Chapitre 3 ( Partie I)

Média :

Jacob Banks - Unknown (To You)

***

C U R T I S

D'habitude, je ne reste pas plusieurs jours au même endroit pour dealer, mais ce soir un étrange sentiment m'a amené jusqu'à ce lampadaire. Mon regard se porte sur sa maison. De là où je me tiens, je sens les bases de la musique qui filtre à travers les fenêtres entrouvertes. Les mains dans les poches, le regard baissé sur le sol, j'entends un vélo arriver puis s'arrêter. Quand mes yeux se posent sur elle, j'ai besoin de faire un pas dans sa direction. Je me retiens de justesse de le faire. Je n'ai aucune envie de m'approcher d'elle, je n'ai rien à y gagner et elle non plus. Je me contente de l'observer rentrer chez elle à reculons, elle ne me voit pas sur le trottoir d'en face. Personne ne me voit, je suis l'être invisible qui détruit la vie de ceux qui n'ont plus rien à quoi se rattacher. Sans Amy, moi aussi j'irais voir une personne capable de me vendre l'illusion que ma vie n'est pas horrible l'espace de quelques heures. On en est arrivé là, à se saigner, dans tous les sens du terme, pour s'évader, pour oublier. Mais, je sais que peu importe la drogue que je prendrais, je ne pourrai jamais oublier celui que je suis devenu.

Mon regard se porte une nouvelle fois sur elle. Ses cheveux blonds sont relevés en une queue de cheval me permettant de détailler son visage. Ses traits sont trop lisses, trop innocents pour le quartier. Ses lèvres qu'elle n'arrête pas de mordiller forment une ligne amère, son nez est retroussé, son menton rentré prouvant qu'elle n'a aucune envie d'être là.

Aucun client ne se présente ce qui me laisse tout le temps de la voir discuter avec un homme sans en saisir le contenu puis s'asseoir sur les marches de son perron. Elle semble isolée devant cette maison pleine de fêtards. J'amorce un pas dans sa direction, mais je m'arrête et plisse les paupières quand je remarque une silhouette sortir de l'ombre et s'avancer vers elle. Encore une fois ? de là où je me tiens je n'entends rien de leur échange, elle a croisé les bras contre sa poitrine et adopte une attitude défensive. Avant que mon cerveau ne le comprenne, je me retrouve plus près. Leur discussion parvient jusqu'à moi.

— Si j'avais voulu de tes nouvelles, je t'aurai appelé Trey. Ce que je n'ai pas fait et ne ferais jamais ! Je veux que tu dégages d'ici !

Dans la pénombre, il m'est difficile de le voir totalement, mais son profil me semble familier. Je suis tellement focalisé sur ses traits que je n'écoute plus leur conversation. Je détaille ses vêtements, trop luxueux pour le quartier. Mes yeux se portent plus loin dans la rue, aucune chance que ce fils à papa soit venu à pied. Ha, la voilà garée à trois cents mètres. Aussi tape-à-l'œil que ses fringues. Mon attention revient sur elle quand je la vois se lever d'un coup.

— Dégage d'ici Trey, insiste-t-elle d'une voix menaçante.

Lorsqu'il amorce un pas dans sa direction, elle se met à trembler, mais je ne saurais dire si c'est de peur ou de colère.

— Ne t'approche pas de moi.

— Oh, allez...

Je m'avance et sors de la pénombre. D'un air indifférent, j'appuie mes avant-bras sur la clôture en bois. Je me racle la gorge. Tous deux sursautent. Ses yeux à elle s'agrandissent quand elle me voit puis ses sourcils se froncent. Lui, me dévisage, ouvertement agacé par ma présence. Je l'ignore, sans aucun effort.

— Trey, tu devrais partir, lui dis-je sans le regarder.

— Qui êtes-vous ?

Je me tourne vers lui, il a un mouvement de recul et sa bouche forme une grimace.

— Je ne crois pas que ça te regarde, déclaré-je d'un ton froid.

Sa mâchoire se serre. Je rêve qu'il tente de me frapper, ça fait longtemps que je n'ai pas eu une bonne bagarre. Je hausse les sourcils dans l'attente, mais il se détourne et la regarde avant de dire :

— Je pars, mais on se reverra chez ton père.

Elle ne lui répond pas, son regard reste fixé sur moi. Ses tremblements ont cessé, mais son corps est tendu. C'est seulement au moment où on entend le moteur de la caisse de cet enfoiré qu'elle me parle.

— Qu'est-ce que vous faites ici ?

— Je me promenais.

Il est hors de question que je lui dise la vérité. J'imagine très bien quelle image elle a de moi, je n'ai pas envie de la ternir encore plus.

— Je vois.

Son ton est suspicieux, je ne suis pas certain qu'elle me croie.

— Tu devrais rentrer, lui dis-je, sans bouger.

— Est-ce que tu t'es arrêté pour me dire ce que je dois faire ?

Donc, elle ne me tutoie plus ? À vrai dire, je préfère ça. C'est le seul rapprochement qu'il pourrait y avoir entre nous.

— Non, seulement parce que tu avais l'air d'avoir besoin d'aide.

— Je t'ai déjà dit que je n'avais pas besoin d'être sauvée, réplique-t-elle en croisant les bras contre sa poitrine.

— Dans ce cas, je peux demander à Trey s'il veut venir te tenir compagnie. Il n'est toujours pas parti.

Ses yeux s'agrandissent de stupeur.

— Comment tu sais ça ?

Elle s'approche quand je lui désigne la voiture garée un peu plus bas. Elle lâche un juron puis secoue la tête. Frustrée ? En colère ? Effrayée ? J'ai l'impression que c'est un mélange des trois, mais je ne la connais pas assez pour la jauger.

— Passe une bonne soirée, Twinkle.

Je passe les mains dans mes poches et remets ma capuche avant de m'éloigner d'elle. Je ne sais pas pourquoi je l'ai appelée comme ça et honnêtement je n'ai aucune envie de creuser la question.

— Attends, crie-t-elle dans mon dos.

Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule, elle glisse ses doigts dans ses cheveux et son regard bleu plongé dans le mien. Pas de mouvement de recul ? Pas de grimace à peine dissimulée ? Au fil du temps, c'est devenu tellement une habitude que je ne comprends pas quand les gens ne fuient pas en me voyant.

— Merci... Pour ce soir et pour hier aussi.

Je hausse les épaules.

— Je ne faisais que passer.

Ses yeux se posent sur la porte de la maison quand elle s'ouvre à la volée et qu'un mec vomit sur les marches à quelques pas d'elle.

— Est-ce que tu as déjà mangé ? me demande-t-elle, subitement.

— Quoi ?

Elle s'éloigne du fêtard et s'avance vers moi.

— Je meurs de faim et je n'ai aucune envie de rester ici.

— Je ne vois pas en quoi ça me concerne.

Je me détourne avant de changer d'avis. Manger avec elle ? Impensable. Je sens que si je reste près d'elle, je vais me créer un tas d'embrouille. Je reprends la direction de mon lampadaire. Je n'aurai jamais dû m'éloigner. Je n'entends plus ses pas dans mon dos, je soupire de soulagement, elle a compris qu'il ne servait à rien de me suivre.

— Je m'appelle Elsie, au fait, crié-t-elle.

Je me fige. Elsie. C'est la première fois que je me pense qu'un prénom est beau et qu'il colle parfaitement à la personne qui me fait face. Je secoue la tête et reprends ma marche.

— Tant mieux pour toi, réponds-je.

***

Hello ! Que de temps a passé depuis mon dernier post !

Je suis de retour ici, prête à jouer de mes doigts sadiques avec la vie d'Elsie et Curtis haha.

Curtis qui ne peut s'empêcher de surveiller "Moon" ( j'adore ce surnom).

La suite arrive dimanche soir :)

En attendant, prenez soin de vous ❤️

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top