Ça devient l'anarchie totale dans mon corps, quand il le scrute ainsi, sans pour autant qu'il ne paraisse déplacé ou libidineux. N'empêche que s'il l'était, ça ne me dérangerait pas non plus ! Mais il est intense, tellement que je crois voir des étoiles lorsqu'il remonte jusqu'à atteindre à nouveau mon visage.

Je me demande de quelle façon il me voit. M'observe-t-il comme n'importe quel autre homme le ferait, car je suis bien trop dévêtu pour y résister ? Comme une jeune femme qui ne s'estime pas assez et qui mendie l'amour à qui voudra bien lui donner ? Enfin, pour cela il faudrait qu'il connaisse ma définition de l'amour, et elle est loin d'être glorieuse. Je suis rongé de l'intérieur, le voit-il ?

L'espoir se glisse malgré moi dans mon cœur... celui qu'il puisse voir plus que ce que je ne parais être, ou devrai représenter pour lui. Mais ça ne nous mènerait nulle part, la situation resterait inchangée.

J'ai beaux avoir les jambes engourdis, le souffle trop court, le cœur désorienté et l'estomac infesté de petits insectes battants des ailes, je n'ai pas le droit d'espérer quoi que ce soit venant de James. Je serais prête à passer les portes de l'enfer, ne serait-ce que pour effleurer sa bouche. Mais je ne peux pas, même si je crois voir des signes, qui probablement n'existent pas.

- Tu devrais aller t'habiller, Ivy.

Sa voix me tire de ma doucereuse léthargie. Pour ne pas changer, ses deux billes bleues, et son timbre mélodieux, sont sur le point de m'achever et m'accorder une douce mort - à laquelle je n'ai aucun droit, of course. Mais là, l'ultime coup de grâce, ses doigts viennent remonter, si lentement que le temps me paraît figé, la bretelle de mon débardeur qui avait glissé sur mon épaule. Leurs pulpes s'attardent sur ma peau, ou bien est-ce encore mon imagination.

Honnêtement ? Je pense être véritablement morte, et accueilli aux porte du paradis. Oserais-je tenter les enfers de m'entraîner jusqu'à eux en goûtant cette bouche ? Je suis déjà morte après tout, alors pourquoi pas !

- Jamie chérie !

Non, c'est ça, l'ultime coup de grâce ! Ma mère, dont la voix aiguë semble partout autour de nous, me ramène à cette maudite réalité. Et ça me donne envie de tourner de l'œil. Cette fois, mes jambes flageolent vraiment sous le poids de mes peurs, mes erreurs et mes espoirs. Et tandis, que je me sens partir, un trop plein d'émotions et de pensées, toutes plus contradictoires les unes que les autres, les mains de Sexy Daddy encerclent les miennes, m'aidant à maintenir mon équilibre et retrouver mes esprits. Mais comment faire, quand il est si facile de tomber, de se noyer dans l'océan de ses yeux.

-Je suis prête dans une toute petite minute, James, intervient encore ma mère, de loin.

Sans rompre le contact, aussi bien visuel que physique, James s'exclame à son attention de prendre son temps, pendant que de mon côté, je lutte pour ne pas démarrer un feu avec tout ce que je ressens pour lui. Et comme si, enfin, lui aussi ressentait la brûlure de ma chair contre la sienne, il me relâche et s'écarte de moi. Debout devant moi, il semble attendre d'être sûr que je ne risque pas de définitivement rendre l'âme, avant de s'éloigner pour de bon après un dernier regard échangé. A-t-il lu dans mes pensées, tous ces fantasmes insensés ?

Constat de cette dernière demie heure : première hypothèse, mon ange-gardien est un putain d'alcolo, seconde hypothèse, je suis un foutu sims dont le créateur est l'être le plus sadique qui soit. Conclusion, il me faut mes pills, et fissa ! Je dois m'anesthésier d'urgence la tête, le corps... le cœur.

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