CHAPITRE 13


VERONICA



L'adrénaline coule dans mes veines à la seconde où j'arrive devant la porte du bureau de Hawk. N'ayant aucun talent surnaturel pour crocheter une serrure à l'aide d'une barrette, comme les Totally Spies, je compte très fort sur la notion de confiance au sein de ce MC. Les gens qui peuvent circuler ici sont en nombre restreint et sélectionnés prudemment par le président.

Autrement dit...

Bingo !

La poignée s'abaisse sans la moindre difficulté, m'ouvrant l'accès à la pièce. Cela confirme bien mon hypothèse : Hawk ne prend pas la peine de fermer à clef parce qu'il a foi en chaque personne qu'il laisse entrer chez lui. Si on me trouvait ici, je ne donnerais pas cher de ma peau.

Je clos derrière moi puis fonce directement vers le meuble en châtaignier qui trône juste devant la fenêtre. Celle-ci est protégée par des stores vénitiens qui m'empêcheront de me faire repérer de l'extérieur de la bâtisse.

Aussitôt, je plonge les mains dans le premier tiroir et en examine tout ce que je trouve. Un flingue scotché sur la paroi supérieure, par exemple. Du matériel en tout genre : trombones, gommes, crayons, agrafeuse. Dans celui du dessous, je retrouve des intercalaires de couleur, classifiant différentes branches administratives relatives à la gestion des divers établissements abrités dans ce bâtiment.

Après un bon quart d'heure à examiner les documents, rien d'illégal ne me saute aux yeux. Tout semble en règle, à tel point que... c'en est trop parfait pour être crédible. Hawk laisse uniquement les affaires licites à portée de main, ce qui semble logique.

Je m'arrête alors, puis me mets à faire les cent pas dans la pièce, examinant chaque recoin avec une attention décuplée. Si j'étais un biker véreux qui trempe dans des activités illégales, où dissimulerais-je les papiers qui m'y relient ?

Personne ne conserverait volontairement de quoi se faire inculper en cas de descente de flics. Toutefois, si mon intuition ne me trompe pas, le casino est une vache à lait. Quel meilleur établissement pour laver de l'argent sale ? Hawk doit forcément garder des traces de toutes transactions louches. Rien que pour ne pas se mélanger les pinceaux entre les recettes légales et les extras.

Je ne peux pas me contenter de rapports fiscaux en règle pour mon roman. Ça n'intéressera personne et surtout pas Gary. Bon sang ! Je ne peux pas essuyer un second refus de la part de mon éditeur. Cela m'achèverait ! J'ai envie de croire que je peux avoir une grande carrière d'autrice.

Bouge-toi, Veronica !

Mon exploration se poursuit en tâtonnant sur les murs, à la recherche d'une irrégularité ainsi que dans les étagères de livres. Je tire sur chacun d'eux, dans l'espoir qu'un passage secret s'ouvre, en vain.

— Tu regardes trop de séries, ma vieille, me murmuré-je à moi-même.

Si je reste ici trop longtemps, je prends le risque que Connor ait fini de tirer sur son joint et décide de m'aider à chercher ma boucle d'oreille. Avec un peu de chance il me verrait à quatre pattes et profiterait de la vue. Je ne peux pas risquer d'être prise la main dans le sac.

Tant pis ! La mort dans l'âme, je quitte le bureau bredouille tout en me détachant les cheveux. Ce foutu élastique me donne mal au crâne.

À peine ai-je fermé la porte et fait trois pas qu'au croisement du couloir, je percute un torse solide comme la pierre. Je m'apprête à me fondre en excuse, confuse et terrifiée à l'idée d'avoir été vue sortant de la petite pièce, quand je réalise qui se trouve face à moi.

Dicey.

— Tu peux pas faire gaffe où tu vas ?! l'apostrophé-je.

C'est plus fort que moi, dès que je suis en sa présence, mon ressentiment s'exacerbe. Je donnerais père et mère pour qu'il me laisse indifférente. Pourquoi tout chez ce type embrase en moi des émotions que je ne contrôle pas ?

Il serre la mâchoire, gardant le silence. Maintenant que j'y prête attention, il se tient l'abdomen d'un bras et son tee-shirt... est maculé de sang. Les lèvres tremblantes, je bredouille :

— Qu... que s'est-il passé ?

— Rien ! articule-t-il sèchement.

D'un geste brutal, il m'écarte de son chemin et me dépasse, quand je le retiens par le poignet. Étonné, il se retourne puis me fusille du regard.

— Lâche-moi !

En dépit de son ordre, il n'use pas de la force pour se libérer. Il lui suffirait pourtant de tirer d'un coup sec pour rompre ma poigne. Se pourrait-il... qu'il ressente cette vive brûlure entre sa peau et la mienne ? Elle me fait mal et à la fois, elle m'hypnotise comme la flamme d'une bougie, m'empêchant de briser le contact.

— Laisse-moi regarder !

Nos regards s'affrontent. Je lutte contre l'envie irrésistible de baisser le mien face à l'intensité du sien. Il me pénètre avec tant d'ardeur qu'il m'en morcellerait l'âme.

— T'as été infirmière avant de servir des cocktails ?

— Tu serais surpris !

Je décide de le libérer, nourrissant l'espoir qu'il ne se fasse pas la belle suite à ma demande. Je fais un pas dans sa direction, il ne bouge pas. Il m'observe avec l'attention d'un félin qui a repéré sa proie et ne la laisserait s'échapper pour rien au monde.

J'avance les mains en direction des pans inférieurs de son tee-shirt, puis demande :

— Je peux ?

Une lueur d'étonnement passe dans ses prunelles noisette. Ben oui, il croyait quoi ? Que j'allais lui arracher ses fringues sans son consentement ?

Il hoche la tête quasi imperceptiblement. Si je n'avais pas été aussi attentive à sa réponse, j'aurais pu croire qu'il était resté immobile.

Je tire doucement sur le tissu poisseux qui colle à sa peau. En d'autres circonstances, j'aurais sûrement accusé un coup de chaud de découvrir enfin les abdos qui m'ont tant intriguée, sans plus aucune barrière pour les dissimuler.

Là, ma gorge se serre en découvrant un trou dans son abdomen. À en juger par sa taille et sa forme, je demande :

— Couteau ?

Nouveau hochement de tête. S'il grimace de douleur, il ne semble pas alarmé par la blessure. C'est une habitude chez lui de se faire poignarder ou de se ramasser des balles ?

Moi qui accusais une intense frustration de n'avoir rien trouvé dans le bureau de Hawk, il semblerait que ma chance vienne de tourner. Un MC clean qui ne trempe dans aucune activité louche ne conduit pas un de ses membres à se prendre un coup de cartouche par hasard !

En parlant de coup de cartouche...

Ressaisis-toi, Veronica !

Ce n'est pas le moment de céder à je ne sais quelle pensée étrange ! Et d'ailleurs c'est un coup de couteau, pas de cartouche. Je me répète ces mots plusieurs fois pour calmer mes ardeurs.

— Tu veux m'expliquer comment tu t'es fait ça ?

À son air revêche et ses pupilles qui forment un minuscule cercle noir, je devine que je n'aurai jamais la réponse à cette question. Pas en l'interrogeant de front, en tout cas.

— Il y a une trousse pharma, quelque part ?

Comme si Dicey venait de subir un électrochoc lui permettant de retrouver ses esprits, il recule d'un pas en secouant la tête.

— Je peux me débrouiller ! me lance-t-il sèchement.

— Ça va, pas besoin de jouer au gros dur ! contré-je. Tu t'es déjà fait des sutures ?

Ses lèvres s'entrouvrent, aucun ne son sort.

— C'est ce qui me semblait. Voilà ce que je te propose : tu me détestes en silence et je te recouds !

— On peut pas s'encadrer, toi et moi. À quoi ça rime ?

Un frisson me couvre la peau de chair de poule. Je ne sais pas à quoi cette situation rime, mais son timbre suave peut faire des alexandrins et des enjambements avec mon cerveau quand il veut.

Sérieux ?! Ça ne tourne pas rond dans ta tête, ma vieille !

— T'es un gros con ! Ça veut pas dire que j'ai envie de te voir te vider de ton sang. J'ai un minimum d'empathie.

Puis, d'un ton plus neutre, j'ajoute :

— Je ne suis pas un monstre.

Dicey efface la distance entre nous d'un pas, m'attrape fermement le menton, enfonce son regard droit dans le mien et rétorque froidement :

— Moi oui.

Une calotte glacière se forme autour de mon cœur. Je me sens gelée à l'intérieur tout à coup. Qu'entend-il par-là ?

Mes émotions sont toutes chamboulées. Elles s'entrechoquent dans un brouhaha qui m'empêche d'y voir clair. Sur le point de perdre le contrôle de la situation, je me focalise sur ce que je sais : il est blessé, je vais l'aider.

— Trousse pharma ! insisté-je en dissimulant mes mains tremblantes derrière mon dos.

— Par-là !

Il consent à me guider jusqu'aux vestiaires où je me change pour bosser au casino. Dans un placard se trouve tout un tas de médocs et un nécessaire de premier secours.

— Assieds-toi là !

— Je ne reçois pas d'ordre d'une brebis !

— La brebis elle va te coller son sabot dans la tronche !

Voyant que cette stratégie ne fonctionne pas, j'improvise :

— Ô suprême seigneur, dont la grandeur est un modèle d'inspiration pour nous autres, pauvres mortels égarés, consentiriez-vous à me faire l'honneur de prendre place sur ce banc afin que la lumière divine qui naquit autrefois au creux de la main de Marie puisse vous prodiguer les soins nécessaires ?

Dicey hausse un sourcil. Ses joues se détendent légèrement. J'ai même l'impression qu'il va sourire, mais il n'en fait rien. Natalie dit d'elle-même qu'elle est dure à dérider, ce n'est rien en comparaison de ce mec. Bon sang ! Ses zygomatiques sont en panne, ou quoi ?

Néanmoins, la carte de l'humour fonctionne puisqu'il s'assied enfin. Je récupère du désinfectant, des compresses hydrophiles, du fil, une pince, des ciseaux et un peu tout ce qui pourrait me servir dans le feu de l'action. J'ai déjà eu l'occasion de recoudre plusieurs femmes qui trempaient dans la prostitution lors de ma précédente infiltration. Jamais d'entailles aussi larges, cela dit... mais ça ne doit pas être sorcier, si ?

Mon premier réflexe aurait été de lui proposer de l'emmener à l'hôpital. Heureusement, j'ai eu la jugeote de garder cette offre stupide pour moi. Commençant à cerner le personnage, jamais il ne poserait un pied aux urgences, même s'il était grièvement blessé. Ce type est têtu comme une mule et pas du genre à s'abandonner aux mains d'un médecin si facilement.

— T'as déjà fait ça, au moins ? me demande-t-il tandis que je m'agenouille entre ses cuisses.

C'est carrément bizarre dit comme ça. Pourquoi mes reins s'enflamment ?

Vite, un peu de sarcasme pour détourner mes pensées.

— T'as peur que je te charcute ?

— Vu ta maladresse, les probabilités ne jouent pas en ma faveur, grogne-t-il en retirant son tee-shirt.

Je lui adresse un doigt d'honneur, il relève le menton. Il continue de conserver un air froid, mais je suis sûr que je l'amuse.

— Tu sais, on peut se détester et rire quand même. Ce n'est pas incompatible !

— Ah bon ?

— Ça détendrait l'atmosphère, le temps que je règle le problème. J'ai connu mieux comme conditions pour planter une aiguille dans la chair d'un type au QI d'une huître qui vous fusille du regard.

— Je te fusille pas du regard.

— Oh non ! Tu me déshabilles tendrement par la pureté de tes prunelles, raillé-je.

Dicey se tend. En réalité, c'est moi qui le reluque sous toutes les coutures. Mes yeux s'attardent un peu trop sur les deux tatouages représentant une flèche qui part de ses pectoraux en direction de ses épaules, ainsi que sur les nombreux bracelets qui habillent ses poignets.

— Relax ! Je plaisantais !

— Garde tes plaisanteries pour toi !

— Susceptible !

— Agaçante !

— Désagréable !

— Je-sais-tout !

— Prétentieux !

— Emmerdeuse !

— Arrogant !

Ses mâchoires se contractent.

— T'as perdu ! lancé-je avec un sourire que je ne peux contenir.

Il tourne la tête pour couper court à ce ping-pong oratoire. Refusant de le laisser tomber dans le mutisme, je rebondis sur l'une de ces phrases :

— En parlant de probabilités, pourquoi tu joues toujours avec un dé ?

— Je suis un grand fan du Monopoly.

— Ça se voit !

Il continue de regarder ailleurs, évitant soigneusement mon regard. C'est marrant, c'est moi qui devrais agir ainsi et pas l'inverse, quand on considère la manière dont il me fait me sentir sans même me toucher. La caresse de son regard m'évoque une douceur si brutale qu'elle pourrait me déchirer avec une facilité enfantine. Pour le reste du monde, je suis un roc, pour Dicey, je ne suis rien de plus qu'une feuille de papier à cigarette.

— On peut savoir ce que tu faisais dans ce couloir ? me demande-t-il tout à coup.

Je me raidis par réflexe et j'ose espérer que ça ne s'est pas remarqué.

Joue-la cool, Veronica !

— J'ai perdu une boucle d'oreille ! J'étais en train de la chercher.

— Dans le couloir ?

— Non, non : au pentagone.

J'arque un sourcil quand ses prunelles incisives reviennent se poser sur moi.

— Évidemment, dans le couloir ! tranché-je.

De nature suspicieuse, il ne peut s'empêcher de vérifier mes dires. Mes cheveux recouvrant mes deux oreilles, je les décale de la droite afin qu'il puisse voir de quoi il s'agit : un simple anneau doré de moyenne envergure. Je m'apprête à faire de même pour la gauche, quand il me coiffe au poteau : ses longs doigts osseux glissent entre mes mèches, frôlent ma tempe et m'infligent un délicieux frisson. Il soulève une portion de cheveux pour libérer la vue sur mon lobe, puis les cale de manière identique à l'autre côté.

La sensualité de ce geste me donne le tournis. L'espace d'une seconde, je crois même voir des étoiles tournoyer au-dessus de sa tête.

Ses lèvres se meuvent étrangement pendant qu'il s'exécute, comme si elles dansaient dans la torpeur de la nuit. Quand il prend la parole, je me sens mourir de l'intérieur.

— C'est vrai...

La gorge serrée, je bredouille :

— Qu... qu'est-ce qui est... qui est vrai ?

Pourquoi me fait-il perdre tous mes moyens ? Est-ce l'aura sombre qui serpente autour de lui tel un nuage de ténèbres toxiques ? Ce type est dangereux, tous les signaux sont au rouge. Mon corps tire la sonnette d'alarme depuis le début et me hurle de prendre mes jambes à mon cou.

Pourtant, l'exaltation l'emporte haut-la-main ! Je ne me suis jamais sentie aussi vivante qu'à travers la peur que je ressens en sa présence. Celle-ci n'est pas seule... d'autres nuances l'accompagnent, je n'arrive simplement pas à les cerner.

— C'est vrai que t'as l'air con avec une seule boucle d'oreille !

Douche froide. Tout ce que je ressens retombe comme un soufflé, couvert une nouvelle fois par une colère que seul Dicey sait m'insuffler.

Je décide de ne plus parler quelques instants, pour me concentrer sur mes sutures. Je craignais de lui faire mal, son manque de manières vient de régler le problème : tant mieux s'il souffre. Ça lui apprendra à m'éconduire sans le moindre respect.

— Tu sais, ne puis-je m'empêcher de dire en enfonçant l'aiguille dans sa peau, je crois que je préférais quand tu fermais ta bouche.

— Arrête de poser des questions da...

J'enfonce mon aiguille sans ménagement, lui tirant une grimace. Un sourire m'habille le coin des lèvres, sans que j'aie le moindre contrôle dessus.

— ... dans ce cas ! achève-t-il.

— J'aime trop parler pour ça ! Si t'avais pas envie de me répondre, fallait t'appeler Mute ou Quiet, pas Dicey !

— T'as toujours réponse à tout, toi ! Pas vrai ?

— C'est ce qui fait mon charme, il paraît !

— C'est ce qui me donne envie de te remettre à ta place !

— Ouuh, j'ai peur !

Sans plus aucun sarcasme dans sa voix, Dicey répond :

— Tu devrais.

Son timbre ne s'est pas fait menaçant. Pire : il était neutre. Les cheveux se dressent sur ma nuque. Cela fait deux fois qu'il me confie à quel point il est dangereux, sans jamais en rajouter. Il se contente d'exposer un fait.

C'est ce qui achève de me convaincre qu'il ne ment pas plus qu'il n'exagère.

— Où sont les autres ?

Le fil s'étend entre les deux pans de peaux ouvertes, tandis que je continue de piquer. Au fur et à mesure, l'écart se rétrécit. Dicey continue de grimacer à plusieurs reprises, même s'il aimerait pouvoir ignorer complètement la douleur. Il s'agit-là de mon unique lot de consolation : savoir que je ne le laisse pas insensible à mon tour.

— Occupés à régler des trucs.

— Y en a pas un qui s'est inquiété de te voir blessé ?

— Personne n'a rien vu.

Il a marqué une hésitation sur le mot personne. J'en conclus que si un ou deux de ses frères ont remarqué quoi que ce soit, il a réussi à les rassurer en disant qu'il allait se débrouiller.

La peau fine de ses abdominaux me donne du fil à retordre, sans mauvais jeu de mot. J'ai parfois l'impression que Dicey n'a pas assez de chair pour que je puisse verrouiller la plaie et couvrir les dégâts.

— Tu ne m'as toujours pas répondu pour ton dé, lui fais-je remarquer alors que j'achève mon dernier point.

— Cette jolie bouche devrait surveiller ce qu'elle dit. La curiosité est un vilain défaut, surtout chez les bikers.

Jolie ! Il a vraiment dit jolie ? Je devrais m'en foutre, mais ça me fait à nouveau frissonner. Bon sang ! J'ai contracté la fièvre ou quoi ?

— Je ne suis pas l'une des vôtres, je sers des cocktails. Ma jolie bouche va continuer à se mêler de ce qui ne la regarde pas. C'est sa spécialité !

— Tu comptes te taire, un jour ?

Je pose les ciseaux et le fil en trop à côté de Dicey sur le banc. Toujours à genoux entre ses cuisses, je relève la tête pour ancrer mon regard au sien. Il a beau me terrifier, je n'ai pas envie de me détourner, ni même de clore mes paupières. Je me sens d'humeur à la rébellion, prête à faire la guerre.

— Fais-moi taire ! le défié-je.

Dicey m'attrape violemment le visage dans sa poigne de fer. Ses doigts écrasent les os de mes mâchoires mais j'ignore la douleur. Pas question de le laisser savoir qu'il me fait mal ! Je continue de le fixer sans broncher ! Du coin de l'œil, je ne peux m'empêcher de mater ses lèvres pincées. La supérieure me rappelle un arc bandé, prêt à envoyer une flèche en plein cœur de sa victime.

Serait-ce moi, la victime de cette histoire ?

Dicey approche son visage du mien. Chaque centimètre qui le rapproche de moi consume l'oxygène qui nous sépare. Lorsqu'il me suffirait de tendre la bouche pour effleurer sa peau, je suffoque. Plus aucun air n'entre dans mes poumons. Sa présence tarit toute essence vitale. Il est sinistre. Toxique. Malsain.

Rien de ce qu'il pourra m'apporter ne sera bon. Pourtant, je meurs d'envie de goûter à ses ténèbres. De les croquer à pleines dents pour pénétrer dans un univers qui me terrifie. Pour lâcher prise et repousser mes limites. Pour m'abandonner pleinement à l'étreinte de ce serpent dont le venin parcourt déjà mes veines.

Embrasse-moi ! Mais embrasse-moi, putain !

Au lieu de quoi, ses lèvres s'agitent pour murmurer :

— Tu n'as aucune idée de qui je suis...

Sa pulpe rosée effleure pratiquement la mienne. Il suffirait d'un rien pour que je me gorge de sa saveur. Mon cœur tambourine, mes jambes fébriles tremblent et menacent de me laisser tomber sur le flanc. Le seul maître de mon équilibre, à présent, c'est Dicey et sa poigne glaciale qui me brûle les chairs.

— ... ni du mal que je pourrais te faire. Tiens-toi loin de moi !

Il me lâche brusquement et je m'affaisse sur le carrelage froid. Sans la moindre considération pour moi, il m'enjambe puis quitte le vestiaire sans un regard en arrière.



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