XVII
Mais mon esprit n'a jamais été aussi libre.
Le visage dirigé vers le ciel sombre, orné de buildings, le dos aplati contre le béton, je grimace en sentant mon corps paralysé contre le sol. Mes muscles tremblent encore d'excitation, et mes poings continuent de bouger inconsciemment, en vain. Retenu par les épaules, je ne peux plus faire un seul geste.
On vient de me plaquer à terre, à l'exact moment où j'allais lancer l'ultime coup à l'homme qui m'avait provoqué. Peut être ont ils bien fait. Peut être pas. Je pense en tout cas que, si mon poing avait atteint son visage, j'aurai pu faire quelque chose d'irréversible. J'en suis sûr même.
Mais après, n'était ce pas ce dont j'avais besoin ?
Ce dont j'ai besoin maintenant ?
Ce que je mérite au plus profond de moi ?
Porter le poids de remords toute une vie ?
Enfin, ces questions ne sont plus d'actualité depuis la seconde où j'ai basculé en arrière. Avec les forces qu'il me reste, je tente toujours de me débattre, sans succès. Deux gars se trouvent au dessus de moi et l'un d'eux finit par prendre la parole, la voix teintée d'inquiétude ?
- Calme toi, gamin. T'as gagné, c'est fini.
Gagné. J'ai gagné. Mais qu'est ce que veut dire gagner au fond ? Le fait que j'ai mit ce gars à terre et remporter la sorte d'épreuve de force qui nous opposait signifie que j'ai gagné ?
Alors pourquoi est ce que j'ai pourtant l'impression d'avoir tout perdu ? Encore.
Constatant que je ne pourrais rien faire tant que les gars au dessus de moi n'auront pas jugé que je suis entièrement calmé, je reste sage et interdit. N'entrouvrant mes lèvres que pour respirer, tentant progressivement de faire diminuer les battements de mon cœur, essayant de dissimuler cette rage qui avait noyé mon esprit.
Par curiosité, je détourne légèrement ma tête vers le vieux que je viens de tabasse. Difficilement, je constate qu'il est en train de reprendre ses esprits. Autour de lui, trois mecs, sûrement ses amis, le relève, alors que son visage saigne de partout. Son nez, sûrement cassé vu son état, continue de pisser le sang, jusqu'à former une petite flaque sur le trottoir.
Le temps d'un instant, ses yeux croisent les miens, avant de se détourner aussitôt. Ses pupilles étaient emplies d'une sorte de terreur. Comme s'il venait de voir un monstre.
Je suis le monstre.
On m'a déjà regardé de cette manière. Plusieurs fois même. Mais cette fois c'est différent. Il ne me regarde pas comme un monstre parce que je le dégoûte, ou parce qu'il ne veut pas m'approcher. Il me regarde comme un monstre parce que je lui fait peur.
Il est terrifié. Et ça ce lit sur son visage.
Et pour être honnête, je n'aurais jamais pensé que le fait d'être regardé ainsi puisse être aussi grisant. C'est étrange mais sa façon de m'observer ne m'a pas dérangé, au contraire, en cet instant, je me suis senti puissant. Plus puissant que je ne l'ai jamais été. Je me suis senti supérieur à sa personne. En tout point.
- Tu vois, je te l'avais dit que tu aimerais ça.
Un sourire s'étire le long de mes lèvres au moment où la voix de Namjoon fait écho dans mon crâne. C'est vrai. Encore une fois, il avait raison. Je me demande encore pourquoi est ce que j'ai tant de fois douté de lui. La sensation qui traverse mes veines, en ce moment, je me dis que j'aurais dû l'accepter beaucoup plus tôt. Cela m'aurait sûrement évité une montagne de problèmes.
- C'est bon, vous pouvez me lâcher maintenant. Je me tire.
Secouant légèrement mes épaules pour leur faire comprendre que je me suis calmé, je pose mes mains sur le béton et pousse légèrement contre ce dernier pour tenter de me relever. Puis, sûrement fatigué de rester plantés dans cette position, les gars finissent par me faire confiance et ôtent leurs mains de moi. Avant de s'écarter de moi au moment où je me redresse entièrement. Puis sans m'accorder un seul dernier regard ou mot, ils rentrent à l'intérieur du bar, suivis par les dernières personnes qui restaient à me regarder.
Et finalement, je me retrouve de nouveau seul. Au milieu de la route. Le visage gonflé et douloureux. Mais ma solitude réduit de moitié au moment où une sorte de vent glacial vient faire frissonner mon échine. Derrière moi, je le sens déjà, Namjoon s'approche, calmement. Sa main se pose finalement sur mon épaule alors qu'il se poste à côté de moi.
- Tu veux rentrer ?
Les mains dans les poches, je hausse les épaules avant d'entamer le premier pas.
- Je sais même plus ce que je veux pour être honnête.
Suivant mon allure, lui aussi marche au même rythme que moi, sans aller moins, sans me dépasser non plus. Se contentant d'avancer à mes côtés.
- Tout foutre en l'air autour de toi semblait être une idée qui te plaisait tout à l'heure.
Roulant des yeux, je ris jaune.
- Non, ça c'est l'idée qui te plaisait à toi Namjoon.
- Tu sais Kook, si elle me plaît à moi, c'est qu'elle te plaît à toi au fond. Ne l'oublie pas.
Sous ses mots, je me stoppe alors, et quelques mètres plus loin, mon ombre fait de même avant de se retourner vers moi avant de me fixer. Puis, mon regard dans le sien, sans faiblir une seule fois, je lui expose la vérité, le fond de mes pensées.
- En partie. Tu n'es qu'une partie de moi. Ne l'oublie pas non plus.
Puis, n'attendant aucune réponse de sa part, je reprends ma marche, jusqu'à finir par le rattraper et, c'est au moment où je le dépasse finalement, qu'il murmure dans le creux de mon oreille.
- Pour l'instant.
Un sourire de satisfaction fleurit sur son visage alors que, de nouveau le silence s'instaure entre nous. La nuit sombre et froide m'entoure et je n'ai toujours aucune d'où est ce que je vais. Je me contente d'essayer de revenir sur mes pas. Malgré l'alcool qui agit toujours un peu sur mon esprit, j'essaye de me rappeler du chemin du retour. Par instinct, j'avance alors, jusqu'à reconnaître mon quartier habituel.
Passant tel un zombie dans les vitrines des magasins, je m'arrête soudainement devant l'un d'eux avant de me tourner vers la vitre. Ma silhouette se reflète aussitôt contre cette dernière et je m'observe, longuement.
J'observe mon visage légèrement sanguinolent. J'observe mon arcade ouverte et ma lèvre coupée. J'observe les cernes sous mes yeux et mes joues creusées.
Je ferais presque peur à voir. Non je fais peur à voir.
En soupirant, je détourne alors le regard en haussant les épaules. C'est ce que je voulais de toute façon. Et puis, maintenant, qu'est ce que je peux bien en avoir à foutre ? Plus rien ne m'importe.
Je suis seul. Entièrement seul. Placardé avec des démons qui me collent à la peau. Et à quoi bon essayer de les repousser alors qu'ils sont beaucoup plus forts que moi. Ils ont toutes les cartes en main. Alors que moi, je suis complètement désarmé. Depuis trop longtemps déjà.
M'abandonner à tout ça était la décision sensée que je pouvais prendre. De toute façon, tout le reste ne menait plus à rien.
Je continue toujours d'avancer, traînant des pieds. Je vais rentrer je crois. Je commence à fatiguer. Et puis je me suis assez fait tabasser pour la journée. Entre hier soir et cette nuit, je crois que j'ai eu ma dose.
Alors, dans l'angle de la rue, je tourne vers la droite, passant devant le parc. Et passant aussi devant le café de la dernière fois. Celui où j'étais avec Yoongi, tard dans la nuit. Où vraiment tôt le matin. Je ne sais plus vraiment.
Je souris nostalgiquement en voyant que ce dernier est ouvert puis je reprends ma marche, comme si de rien était. Namjoon quand à lui, toujours à mes côtés, continue de fixer le commerce légèrement éclairé, avec un étrange insistance. Ses sourcils se froncent légèrement et sa mâchoire se contracte.
Je me retourne vers lui immédiatement alors qu'un grognement d'irritation s'échappe de sa gorge. C'est étrange. Il est étrange. Je ne l'avais jamais vu réagir comme ça. Et puis, pourquoi est ce qu'il a l'air tellement en colère.
En plus, ce n'est pas sa colère habituelle. Ce n'est pas la colère qu'il aime tant, et qu'il veut à chaque fois faire exploser. C'est une colère plus primitive, plus réelle. Une colère qui, inconsciemment, semble l'effrayer aussi.
- Namjoon, tu...
Seulement, avoir même le temps de finir ma phrase, il se volatilise. Entièrement. Complètement. Comme s'il venait de s'enfuir. Pour se protéger. Il a disparu de mon champ de vision, mais aussi de mon esprit.
Et c'est la première fois que je suis entièrement conscient et calme lorsque cette chose se passe. Sa disparition se fait normalement quand je suis au bord de la panique. Seulement là, ce n'était pas le cas. Je ne voulais même pas qu'il parte pour être honnête.
Alors pourquoi a t il disparu ?
Tournant la tête rapidement, je regarde autour de moi, mais il n'y a plus aucun signe de lui. Et c'est comme si je me trouvais complètement désemparé. Seul sans vraiment savoir comment agir de la bonne manière.
- Jungkook !
Mon prénom fait écho dans la rue et dans mon crâne.
Je connais cette voix. Elle est familière. Presque trop. Et une boule se crée dans mon ventre et dans ma gorge. Je me retourne alors vers l'origine du bruit et, d'incompréhension, je fronce les sourcils en reculant d'un pas.
- Qu'est ce que...
Malheureusement, une nouvelle fois, je n'ai pas le temps de finir ma phrase. Des mains viennent tendrement entourer mon visage alors que des pupilles, sombres et emplies d'inquiétude se posent sur mon visage ravagé.
- Jungkook ?! Qu'il t'est arrivé ? Pourquoi est ce que tu es recouvert de sang ?
Mais j'entends à peine les questions qui sont en train de m'être posées. Parce que tout ce qui peut tourner actuellement dans ma tête, c'est l'éternelle question que je n'ai toujours pas réussi à m'expliquer.
Pourquoi est ce que Yoongi vient encore une fois de me trouver comme par magie ?
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