CHAPITRE 54


DICEY


Au bar avec Eiffel, je savoure ma tequila. Mes problèmes se dénouent peu à peu. Je sais que tout prendra du temps, mais je suis prêt à me battre pour ce qui en vaut la peine.

Libertine et Delta se tapent des barres à côté de nous.

— Prêt à faire de Veronica ta régulière ? me glisse Eiffel en confidence.

— Tranquille ! Je veux pas brûler les étapes.

— T'as raison. Mais traîne pas trop quand même. Tu sais qu'on aime bien officialiser les choses, ici.

J'opine du chef. Tout se passe à merveille avec Veronica. Seulement, je ne peux pas oublier d'un battement de cils son mensonge. J'ai fait le choix de passer à autre chose, de laisser cet événement derrière nous mais je ne peux pas non plus prétendre que cela n'a pas existé.

— La cohabitation se passe bien ?

— Ça va. Elle respecte mes limites.

Cela fait déjà plusieurs semaines. Veronica ne force pas les choses : elle me laisse l'espace dont j'ai besoin, sans que j'aie à lui demander quoi que ce soit. Son intuition ne faillit pas.

— Je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer que tu as des cernes. J'en déduis que la cohabitation se définit par un peu plus qu'un simple « ça va ».

Son sourire coquin fait émerger le mien.

— Je me disais aussi. Veinard !

— Des nouvelles des jumelles ?

Eiffel chasse cette idée d'un geste de la main.

— Ça m'est passé. Je suis pas fan des plans à trois, en fait.

— Je me serais contenté de la première phrase.

Mon frère éclate de rire puis boit une gorgée de sa tequila.

— Vous êtes bien les mêmes, toi et Veronica.

Avant que je puisse demander une explication, celle-ci débarque derrière le bar pour relayer Tania qui ne compte pas traîner. Si j'ai bien compris, elle emmène son fils à la patinoire cet après-midi.

Le prés' et Hook se hissent sur des tabourets.

— C'est ma tournée, La Corvée ! Tu sers tout le monde ?

— Appelle-moi La Corvée encore une fois et je balance à voix haute à quel point tu aimes les s...

— OK OK ! l'interromps-je en panique.

Il ne manquerait plus que mes manies soient révélées au grand jour.

— S'il te plaît, Veronica. C'est mieux ?

— Beaucoup mieux, admet-elle avec un sourire machiavélique plaqué sur les lèvres.

Eiffel se penche sur le bar et demande :

— Combien t'en veux pour me balancer ses petits secrets, beauté ?

J'empoigne son tee-shirt pour le remettre à sa place, sous les rires des autres. Je réalise seulement que nous sommes devenus le centre de l'attention.

— Au fait, on n'a toujours pas clôturé les paris, rappelle Hawk. Qui a gagné ?

Je frappe du poing sur le zinc.

— J'aimerais surtout savoir qui est à l'origine de cette idée, que je lui refasse sa dentition.

Libertine se lève et lâche :

— C'est moi ! Tu veux commencer par mes incisives ou mes molaires ?

Eh merde ! Pourquoi a-t-il fallu que ce soit elle ? Se frotter à Libertine revient à signer son arrêt de mort. Je serais prêt à prendre mes frères en un contre un quand ils veulent. Mais ma sœur ? Je ne suis pas fou.

Devant mon silence, elle ajoute :

— C'est ce qui me semblait ! Alors silence dans l'assistance ! Laissez-moi vérifier mes notes !

Elle sort son téléphone tandis qu'Eiffel balance à tout le monde la date à laquelle Veronica et moi avons couché ensemble pour la première fois. L'épisode de la réserve se voit étalé sur la place publique. Je me penche vers l'oreille du français et murmure :

— Tu me le paieras...

Libertine se hisse sur le bar, captivant tous nos regards. Même Veronica semble intriguée par l'issue des paris. Le souvenir de sa répartie sur le sujet est encore assez vivace dans mon esprit. Si elle avait su tenir sa langue, Eiffel n'aurait jamais été mis au courant.

— Désolé, prés' ! T'es hors course. Hook pareil.

Libertine se tourne vers Delta.

— T'étais pas loin ! Où est Hunter ? Vous transmettrez mais il est hors jeu aussi. Pareil pour moi !

Elle grimace.

— T'aurais pu te magner, quand même. Y a pas à tourner autour du pot, comme ça. Bref ! Avec une précision effrayante, le grand gagnant est Eiffel !

Mon frère relève le menton avec un air arrogant qui revendique fièrement un « je te l'avais dit » silencieux.

— Par ici la monnaie ! s'écrie-t-il.

Tout le monde sort des billets de ses poches pour les filer à Eiffel. Donc cette petite scène était prévue. Je comprends mieux pourquoi tout le monde s'est retrouvé en même temps ici. Je tente d'opposer un visage fermé pour contenir mon agacement. Ma vie sexuelle n'est pas un jeu, bordel !

Veronica ne semble pas s'en formaliser. Au contraire, elle se pince les lèvres pour contenir un fou rire. Alors qu'Eiffel rassemble ses billets en une liasse homogène, elle se penche vers lui et chuchote suffisamment fort pour que j'entende :

— Techniquement, c'est moi qui ai gagné.

Eiffel y réfléchit puis répond :

— Pas faux ! Je suis bon joueur. On fait moit-moit ?

Veronica le fixe droit dans les yeux, les coudes en appui sur le comptoir.

— Tu peux tout garder, j'ai déjà l'amour, pas besoin du fric. Je cède ma moitié à ta main droite avec plaisir. Paie-toi un peu de bon temps, avant de développer le syndrome du canal carpien !

La mâchoire d'Eiffel se décroche, j'éclate d'un rire franc. Il se tourne vers moi, sûrement à la recherche d'un peu de solidarité masculine. Je désigne Veronica avec fierté et lâche, goguenard :

— C'est ma meuf !

Je tends la main dans sa direction et elle tape dedans avec connivence. Eiffel range ses billets, boudeur.

— Je vous retiens, tous les deux !

— À ton service, beau parleur !

Tandis que les conversations se scindent et que l'attention se disperse, j'en profite pour murmurer à Veronica :

— À quelle heure tu finis ce soir ?

— Vingt-deux ! Pourquoi ? T'as une idée en tête ?

Je désigne mes frères et sœurs de la main, puis adresse un clin d'œil à la jolie blonde.

— Et si on leur donnait une nouvelle raison de parier ?


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