Chapitre 2 (Partie I)
Média :
Kwaye: Lost in my boots
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E L S I E
Je ferme la porte derrière moi et inspire profondément. Je n'arrive pas à croire que je sois passée à un cheveu de me faire violer. Si la chaine de mon vélo ne s'était pas cassée à quelques kilomètres de chez moi, je ne me serais jamais retrouvée sur la route de ce pervers. Pour aller plus vite j'ai abandonné mon vélo quand je l'ai vu se mettre à me suivre. Il va falloir que je retourne le chercher demain matin et le réparer avant d'aller bosser. Je repousse la mèche devant mes yeux. Je m'appuie lourdement contre la porte et attends que mes tremblements se soient calmés pour avancer. Les semelles de mes chaussures couinent sur le sol en mauvais état, mon regard se porte sur la peinture bleue décrépie. Mon nez se plisse quand l'odeur du tabac froid mélangé à autre chose agresse mes sens. J'allume le plafonnier et grimace en apercevant le bordel laissé par Ray, mon frère. Je pose mon sac sur le canapé et muselle mon envie d'aller le chercher dans sa chambre pour lui dire ce que je pense de sa façon de vivre. De toute manière, je n'ai pas envie d'y entrer. Soit, il n'est pas seul, soit il n'est pas là. Je ramasse les sachets de chips vides, les canettes de bière à moitié entamées et les cendriers pleins. Je jette le tout à la poubelle, certaine que tout sera encore là demain si je ne le fais pas. Je m'enferme dans ma chambre et ôte mes vêtements qui ne sont qu'un masque de la femme que j'étais avant que tout ne parte en vrille. Je claque la porte sur ses souvenirs horribles et me change rapidement. Je sors mes cours et m'allonge sur mon lit, l'esprit focalisé sur l'avenir.
Malgré moi, mon regard ne cesse d'être attiré par la rue visible à travers ma fenêtre. Même si elle a des barreaux, j'ai l'impression que ça n'arrêterait pas l'homme qui m'est venu en aide ce soir. Je n'avais pas tout de suite vu ce qui avait pu effrayer à ce point mon agresseur. Puis, je l'ai observé attentivement, j'ai retenu de justesse un mouvement de recul. Je ne voulais pas l'offenser ni le mettre en rogne. Je ne souhaitais même pas l'approcher, mais je devais le remercier. J'ai plongé mon regard dans le sien. Ses iris presque translucides avaient quelque chose de profondément sauvage. Mon épine dorsale est parcourue de frissons incontrôlables en y repensant. Mon agresseur a fui dès qu'il l'a reconnu, pourtant il m'est inconnu. Ses yeux vert émeraude me hantent comme si je les avais déjà vus quelque part. Je secoue la tête. Même si je suis intriguée, une part de moi cartésienne sait que je ne dois jamais me retrouver seule avec lui. Je n'y survivrai pas. Je le chasse donc de mes pensées et me concentre sur mes cours.
Une heure après, un bruit sourd puis un grognement très vite suivi de gloussement me parviennent. Je serre les dents et attrape mon lecteur audio et mes écouteurs. J'ai beau dire à mon frère que la maison n'est pas un baisodrome, il s'en moque totalement. On l'a héritée de notre grand-mère décédée il y a peu. Tout notre argent va dans les factures pour ne pas la perdre. Je ne sais pas où Ray trouve le sien, honnêtement je n'en ai cure. Le peu de fois où l'on se croise c'est pour se faire des reproches. La plupart viennent de moi. J'aimerais simplement que Ray arrête de se comporter comme un con et grandisse un peu. J'ai parfois l'impression d'être l'aînée de la famille, c'est épuisant. Je ne peux plus le supporter. J'ai besoin de partir d'ici, de ne plus porter ce fardeau. Pour ça, je dois employer tous les moyens à ma disposition. Reprendre mes études est l'un d'eux. Travailler jusqu'à l'épuisement est l'autre. Je pousse un soupir, le cerveau trop surchargé pour les cours. Je me redresse et pose mes bouquins au sol. Je n'ai pas de bureau. D'ailleurs, à part ce lit, je n'ai pas grand-chose ici. La plupart des meubles ont été vendus pour que nous puissions payer les factures qui s'accumulaient. Je n'ai pas hésité, mais étrangement la chambre de Ray est encore bien meublée. Je refoule l'amertume qui me ronge. D'ici quelques mois, tout ça n'aura plus d'importance. Je sens pratiquement la brise du renouveau sur mon visage. Ce changement, j'y ai le droit. Rien sur ma route ne m'empêchera d'y arriver.
***
Une tasse de café dans la main, le regard plissé, je détaille la femme face à moi. L'ambiance entre nous est lourde, par ma faute. Je n'ai pratiquement pas fermé les yeux de la nuit à cause de ses cris de hyènes. Même avec mes écouteurs j'ai réussi à les entendre et entre finir sourde à 30 ans et ne pas dormir de la nuit le choix a été rapide. Mais ma mauvaise humeur n'a fait qu'empirer au fil des heures. Dans un monde normal, dans une vie normale, je n'aurai eu qu'à frapper à la porte de mon frère pour lui dire d'arrêter ou aller dormir chez ma meilleure amie. Malheureusement, les contes de fées ne sont pas légion par chez moi. Mon frère ne m'aurait pas écouté et impossible de sortir de la maison à une heure aussi tardive sans risquer de reproduire le même évènement qui m'a obligé à rentrer en courant chez moi. Surtout que je n'ai pu récupérer mon vélo que ce matin alors que le soleil se levait à peine. Donc, me voilà, devant une blonde peroxydée avec des fringues bien trop luxueuses pour être d'ici. J'imagine que mon frère l'a croisé dans un bar, sûrement à Corktown, et qu'elle a voulu s'encanailler. Elle se tortille sous mon regard inquisiteur, je secoue la tête. J'espère qu'elle n'attend rien de mon frère si elle ne veut pas être déçue. Il ne s'engage pas, jamais. Voilà un point commun que nous avons. Il y a peu, je m'amusais comme lui. J'en avais besoin. J'étais à la recherche d'un peu de frissons, de n'importe quoi pour sortir de la monotonie qu'est devenu notre vie. C'est seulement aujourd'hui que je me rends compte que la monotonie avait du bon.
L'amante d'un soir de mon frère fixe ma tasse avec envie. Je soupire, certaine que ce crétin ne va pas sortir de sa chambre maintenant.
— Tu veux du café ?
— J'en veux bien. Merci.
Je lui tourne le dos, attrape une tasse vieillotte et lui sers du précieux breuvage en poudre. S'il n'est pas à son goût, elle n'en montre rien quand elle y plonge ses lèvres. Je finis rapidement mon petit-déjeuner pour ne pas être en retard. Avant de sortir de la pièce, je me tourne vers l'invitée démonstrative.
— S'il ne se réveille pas ou fait le mort, tu n'auras qu'à claquer la porte en partant.
Je n'attends pas sa réponse et je quitte la maison. Je caresse le chien errant que j'ai appelé Lucky puis enfourche mon vélo. Direction Eastern market.
J'arrive en avance au restaurant où je bosse. Jeff, le patron, est déjà là en train de réceptionner la marchandise. Il jette un coup d'œil par-dessus son épaule lorsqu'il entend la porte se fermer.
— Tu sais que je ne te paierais pas plus si tu viens en avance. Je ne comprends pas pourquoi tu te donnes cette peine.
— Bonjour à toi aussi Jeff, répliqué-je sarcastique. Comment vas-tu ? Bien ? Moi aussi.
Il sourit puis dépose un carton avant de faire le tour du comptoir pour me prendre dans ses bras. Même s'il sait que je déteste ça. Il fait au moins deux têtes de plus que moi, comme d'habitude sa tignasse blonde part dans tous les sens et ses yeux bleus pétillent. Il fait partie de la population que j'ai classé dans la catégorie « trop beau pour être vrai ».
— Je suis heureux d'avoir des bras supplémentaires pour m'aider, mais ça ne change rien à ce que j'ai dit. Tu devrais être encore chez toi !
Et subir la présence du coup d'un soir de mon frère ? Sans façon. Je me débarrasse de mon manteau que je jette sur un tabouret avant d'attacher mes cheveux en une queue de cheval haute.
— Au boulot, dis-je. Ça ne va pas se faire tout seul.
Il secoue la tête, mais n'insiste pas. Je n'ai aucune envie de rentrer chez moi. Moins je croise mon frère, mieux je me porte. Jeff pour l'avoir rencontré une fois le comprend. Je soupire et décide de ne plus m'appesantir sur ma relation avec Ray. Je m'attelle à la tâche et écoute Jeff me raconter comment, après mon départ, la soirée d'hier a failli tourner à la bagarre générale à cause des résultats du match de football. Apparemment, le fait que les Patriots gagnent à nouveau grâce à un certain Alexandre Mercier n'a pas plu aux supporteurs des Lions de Détroit. Je ne comprendrai jamais pourquoi les gens en viennent aux mains à la suite de résultats sportifs.
On a presque fini de tout déballer quand le reste de l'équipe arrive. Trois autres serveurs, Darin, Jerry et Shelby. Je salue rapidement les mecs avant de me tourner vers le rayon de soleil du restaurant. Je lui rends son sourire. Elle est ma meilleure amie. Noire, tresses violettes, un corps voluptueux que je lui envie. Un visage d'ange, un cœur de lionne. On a très vite sympathisé quand elle m'a formé lors de mon premier jour de boulot.
— J'espère que tu viens à peine d'arriver et que Jeff ne te fait pas travailler gratuitement, s'exclame-t-elle, les paupières plissées.
— Absolument.
— Je ne te crois pas.
Je hausse les épaules et appuie mes coudes sur le comptoir avant de me pencher vers elle.
— Au lieu de me réprimander, dis-moi comment ça s'est passé avec ton brun ténébreux !
— Décevant. Il en avait peut-être une grosse, mais il ne savait pas s'en servir.
J'éclate de rire. C'est ce que j'aime chez Shelby. Elle n'enrobe pas les choses, elle appelle un chat un chat. Avec elle, il n'y a pas de faux semblant.
— Ne ris pas. Je suis partie de chez lui plus frustrée sexuellement qu'en arrivant. Il faut vraiment que je trouve un mec qui comprend à quoi sert mon clito.
— Bonne chance.
— J'y crois. Dans les romans, les femmes trouvent toujours un mec qui les fait grimper au rideau dès le premier soir. Je veux connaître ça aussi.
— J'ai arrêté de croire à cette fable il y a longtemps.
Elle secoue la tête.
— Impossible que ça n'existe pas, marmonne-t-elle.
Je lui serre le bras et fais le tour du bar pour la rejoindre.
— Allons nous tuer à la tâche, ça nous évitera de penser aux mecs qui ne savent comment gérer nos corps de déesse.
Elle crochète son bras avec le mien et on se dirige vers les vestiaires. Shelby est ma bouffée d'air frais, sans elle j'aurais baissé les bras depuis longtemps.
Ma journée déjà malcommencée va s'améliorer avec la présence de Shelby à mes côtés. Du moins,c'est ce que je pensais avant de tomber sur la dernière personne que je souhaiterevoir.***
Et voilà mes Lights ( vous êtes les lumières dans ma vie, c'est un peu comme les paillettes haha), vous venez de faire la connaissance d'Elsie.
Une idée de qui vient lui rendre visite ? Faites vos paris, j'adore lire vos propositions !
Bon we et à la semaine prochaine ❤️
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