XVIII
Pourquoi est ce que Yoongi vient encore une fois de me trouver comme par magie ?
- Jungkook ? Réponds moi ?
Sa main se s'agite devant mon visage et je secoue légèrement la tête, sortant en même temps de mes pensées. Seulement, je n'arrive toujours pas à parler. M'enfermant dans un mutisme que je ne comprends même pas moi même.
Que je ne comprends pas, comme la situation d'ailleurs.
Namjoon vient de s'envoler et Yoongi vient d'apparaître. Comme si l'un avait fait fuir l'autre. Et ce n'est pas la première fois en plus. C'est vrai, plus j'y réfléchis plus cette situation semble déjà s'être reproduit plusieurs fois.
Yoongi a déjà réussi à faire fuir mon ombre rien que par son arrivée, rien que par sa présence, rien que par sa voix, par ses mots. Et même encore maintenant, je n'arrive pas à comprendre pourquoi. Surtout maintenant.
Les fois précédents, je voulais que Namjoon s'en aille, mais aujourd'hui c'est différent. Alors pourquoi est ce qu'il a disparu alors que je n'ai rien demandé ? Est ce seulement dû à la présence de Yoongi dans mon environnement où est ce que c'est plus profond ?
Je n'en ai toujours aucune foutue idée.
Je ne sais jamais rien de toute façon.
- Jungkook putain, dis quelque chose.
La voix de Yoongi résonne une nouvelle fois dans mon crâne et, mon regard, alors perdu dans le vide, retrouve le sien, sombre, concerné, inquiet à en crever.
Pourquoi faut il que son visage soit tellement expressif ?
Sa manière d'être avec moi me fout une pression que je n'arrive même pas à supporter ne serait ce qu'un peu. J'ai l'impression d'être oppressé. De devoir me retourner la tête pour ne pas l'inquiéter, pour ne pas le blesser. Pour essayer d'avoir l'air bien.
Mais même ça, feindre la vérité, je n'y arrive plus. Et je ne le veux même plus.
Alors je détourne ses interrogations, par une simple remarque en haussant les épaules, las.
- Tu dors jamais ma parole.
À mes mots, ses doigts retrouvent de nouveau mes joues et son visage s'approche dangereusement du mien. Son nez frôle mon nez. Ses pupilles restent complètement ancrées dans les miennes. Et je peux même sentir sa respiration fraîche contre mes lèvres.
Puis, d'un seul coup, il inspire bruyamment. Plusieurs fois. Avant de s'écarter aussi rapidement qu'il s'est approché.
- Attends tu as bu ?
Le ton de reproches qu'il vient de lancer me percute aussitôt, et à peine ai je eu le temps de comprendre sa phrase que je le repousse violemment, avant de me reculer d'un pas.
- De quoi tu te mêles ? T'es pas encore ma mère Yoongi ? J'ai le droit de boire si je veux boire.
Laissant ma phrase en suspend, je glisse alors mes poings dans mes poches avant de rouler des yeux pour finir par les poser sur le sol. Puis, comme si je me parlais à moi même, je termine, dans un murmure ironique.
- De toute façon je sais même pas si j'en ai une de mère ?
Et un père aussi.
Depuis combien de temps je ne les ai pas vu ?
Aucune foutue idée. Et ils ne me manquent pas. Ces connards m'ignorent depuis que j'ai été cliniquement diagnostiqué instable. C'est beau quand on y pense.
Faites des gosses ils disaient. Mais à la première difficulté ils se sont terrés comme des rats.
Je les hais tellement.
Mon regard, une énième fois, remonte vers mon vis à vis et je grimace.
De quoi est ce qu'il se mêle lui aussi. Si je n'ai pas eu de parents, je ne suis clairement pas prêt à accepter des leçons de morales venant d'un gars que je connais à peine. Que je ne connais pas du tout même.
C'est vrai. Je ne connais rien de lui.
Il ne m'a jamais parlé de lui. Ni de sa vie. Ni de rien.
On a jamais vraiment parlé en fait quand on était ensemble. Il se contentait de me serrer dans ses bras et de me consoler pendant que moi j'abandonnais, minutes par minutes. Et ça suffisait. Parce que je me raccrochais à lui en pensant à une image qui n'était clairement pas la sienne.
Mais maintenant ça ne suffit plus. Les apparences ne suffisent plus. Les impressions et les ressentis ne suffisent plus.
J'ai besoin de quelque chose de vrai. De concret. De réel.
J'ai besoin de ce que Namjoon veut me donner. Parce que la haine, est aujourd'hui, le seul sentiment qui a réussi à me faire vraiment me sentir vivant.
- Jungkook putain qu'est ce que tu as foutu ?
Sa main vient d'attraper mon poignet et me tire vers lui, sans me lâcher. Pour m'empêcher de m'échapper.
Seulement, je le repousse encore, avant de hausser le ton, l'irritation me remplissant peu à peu.
- Mais lâche moi Yoongi merde ! J'ai pas besoin de toi ! De quoi tu te mêles ! Je ne te connais même pas. Alors fous moi la paix !
Le temps de quelques secondes, une lueur de tristesse, de véritable souffrance traverse ses pupilles noircies par l'atmosphère régnant dans la rue, alors que ses points se crispent le long de son corps. La détresse qui aurait pu être la mienne quelques heures plus tôt mais qui maintenant le possède entièrement.
Et plus, je le regarde plus j'ai l'impression de voir le moi d'avant. Celui effrayé par n'importe quelle réaction un peu exagéré ou violente. Par n'importe quel signe d'énervement.
Alors là, en cet instant, c'est comme si le reflet de ma personne, se trouvait devant mes yeux.
Jusqu'à ce que, subitement, ses sourcils se froncent. Et, comme si ces secondes de faiblesses n'avaient jamais existé. Son aura semble changer du tout au tout. Et lentement, il redevient le Yoongi de d'avant.
Celui dont j'ai l'habitude.
Seulement en l'observant plus fixement, je vois petit à petit qu'il y a quelque chose de différent.
Quelque chose de plus profond. Quelque chose de plus sombre. Quelque chose que je n'avais jamais remarqué et qui pourtant avait toujours été là.
Pour la première fois, il semble irrité. Il semble irrité par ce que je lui ai dit. Il semble irrité parce qu'il ne peut humainement pas rester de marbre face à un flot d'insultes et de remarques complètement inappropriées.
Et, alors que la contrariété s'insuffle dans ses pupilles, je remarque que depuis le début, en plus de me faire penser au Taehyung d'avant dans sa façon d'être, il me fait penser à Namjoon.
Pas dans sa manière d'agir, mais plus dans ce qu'il dégage.
De ce qu'il dégage quand, peu à peu, je le pousse vers ses derniers retranchements et que je mets sa patience et son calme à l'épreuve.
Et alors, maintenant je me rends que compte que, pertinemment, il ne va pas laisser tomber. Qu'il va insister autant que je vais le faire. Qu'il va tenter de comprendre même si je le repousse, encore et encore.
Tentant alors de ne pas prendre en compte mes paroles précédentes, il me rattrape encore, et emprisonne mes mains dans les siennes. Et, de force, il me place face à son lui.
- Et alors ? Qu'est ce que ça peut faire ? Je t'ai déjà dit Jungkook. Je t'ai déjà dit que tu n'avais pas besoin de connaître quelqu'un pour vouloir l'aider.
Il reprend le dessus. Il prend le dessus de la situation. Sachant quoi me dire, sachant comment me parler pour que je redevienne fébrile. Mes doigts tremblent, ma mâchoire se crispe, ma voix se bloque et ma gorge se serre.
- Mais je veux pas de ton aide.
Et plus rien n'est crédible dans ce que je dis.
Parce que mes mots ne reflètent plus ce que je dégage.
- Alors je le ferais sans ton accord.
Sa main emprisonne encore plus la mienne. Son corps se rapproche du moi. Ses pupilles scrutent les miennes. Sur ses lèvres fleurit un sourire.
Il me sourit. Encore et malgré tout.
Malgré toutes mes tentatives vaines de le repousser. Malgré mes reproches. Malgré mon comportement puérile et ridicule.
Il reste là. Avec moi.
Alors qu'il n'a aucune idée du monstre que je suis.
Et là, le château de cartes s'effondre. Ce fragile et malheureux château de cartes sur lequel j'avais fait reposer mon semblant de rébellion se fait balayer. Et tout s'écroule autour moi. Mes fondations. Mes murs. Ma carapace. Tout ce que j'avais tenté de construire pour me protéger.
Tout part en fumée et ma réalité s'effrite.
- Putain mais pourquoi ? Pourquoi tu fais tout ça ?
J'arrive à peine à parler. Tentant de ravaler mes larmes, je renifle en baissant les yeux. Pathétique. Je suis tellement pathétique. Je ne sais plus quoi faire. Comment faire. Je n'arrive plus à me tirer d'une situation. Que ce soit celle ci ou une autre.
À chaque fois je me repose sur ceux qui sont là.
Que ce soit sur Yoongi ou sur Namjoon. Mais jamais je ne suis capable de me débrouiller seul.
- Kook....
Un murmure. Sa voix n'est plus qu'un murmure. Un souffle, à peine, prononçant mon nom. Comme s'il était précieux. Comme une relique. Je me sens tellement fragile. Comme si je pouvais me briser en un rien de temps. Seulement par le poids du désespoir se fracassant sur mes épaules.
Lentement, la main de Yoongi remonte jusqu'à mon visage, et ses doigts glacés caressent ma joue. Je frisonne aussitôt en fermant les paupières. C'est tellement étrange, ce que je ressens quand il me touche. Et je n'arrive pas à mettre des mots sur cette sensation.
Tout se chamboule dans mon esprit.
Plus rien n'est clair.Je suis complètement perdu.
Puis quand, je rouvre les yeux, tout se brouille. Le paysage. L'environnement autour de moi. La silhouette de Yoongi. Son visage, ses traits fins, ses yeux noirs en amandes. Tout est flou.
Le poids des regrets finit par outrepasser la barrière de mes paupières. Mes larmes glissent le long de mes joues, se mélangeant avec les derniers sillons de sang encore frais.
Mon corps me fait mal. Mon crane me fait mal. Mon visage me fait mal.
- Arrête de pleurer. S'il te plaît.
Les pouces de Yoongi viennent tenter de stopper mes pleurs, sans grand succès, mais encore une fois il essaye. S'acharnant presque. Jusqu'à ce que je me calme lentement.
- Pourquoi j'arrive jamais à rien Yoongi ? Pourquoi est ce que je fous tout en l'air ?
Puis, c'est comme si je m'infligeais à moi même le coup de grâce en prononçant cette dernière phrase, qui tourne dans mon crâne depuis trop longtemps déjà.
- Pourquoi est ce que je me sens tellement seul ?
Ses paumes se referment un peu plus sur mon visage alors que le sien se rapproche du mien. Jusqu'à ce que son front se pose contre le mien. Puis lentement, ses yeux se ferment alors qu'un sourire naît sur ses lèvres. Le plus beau sourire qu'il m'ait été donné de voir.
Puis dans un souffle, à peine compréhensible, il murmure des mots qui me sont adressés. Rien qu'à moi. Comme si c'était un secret. Un secret entre lui et moi. Un secret que le monde ne pouvait pas entendre. Que le monde ne devait pas entendre.
Ces paroles, de lui à moi.
Dans notre cercle, notre monde, qu'il créé à chaque seconde qui défile autour de nous.
- T'es pas seul Kook. Je suis là. Je serais toujours là. Jusqu'à la fin. Quoi que tu fasses. Quoi qu'il advienne.
Puis, comme si tout avait été planifié. Comme si la suite à ces paroles avait déjà été écrite depuis bien longtemps déjà, je sens le sol se dérober sous mes pieds. La terre n'existe plus. Le ciel n'existe plus.
La gravité n'est qu'un concept.
Le concept d'un contraste entre deux opposés.
Entre noir et blanc.
Entre chaud et froid.
Entre vérité et mensonge.
Plus rien n'est réel.
Plus rien à part le moment.
Un moment sacré, religieux presque biblique.
Tout ça a quelque chose d'interdit.
La sensation de ses lèvres contre les miennes.
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