Chapitre 2 (Partie II)

Média : 

James Arthur - You ft. Travis Barker

***

E L S I E

Mon corps se tétanise tandis que j'ancre mon regard dans celui si semblable au mien. La peur m'étreint et la sueur coule le long de mon dos. Non ! Je devais avoir plus de temps. Un an, il me restait un an. Pourquoi n'ai-je pas été prévenue ?

— Elsie, tu vas bien ? me demande Shelby.

Je sursaute, je serre fébrilement le torchon entre mes mains incapable de le quitter des yeux quand il s'approche de moi. Shelby pousse un léger sifflement quand elle l'aperçoit.

— Mamma mia, j'en ferai volontiers mon goûter.

— Ne le laisse jamais te toucher, répliqué-je vivement en la foudroyant du regard.

Bouche bée, elle me dévisage se demandant sûrement quelle mouche m'a piquée. Elle n'a pas le temps de m'interroger, car il prend la parole et mon monde s'écroule.

— Bonjour Sy. Ça fait longtemps.

Longtemps ? Pas assez pour moi. Sa voix est toujours pareille, profonde et veloutée. Le timbre d'un cobra qui envoûte sa proie.

— Tu ne me présentes pas, Sy ?

Je déteste ce surnom et il l'emploie à escient. Je serre les dents.

— Qu'est-ce que tu fous ici ?

— Je n'ai plus le droit de rendre visite à ma fille ?

Je le foudroie du regard. Je savais que j'aurais dû mettre les voiles dès le début, mais encore une fois j'ai été naïve.

— Je ne veux pas te voir.

Il hausse les épaules et s'installe à un tabouret. Je serre encore plus fort le torchon entre mes mains.

— Dans ce cas, j'aimerais avoir à manger. Tu sais depuis combien de temps je n'ai pas goûté à de vrais plats. Ceux de ta mère me manquent.

Je prends une brusque inspiration, la colère doit irradier de chacun de mes pores.

— Ne parle pas d'elle, sifflé-je, tu n'en as pas le droit.

— Fais attention Sy, ce n'est pas une façon de parler à un client.

— Je m'en occupe, intervient Shelby.

J'avais totalement oublié sa présence. Merde ! Je jette encore un regard noir à l'homme face à moi et tourne les talons pour me réfugier dans les vestiaires. Je dois me reprendre, il n'a plus aucune emprise sur moi. Il ne fait plus partie de ma vie depuis des années, il n'est plus rien. Je me passe une main sur le visage et inspire un grand coup. Je ne vais pas laisser sa réapparition détruire mes plans, je vais y arriver même s'il essaie de se mettre en travers de mon chemin. Forte de cette résolution, je retourne dans la salle et l'ignore pendant tout mon service. A une ou deux reprises, quand je sens son regard sur moi mes mains tremblent et je rattrape de justesse les assiettes avant qu'elles glissent entre mes doigts. Heureusement pour moi, il n'est pas dans la partie dont je m'occupe et il part avant que j'aie fini. Shelby m'a jeté des coups d'œil tout le long sans jamais venir me poser de questions, le rush en est probablement la cause.

Ma tension se relâche un peu et j'enchaîne les commandes sans problèmes. Jeff me demande si je peux assurer le service du soir, car Darin est tombé malade. J'accepte sans hésiter, la venue de mon père me motive à amasser le plus rapidement possible assez d'argent pour mettre les voiles. Comme je n'ai aucune envie de faire l'aller-retour entre le restaurant et chez moi, Jeff me permet de squatter son bureau pour une petite sieste avant de reprendre.

***

Je suis épuisée quand je sors du restaurant et monter sur mon vélo ne me fait pas envie, mais je n'ai pas d'autre option. En temps normal, Shelby aurait proposé de me ramener, mais elle n'a fait qu'un seul service aujourd'hui et je me vois mal demander aux autres. Je remonte la fermeture de ma veste à fond, resserre l'écharpe autour de mon cou, mon sac en bandoulière, je monte en selle.

Les conséquences de la présence de mon père ne cessent de tourner en boucle dans mon esprit. Est-ce que Ray est au courant ? C'est possible et vu nos rapports en ce moment il a trouvé ça normal de ne pas me tenir informé. Je serre les dents, en colère. Je préfère cette émotion à la tristesse qui ne m'a pas quitté les premiers mois.

Les muscles de mes cuisses sont en surchauffe quand j'arrive dans ma rue, j'ai hâte de rentrer, de me doucher et me coucher en croisant les doigts pour que Ray ne rentre pas de la nuit. Pourtant, je ralentis quand la maison est en vue et lâche un juron qui aurait outré ma grand-mère. Plusieurs voitures sont garées n'importe comment devant chez moi. Je n'aime pas être là quand il organise une sauterie, il le sait, mais ça ne l'empêche pas de le faire. Putain ! C'est vraiment ce qu'il me fallait pour clore cette journée de merde. Je descends de mon vélo et fais les derniers mètres à pieds. Une pléthore d'insultes traverse mon esprit, mon humeur ne cesse de s'assombrir quand je m'approche. Les basses de la musique de rap, les rires graveleux, les gloussements, les bouteilles qui s'entrechoquent et finissent par tomber au sol me donnent envie de faire demi-tour pour aller n'importe où sauf dans ma chambre. Je n'ai pas d'autre endroit où me rendre, je n'ai pas de refuges, je n'ai rien à part cette maison qui m'est dépouillée par mon frère. Ma gorge se noue, j'ai envie de pleurer, mais je ne lui ferai pas ce plaisir. Je prends une grande inspiration, ouvre le portillon et dépose mon vélo dans un coin. C'est un miracle s'il n'y a pas déjà quelques fêtards étendus sur la pelouse, ivres morts. Avant que j'aie pu ouvrir la porte, une femme sort accompagné de mon frère. Tandis qu'ils se roulent une pelle, je lève les yeux au ciel. Je me racle la gorge, Ray se détache à contrecœur de sa proie.

— Oh, voilà la fille prodige. Alors as-tu vu notre cher père ?

J'ouvre la bouche, mais la referme quand je comprends qu'il a aussi rendu visite à Ray. Est-ce qu'il est venu jusqu'ici ? Est-ce qu'il va revenir ? Ma panique doit se lire sur mon visage, car Ray renvoie sa conquête à l'intérieur. Quand il se tourne vers moi son air nonchalant a disparu. On se déteste en ce moment, mais ça n'a pas toujours été le cas. Fut un temps où on était comme les deux doigts de la main. Ray se passe une main dans les cheveux, mal à l'aise, il faut dire que c'est la première fois depuis des mois qu'on se parle vraiment et le sujet n'est pas joyeux.

— Je ne pense pas qu'il va revenir ici. Il est... Enfin, tu le connais, il aime fanfaronner, mais ça ne dure jamais avec nous.

— Tu savais qu'il était sorti ?

Il secoue la tête et mon cœur déjà malmené soupire de soulagement.

— Je vais partir quelques jours, m'annonce Ray, je n'aime pas le fait qu'il puisse venir ici n'importe quoi. Tu devrais dormir chez une copine pour être tranquille.

Est-ce que notre père est plus dangereux maintenant qu'avant d'aller en prison ? Un frisson glacial traverse ma nuque à cette pensée. Les traits de Ray se durcissent quand il me regarde longuement.

— On a nos désaccords, mais je t'aime petite sœur. Là où je vais, tu ne seras pas en sécurité, rien ne dit que je le serais, je ne peux pas t'emmener, mais je sais qu'il ne te fera rien si tu es avec ton amie.

Ses mots me touchent et me mettent les larmes aux yeux. Ça fait si longtemps que nous n'avons pas parlé de nos sentiments, de ce qui s'est passé ces dernières années. Mon souffle devient heurté et je prends une grande inspiration pour me contrôler.

— Je vais voir ce que je vais faire. Merci de m'avoir prévenue, ajouté-je avec un petit sourire.

Il hoche la tête et me tourne le dos pour reprendre le chemin de la maison. Avant d'entrer, il me fait face :

— Désolé pour la fête, je vais voir si je peux virer tout le monde.

Je n'ai pas le temps de lui répondre, il entre sans attendre. Je suis sûrement bouche bée, sidérée qu'il ait pris en compte mon bien-être. C'est la première fois depuis trop longtemps. Je lève les yeux sur la fenêtre du salon, même s'il met toute la volonté du monde, ça m'étonnerait qu'il arrive à déloger tous les fêtards. Je mets mes mains dans mes poches et m'assieds sur les marches du porche. La tête appuyée contre la poutre, je ferme un instant les yeux. J'essaie de faire le vide dans mon esprit, mais c'était sans compter sur une voix qui me fait frissonner. Se sont-ils donnés le mot ?

***
Bonsoir mes Lights!

Il semblerait qu'Elsie a une vie de famille aussi compliquée que celle de Curtis. Mais, il y a une lueur d'espoir avec Ray...
Avez-vous déjà des hypothèses ?

À votre avis qui vient la retrouver ?
À très vite ❤️

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