I
Les tics tacs de l'horloge résonnent bruyamment dans mon crâne, qui est actuellement une vraie caisse de résonance. Je grimace en agrippant ma tête alors que les bruits s'intensifient toujours un peu plus. À moitié recroquevillé sur le canapé, je sers nerveusement mon téléphone entre mes doigts en tentant de me calmer.
J'attends comme un désespéré depuis plus d'une heure que l'écran lumineux s'éclaire pour m'annoncer l'arrivée d'un message. Ou plutôt la réponse d'un message que j'ai envoyé à Taehyung il y a déjà beaucoup trop de temps pour moi.
C'est dans ce genre de moments que tout redevient noir autour de moi et que mes anciennes tendances reviennent. Je panique pour rien seulement parce qu'une personne à laquelle je tiens ne m'a donné aucun signe de vie depuis quelques heures à peine.
Je me sens devenir plus irrité. J'en veux au monde entier, je m'en veux à moi même et surtout, j'en veux à mon meilleur ami.
Putain, je lui avais pourtant dit que c'était urgent, qu'il fallait qu'il vienne parce que j'avais besoin de lui parler. Mais il ne doit pas m'avoir pris au sérieux, trop occupé à traîner avec ses amis idiots de son université toute aussi idiote.
Je les déteste tellement ses amis. Parfois je me dis même qu'ils devraient même crever. Ils ne méritent pas de vivre, parce que depuis quelques temps, ils entraînent Taehyung loin de moi, et ils le font changer.
C'est l'impression que j'ai en tout cas. Il sort de plus en plus en ce moment, il rentre à pas d'heure, ses vêtements sentent l'alcool et la clope. En gros, il me délaisse pour faire des soirées universitaires avec ses amis de son âge.
Dans le fond, je sais que c'est normal, et qu'il a une vie en dehors de moi, mais je n'arrive pas à l'accepter d'une certaine manière. Tout simplement parce que moi, contrairement à lui, je n'ai pas une tonne d'amis, je ne suis pas aussi sociable.
Tout simplement, parce que moi, en dehors de lui, il n'y a rien dans ma putain de chienne de vie.
Mes doigts tremblants lâchent finalement la prise autour de mon téléphone, qui s'écrase au sol, pour venir agripper mes cheveux violemment. Mes dents mordent ma lèvre inférieure tellement fort qu'une légère traînée de sang commence à couler le long de mon menton. Le monde se déforme autour de moi, alors que des murmures lointains assiègent lentement dans mon esprit.
Mes pupilles se dilatent rapidement et ma vision devient floue. Dans un élan de lucidité, sentant ma folie arriver, je me jette sur la boite cylindrique qui traîne sur la table basse, avant de l'ouvrir dans le creux de ma main. Une pilule blanche s'y pose, puis deux. Je referme l'étui avant de les faire glisser rapidement dans ma bouche, avant de respirer bruyamment.
Les tambourinements dans ma tête ne cessent pas encore, ils s'intensifient peu à peu, mais maintenant, au moins je sais qu'ils vont bientôt se calmer. J'ai encore quelques minutes à supporter avec qu'ils ne se calment. Je dois les supporter et ne pas céder à la tentation.
Je ne dois pas me lever.
Je ne dois aller dans la salle de bain.
Je ne dois pas ouvrir le deuxième tiroir de la première étagère.
Je ne dois pas saisir la lame qui s'y trouve.
Pourtant c'est ce que je suis en train de faire. Relevant mon visage vers le miroir, j'observe mes traits se crisper et mes yeux devenir comme fou. Mes pupilles sont presque entièrement noires et des ombres apparaissent déjà dans mon arrière plan.
Juste derrière moi.
Une main se pose sur mon épaule. Je ne la sens même pas. Pourtant je sais qu'elle est là. Et je lui souris en posant la lame sur mon poignet. La voix de la première ombre me murmure des mots que je ne comprends pas mais dont je devine quand même l'idée principale, dans le creux de mon oreille.
Je frissonne en sentant la lame froide s'appuyer un peu plus contre ma peau brûlante. Une goutte de sueur perle le long de ma joue alors que mes yeux commencent à s'embuer un peu plus à chaque seconde qui défile. Petit à petit, je sens ma raison revenir alors que les ombres derrière moi se brouillent.
Elles n'ont pas eu le temps d'avoir de l'emprise sur moi aujourd'hui. Les médicaments ne leur ont pas laissé le temps de devenir plus stable et de s'instaurer insidieusement dans mon esprit. Elles n'ont pas eu le temps de me mettre assez en confiance pour que je perde complètement la tête.
La lame s'échappe finalement de ma main pour venir s'écraser contre le carrelage froid dans un cliquetis bruyant. Puis, c'est à moi de me retrouver les genoux contre terre, inspirant profondément, tentant de retrouver une respiration relativement correcte.
C'est souvent comme ça quand Taehyung semble m'ignorer, où du moins quand moi je crois qu'il m'ignore. Je broie du noir et mon état empire, jusqu'à frôler l'incontrôlable.
Couché dans la salle de bain, je laisse alors les médicaments prendre le dessus sur moi. Je laisse les cachets me maîtriser et me rendre impuissant. La tête levée vers le plafond, je laisse le temps défiler en attendant avec une indescriptible envie que Taehyung passe la porte d'entrée.
Et c'est finalement, avec près de deux heures de retard, que le pan de bois s'ouvre enfin, laissant apparaître la silhouette élancée et enjouée de mon colocataire.
En ayant entendu la clé se battre avec la serrure, j'avais eu le temps de me relever et d'avoir l'air à peu près normal, après avoir bien entendu cacher mes pilules dans la poche arrière de mon jean. Je ne veux pas lui montrer les effets qu'ont son absence sur moi.
Je ne veux pas qu'il prenne conscience de mon état, ni même de mes problèmes. Je veux qu'il reste dans l'ignorance totale. C'est mieux pour lui. Je refuse de le faire culpabiliser, ne serait ce qu'une seconde. Même si parfois, juste pour le garder près de moi, j'avoue que cette idée me traverse l'esprit.
Mais je n'en fais rien. Tout simplement parce que mon ami croit qu'aujourd'hui je vais bien, et il n'a pas à s'inquiéter pour moi
C'est alors en fronçant légèrement les sourcils que je lui lance ironiquement et en cachant toute trace d'inquiétude.
- Enfin, Monsieur a daigné rentrer.
À peine sur le pas de la porte, je le vois rouler des yeux avant de s'avancer vers moi. D'autres personnes entrent aussi dans la pièce, des amis à lui. Certains que je connais dont Hoseok et Jimin et d'autres dont le visage me dit vaguement quelque chose.
D'un léger mouvement de tête, je salue ses amis qui semblent déjà faire comme chez eux en se dirigeant vers la cuisine pour se servir une bière. Taehyung quant à lui, s'avance enfin vers moi et pose sa main sur le haut de mon crâne.
- C'est bon détends toi Kook, je suis assez grand pour rentrer à l'heure qui me plaît, et puis, il est pas si tard que ça en plus.
Pour conclure sa phrase, il s'avachit alors à côté de moi et prend la télécommande qui traînait sur la table basse avant de faire défiler les chaînes de télévision une à une.
- Mais je t'avais dit que j'avais besoin de te parler.
Sous mes mots, il se tourna alors vers moi en haussant les épaules avant de refaire face à l'écran lumineux quelques secondes plus tard.
- Et bah parle moi vas y.
Je souffle une nouvelle fois, agacé qu'il se foute encore royalement de tout. De toute façon, c'est toujours comme ça ces derniers temps. J'ai l'impression de ne plus le reconnaître.
- Tae, je suis sérieux, je veux te parler c'est important.
Enfin important, c'est surtout important pour moi. Même si je n'avais pas grand-chose à lui dire. Je voulais plutôt juste trouver une excuse pour ne plus être seul. Parce qu'en ce moment, je n'aime pas être seul.
Les voix reviennent dans ma tête, et elles deviennent de plus en plus virulentes. Tout ça parce que Taehyung s'éloigne inlassablement de moi.
Je dépends clairement de lui. Et cette dépendance est en train de me faire imploser. Je sais parfaitement qu'elle n'est pas normale et qu'elle ne s'apparente pas à une amitié basique. Je sais parfaitement que ce que je ressens pour lui va au delà de ce qu'on est censé ressentir pour un simple ami.
J'ai pleinement conscience de mes réels sentiments pour lui.
Seulement, ça non plus je ne peux pas lui en parler. Mais d'un autre côté, j'ai besoin de lui dire, que mes angoisses reviennent quand il n'est pas là, quand il ne me donne pas de nouvelles.
Que j'ai besoin d'avoir ne serait ce qu'un peu de sa considération si je ne veux pas dérailler.
Pourtant, je n'ai pas la force ni le courage de lui avouer tout ça. Alors, résigné, je baisse la tête en soufflant.
- Laisse tomber. Tu comprends jamais rien de toute façon.
Sous ses mots, je me lève alors, empoignant mon cellulaire qui traînait encore sur le sol, pour aller me confiner dans ma chambre. Cependant, mon ami retient mon poignet fermement et m'empêche d'aller plus loin.
- Kook..., parle moi.
Son regard inquiet, celui que je ne lui avais pas vu depuis plusieurs années déjà m'atteins immédiatement et mon cœur se serre aussitôt. Mes sens s'embrouillent et ma respiration se saccade alors que ma peau me brûle à l'endroit où il me touche.
Ce genre de regards, de touchers, d'attentions qu'ils me portent dans certains moments me rendent confus et j'ai l'impression de pouvoir tout lui dire sans avoir à m'inquiéter de ce qu'il pensera de moi ou de la situation.
Mes yeux dans les siens, je reste interdit face à son regard franc et déterminé. Ses lèvres s'entrouvrent encore une fois pour presque implorer mon prénom et mes membres se tendent une nouvelle fois.
- Kook, s'il te plaît.
Quand je le vois, comme ça, il a l'ait tellement sincère. J'ai envie de lui faire entièrement confiance, j'ai envie de tout lui déballer, et surtout, j'ai envie de me dire que tout se passera bien après, et qu'il comprendra.
Mais comment comprendre une chose que moi même, je n'arrive pas à expliquer.
Pourtant, mon corps agit sans que mon cerveau lui en ai donné l'ordre et ma bouche s'entrouvre prête à prononcer quelques mots qui me pèsent depuis beaucoup trop longtemps maintenant.
Seulement, avant d'avoir pu dire quoi que ce soit, la main d'Hoseok vient attraper le poignet de Taehyung pour le tourner vers lui, avant de lui mettre son cellulaire en plein devant son visage.
- Putain Tae, alors comme ça tu nous caches que tu te tapes Sunmi ! Espèce de faux frère !
Puis, sous ses mots, le propriétaire du téléphone saute sur mon ami en rigolant avant de lui faire montrer le contenu de l'écran lumineux. Les yeux de Taehyung ont rapidement fuit les miens pour comprendre les dires de son pote alors que ses lèvres s'étirent en un énorme sourire en voyant finalement de quoi il parle, puis il lance.
- Je ne me tape pas Sunmi. Enfin...
Jimin arrivant lui aussi derrière Hoseok vient se poser sur le dossier du canapé et sourit.
- Alors c'est quoi ?
Et puis la réponse à cette question tomba trop soudainement, comme un énorme coup de poignard qu'on me planta en plein milieu du cœur.
- C'est ma copine.
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