XXII



Me permettant, pour la dernière fois, d'être amoureux de lui.

À la frontière entre le sommeil et l'éveil, je flotte. Ne sachant pas où je me trouve. Ne sachant plus ce qu'il se passe. Néanmoins, je sens quand même une douce chaleur caresser ma joue. De longs doigts glisser le long de mon corps, tendrement, avant de s'en écarter.

Et puis, le froid prend aussitôt position de mes sens et je fronce les sourcils. La solitude prend possession de la pièce dans laquelle je suis, et cette désagréable sensation me force presque à me réveiller.

À ouvrir difficilement les paupières alors que certaines parties de mon corps se tendent de douleur. La douleur du aux précédents coups que j'ai reçu, mais aussi la douleur de cette nuit. De légères courbatures me rappelant que tout ce qu'il s'est passé, sur ce matelas, sous ces draps était réel.

Que l'autre personne avec moi l'était aussi.

Contrairement à d'autre.

Dans mon esprit, le visage de Yoongi se matérialise de nouveau. Son sourire, ses yeux, sa bouche, ses lèvres, et un pincement ne peut s'empêcher de serrer mon cœur. J'aurais tellement souhaité, plus que tout au monde, qu'il soit réel. Qu'une personne aussi bien que lui existe vraiment dans ce monde. Que toute sa gentillesse, tout son respect, toute son empathie soit vraie.

Et pas seulement, une invention idyllique et futile de mon esprit.

Une partie de mon esprit cherchant à me persuader que l'espoir existe encore dans ce monde. Alors que l'autre tentait de me prouver qu'il était mort depuis bien longtemps.

Difficilement, je me redresse. La pièce est encore plongée dans le noir, mais les rayons du soleil réussissent à filtrer à travers les volets et éclairent légèrement le lit. Le lit dans lequel je suis seul. Taehyung n'est pas là.

Taehyung n'est plus là.

Est ce qu'il s'est enfui en se rendant compte de ce qu'il venait de faire ? Est ce qu'il était dégoûté par ses actes ? Par moi encore ?

Peut être. Sûrement. De toute façon, il n'a aucune idée de ce qu'il veut. Il est encore plus perdu que moi.

Mes pieds touchent finalement le sol alors que je m'assois sur le bord du matelas. Observant la pièce autour de moi, observant mes vêtements et ceux de mon colocataire gisant encore par terre. Rapidement, je me redresse alors, enfilant des fringues au hasard avant d'aller dans la pièce principale, une pointe d'appréhension naissant dans ma gorge quand au fait de croiser Taehyung.

Seulement, que ce soit maintenant ou plus tard, je devrais quand même l'affronter, alors pourquoi attendre ? Inspirant profondément, je pousse finalement la porte de ma chambre. Et c'est sans surprise que je le vois, encore torse nu, à genoux près de la table basse.

Il observe quelque chose. Quelque chose qu'il tient entre ses mains. Les sourcils froncés. En le fixant plus précisément, je vois alors qu'il regarde avec attention une petite boite vide en plastique de forme cylindrique.

Prudemment, je me rapproche de lui, intrigué par ce qu'il est en train de faire. Et plus je brise la distance entre lui et moi, plus je reconnais ce qu'il tient. Cette boite m'appartient. Cette boite, c'est celle qui contenait, il y a quelques jours encore, mes médicaments. Ceux me servant à éloigner Namjoon et les autres voix.

Ceux me servant à paraître à peu près normal aux yeux de la société.

Ceux me permettant de ne plus me faire de mal.

Les yeux grands ouverts, je panique immédiatement face à la découverte qu'il a pu faire avancer de me rapprocher précipitamment de lui. Jusqu'à ce que nos regards se croisent, et qu'il se relève, un air perdu affiché sur son visage.

Seulement ce n'est pas tout. Pas encore. Je n'avais pas vu son autre main. Dans son autre main, il tient mon téléphone. Mon téléphone déverrouillé. Bien sûr, il a toujours connu mon code et je ne l'ai jamais changé depuis que nous nous sommes perdus de vue. En plus de trouver cette boite vide, il a regardé dans mon téléphone. Et je ne sais pas ce qu'il a pu y trouver.

Mais clairement, vu sa tête, il a du trouver quelque chose.

Ne me laissant pas le temps de dire quoi que ce soit, il se rapproche un peu de moi, jusqu'à poser son regard vers l'étui cylindrique.

- Kook... Je comprends pas. C'est quoi ça ?

Levant alors sa main pleine, il déglutit en replongeant ses pupilles sombres dans les miennes, en attente d'une explication qui tenterait de le rassurer.

- Putain Taehyung de quoi tu te mêles ?

Feignant plus l'énervement que l'affolement, je me saisis de ce qui siège au creux de sa paume, avant de me diriger vers mon téléphone. Seulement, ses doigts maintenant libres viennent s'emparer de mon poignet. Du mauvais poignet.

Aussitôt je grimace sentant sa peau frotter contre mes cicatrices pas encore complètement disparu. Et une des choses que je redoutais arrive finalement. Lentement, il retourne alors mon bras, mettant l'intérieur de ma peau face vers le plafond. Exposant dans le même temps, les marques de ce que je m'inflige.

- J'ai remarqué tes marques hier soir. Mais je n'ai rien voulu dire. Je ne voulais pas stopper ce qu'il était en train de se passer. Enfin, de toute façon, je n'aurais pas pu. Mais pour être honnête, je comptais t'en parler ce matin. Histoire que tu m'expliques. Mais avant que tu te réveilles, j'ai trouvé cette boite.

Déglutissant alors difficilement, il finit, la voix tremblante.

- Et je crois qu'il y a plus que ces marques sur tes poignets que tu dois m'expliquer.

En cet instant, je ne sais pas quoi. J'ai l'impression d'être dans une impasse. Une impasse dans laquelle Taehyung vient de me coincer. Et alors, comme un animal blessé et pris au piège, je me mets sur la défensive, prenant le plis de la violence pour m'en sortir.

- Je dois rien t'expliquer du tout Taehyung. Je ne te dois rien du tout tout court.

Tentant alors de m'échapper je secoue mon poignet, mais la poigne de mon colocataire est trop forte. Et clairement, il ne va pas me laisser m'enfuir. Pas avant de savoir ce qu'il a maintenant besoin de savoir.

Mais le truc, c'est que je ne suis pas près à lui dire. Je ne peux pas. Notre relation s'est basée sur un mensonge, comment est ce que je pourrais lui dire que c'est comme ça depuis des années. Que j'ai fait ça sous son nez pendant des mois.

Je ne suis pas près à expliquer mon insanité mentale. Et surtout pas à lui. Surtout pas après sa façon de réagir lorsque je lui ai dit que je l'aimais. Je ne peux plus lui faire confiance.

Me débattant encore plus, je tire de nouveau sur mon poignet, frottant douloureusement ma peau contre sa poigne.

- Lâche moi putain !

Mais rien n'y fait, il ne me laisse pas. Son regard sombre et sérieux dans le mien, il déglutit difficilement

- J'ai regardé le nom de ces médicaments sur internet. Ça dit que c'est pour calmer les symptômes du dédoublement de la personnalité, de la schizophrénie et de toutes ces conneries du genre.

Exacerbé, je répète la fin de sa phrase en riant jaune

- De toutes ces conneries du genre.

Comme d'habitude, il ne se rend pas compte de la portée de ses paroles. Il pense qu'il peut balancer ce genre de phrase en l'air, sans qu'il n'y ai aucune conséquence après.

Et pourtant, ce n'est pas finit. Tendant son doigt vers mon téléphone, il continue, la voix tremblante.

- Et puis, j'ai regardé ton téléphone. Je sais pas vraiment pourquoi. Pour avoir d'autres informations pour me rassurer. Histoire de me rassurer. De trouver une explication à ce paquet de cachetons. Et j'ai vu ce nom. Yoongi.

À l'entente de son prénom, un pincement crispe ma poitrine, et je détourne le regard, alors que mon colocataire ne s'arrête pas.

- Celui que tu as prononcé il y a quelques jours, sur le palier. Ce numéro que tu as enregistré et à qui tu as envoyé quelques messages. J'ai ouvert la conversation. Par jalousie je crois. Sauf que, je ne m'attendais pas à ça. Il n'y a jamais eu de réponses. Enfin, je veux dire, le truc, c'est que tu faisais les questions et les réponses. Comme si tu te parlais seul. Le numéro que tu as enregistré n'existe pas Kook.

Remontant mon regard déjà embué de larmes vers lui, je hausse la voix, une nouvelle fois.

- Je sais qu'il existe pas putain. Je sais que Yoongi n'est pas réel. Je le sais déjà. Je le sais...

Et puis, s'en est trop. Trop de tout le flot d'émotions qui me submerge. Trop de tout ce que je viens d'apprendre en peu de temps.

Je n'y arrive plus.

Et Taehyung ne me facilite pas la tâche. Posant prudemment sa main sur mon épaule, il se risque finalement à le demander. A me demander cette chose cette question qui lui brûle la langue depuis qu'il a fait ses découvertes.

- Jungkook. Tu es malade ?

Ma gorge est sèche, et je ne trouve même pas la force de lui répondre. De lui avouer que je lui mens depuis énormément de temps. Cachant tout ce que j'étais.

Par lâcheté.

Alors, voyant que je ne dis rien, il continue. Se lançant dans un discours foireux. Une route abrupte qui risque de lui coûter cher.

Qui risque de m'énerver beaucoup trop vite.

- Pourquoi tu m'as rien dit ? Pourquoi tu me n'en as jamais parlé ? Alors qu'on se connaît depuis des années.

Parce que ce qu'il dit, n'est pas vrai. Ou du moins n'est plus vrai.

Ça en deviendrait presque de l'hypocrisie à ce niveau.

- Je sais que j'ai pas été le meilleur des amis. La meilleure des personnes avec toi.

Ravalant mes larmes, ma mâchoire se contracte alors que les conneries de Taehyung semblent embaumer l'air de la pièce. Me rendant complètement électrique.

- Je sais que j'ai été un gros con. Un nombre incalculable de fois. Surtout ces derniers temps mais...

Et c'est le coup de grâce en attendant ses piètres excuses qui n'en sont pas.

Je lâche tout. Tout ce que j'aurais lui dire dès qu'il a commencé à me foutre la misère. Dès qu'il a commencé à changer.

- Mais quoi Taehyung ? T'aurais fait quoi ?

Relevant mon regard sombre vers le sien, je lâche tout. Toute ma rancœur. Toute ma déception. La déception que j'ai eue à son égard, face à son comportement immature et puérile.

- Tu m'aurais ménagé ? Tu aurais eu pitié de moi ? Peut être que tu ne m'aurais pas traité comme une merde si tu l'avais su ! Peut être que tu aurais pu refréner ton dégoût.

Tentant de se justifier, il essaye d'attraper ma main.

- Non, mais j'aurais été plus présent, j'aurais....

Seulement, il s'enfonce à chaque mot qu'il prononce. Et je n'ai clairement plus de retenue.

- Tu aurais plus présent ? Putain mais j'ai pas besoin de ta pitié Taehyung, j'ai déjà eu ma dose à ce niveau là, crois moi. C'est même préférable que tu me détestes, comme tu as su si bien le faire ces derniers jours. Comme les autres l'ont toujours fait avec moi.

Le poussant alors violemment du plat de la main, je le force à reculer de plusieurs pas, devant son air ébahie.

- Et puis tu sais, ma maladie et mes sentiments pour toi sont deux choses différentes. Je pourrais prendre autant de cachetons que je voudrais, faire un million de thérapies et de séjours à l'hôpital, je serais quand même tombé amoureux de toi Taehyung. C'est ça que tu as pas l'air de comprendre.

Ne désespérant pas, il se rapproche une nouvelle fois, posant ses deux mains sur mes épaules et collant son front contre le mien, tandis que moi, je ne bouge plus.

- Mais j'essaye de comprendre Jungkook, crois moi.

Puis, comme épuisé par tout ce merdier, je soupire.

- Sauf que maintenant tu arrives trop tard Taehyung. Je ne veux pas de quelqu'un comme toi dans ma vie. Je n'en veux plus

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