3. LA PRÉPARATION

« Le marathon, c'était pour moi une montagne. Et même après l'avoir couru, cela reste une montagne... [...] Je n'avais jamais couru plus d'une heure dans ma vie. C'était un truc presque inatteignable. Mais ce côté mythique et mystique demeure. »
Amélie Mauresmo


« Le plus difficile pour moi dans la préparation, c'était de pratiquer un sport sans jeu, sans adversité. Compliqué pour des gens comme moi, escrimeurs, qui ont toujours été dans l'opposition pour pratiquer leur sport. Là, ton opposition, finalement, c'est toi-même, c'est toi qui construis ta propre adversité. »
Lionel Plumenail


T'as le cœur qui accélères et les jambes qui tirent. Ton visage se déforme en une grimace alors que tu finis le test de VMA habituel en cette reprise de début de saison. T'as l'impression que ton estomac va se retourner à cause de l'effort quand tu t'effondres par terre après les six minutes à courir le plus rapidement possible. Depuis quinze jours, tu as l'impression que les muscles de tes cuisses sont en feu et ne veulent pas se remettre. 

Tu avales des kilomètres à chaque entrainement et chaque jour qui passe, tu regrettes de lui avoir proposé de courir un marathon en sa compagnie. Car en réalité, tu détestes courir. Tu as toujours détesté ça, alors tu ne vois vraiment pas comment tu vas t'en sortir. Quand tu la vois se lever tous les jours pour aller traverser ville et campagne uniquement armée de ses chaussures quelle que soit la température et météo, tu ne vois vraiment pas comment tu vas pouvoir faire pareil. Parce que tu détestes les entrainements sous la pluie, alors devoir te forcer à aller courir seul juste pour un marathon, c'était complétement stupide. 

Une main se glisse dans la tienne pour t'aider à te relever. Un franc sourire t'est adressé par le défenseur qui t'a remis sur pieds. Il t'observe avec attention pendant quelques secondes et tu sais qu'il doit être en train d'analyser ton état. Tes jambes tremblent et tu te demandes si tu ne vas pas retomber. 

Eh ben, ça allait mieux l'an dernier !

La remarque est faite sur le ton de la blague par celui à l'accent écossais tant marqué. Ses prunelles pétillent une seconde de malice avant qu'il ne s'éloigne sans même rajouter quelque chose. Parfois, tu aimerais bien être comme Andy, parce que lui n'avait aucun mal à courir et tu savais même qu'il aimait ça. Tu avais connaissance de ses leçons de natation également, où il travaillait différemment son cœur. S'il était un excellent défenseur, il ne cachait pas son amour pour la course à pied, bien éloigné du tien ou de celui de la plupart des footballeurs prêts à tout pour éviter d'avoir à travailler ce qui était pourtant une part essentielle de votre travail. 

Alors que ton regard balaye le terrain et que tu marches avec difficulté pour rejoindre entraineur et préparateur physique, tu repenses une énième fois à ta proposition faite sous le coup de l'émotion un peu plus tôt dans l'été. Et comme à chaque fois que tu y penses depuis que tu as repris l'entrainement par la préparation physique, tu la regrettes énormément. Alors tu te rassures comme tu peux, t'attachant au fait que d'ici quatre ans, peut-être que tu aurais réellement trouvé la motivation pour faire ce marathon en compagnie de ta bien-aimée.


« Les sacrifices les plus pénibles lors de la préparation d'un marathon sont ceux que l'on impose à la famille notamment pour les sorties longues. C'est un sujet de discussion entre marathoniens : comment faire avaler à nos proches ces longs entrainements les dimanches, cela devient tout un art. »
Philippe Crouzet


Une joie intense te parcourt alors que tu enfiles tes chaussures de course. Tu en fixes les lacets à la perfection avant d'enfiler une veste de pluie légère. Tu t'apprêtes à franchir la porte d'entrée de ton chez-toi, quand tu as un mouvement de rappel. Tu finis par faire demi-tour et te retrouver dans le salon où ton compagnon est en train de faire des exercices d'étirements. Tu l'observes quelques secondes avant qu'il ne s'arrête et relève la tête quand il s'aperçoit que tu te tiens debout à quelques mètres de lui. 

Bon, ben j'y vais...

Un grand sourire s'installe sur ses traits alors qu'il se relève et te serre quelques secondes contre lui. Tu finis par t'éloigner pour te pencher sur le berceau à quelques dizaines de centimètres de là. Dans celui-ci, ton bébé dort profondément. Tu caresses d'un doux mouvement sa joue avant de te reculer légèrement. Une petite crainte t'étreint avant qu'un bras enveloppe ta taille et des lèvres se déposent sur le côté de ton front. 

Tout va bien se passer, ne t'inquiète pas je gère. 

Tu te détends dans les bras et viens pendant quelques secondes de plus te glisser contre ton petit-ami que tu serres fort contre lui. 

Profite bien. 

Tu déposes ta bouche sur sa joue avant de partir, non sans lancer un dernier regard en arrière. Tu espères que tout va bien se passer. Tu savais que ce jour où tu devrais reprendre l'entrainement finirait par arriver, mais tu ne sais pas si tu es réellement prête. C'est pourtant ce que te dis le préparateur physique ainsi que le médecin de la fédération. Mais tu n'es pas sûre d'être prête à la laisser elle après des journées passée à ses côtés.

Alors que tu effectues les premières foulées tu sens l'intégralité de tes muscles se tendre et les battements de ton cœur progressivement accélérer. Tu prêtes attention à la montre à ton poignet pour ne pas trop forcer. Lorsque tu vois ta vitesse tu ne sais pourtant pas quoi en penser. Le rythme est particulièrement lent pour ta première sortie et tu demandes quand a été la dernière fois que tu avalais aussi lentement les kilomètres. 

Et malgré que l'on t'ait prévenue, tu ne t'attendais pas à cela. Après cinq kilomètres, tu es obligée de faire un arrêt tant tu es fatiguée. Après des années à courir, tu n'as jamais eu l'impression de si peu connaitre ton corps. Tes jambes brûlent, tes poumons sont en feu, ton cœur semble sur le point de lâcher et tu comprends que tu t'es surestimée. Tu penses alors à ta fille qui t'attend et avec qui tu n'es pas en train de passer du temps. Est-ce que cela valait vraiment la peine de s'infliger ce que tu étais en train de t'infliger alors que tu aurais pu être en sa compagnie ? Est-ce que c'était normal d'en laisser la garde pendant une heure alors que ton compagnon avait aussi son propre entrainement ? 

Tu finis par te reprendre. C'était pas pour t'apitoyer sur ton niveau qu'il t'avait laissé partir mais parce qu'il connaissait ton rêve d'or olympique, celui qui vous motivait tous les deux. Alors tu reprends. Tu ralentis ta cadence encore un peu même si ça te fait mal au cœur d'être aussi lente. Cela reviendrait. Tu devais t'en convaincre. Les médecins avaient forcément raison. Ils avaient jusqu'à présent toujours eu raison lorsque tu les avais consultés. 

Quand tu finis ta demi-heure de course, t'es loin de ton record sur la distance, très très loin. Tu as été plus de deux fois plus lente. Mais alors que tu franchis la porte de ta maison et que tu es accueillie par le brun donnant son biberon à votre fille et te souriant tu ressens la même chose qu'à la fin d'un marathon, une agréable sensation où souffrance et satisfaction se mêlent. Et tu sais que tu viens de franchir la première étape de ton nouveau défi, les premiers kilomètres de ta préparation en direction de Paris. Celle que tu vois se terminer une nouvelle fois avec l'or trônant autour de ton cou. 


« À la fin, tu as hâte que ça se termine. Et puis dans ces ultimes moments, tu as peur de l'échec, peur de gâcher ces semaines de préparation. »
Hakim Bagy


T'as les mains abimées quand tu quittes le gymnase où tu as passé l'après-midi à t'entrainer. Tu les sens brûler là où elles ont frotté sur les agrès. Une grimace t'échappe alors que tu préférerais que cela ne soit pas le cas. Une demi-heure de bus plus tard, tu es de retour dans le village olympique en compagnie de tes coéquipiers et du préparateur physique de la fédération aux côtés de qui vous avez passé la matinée. À côté de toi, tu peux entendre plusieurs athlètes discuter de la cérémonie d'ouverture à laquelle tu n'as pas pu participer. Comme lors de chaque olympiade, vos épreuves commençaient dès le premier jour, vous privant de ce moment de festivités et de mélange entre tous les membres de la délégation. 

Mais si tu avais été prévenu à l'avance, ne pas pouvoir appartenir à ce moment si important pour l'intégralité des athlètes t'a fait mal au cœur. C'est encore plus le cas que cette fois-ci, c'est dans ta ville et ton pays qu'ils se déroulent. Voir ce que la Grande-Bretagne a montré d'elle au monde est donc quelque chose dont tu aurais aimé profiter, mais aussi des cris du public au passage de votre délégation. Pourtant, même si tu avais eu le choix, tu n'étais pas sûr que tu t'y serais rendu. Tu aurais eu bien trop peur que ce moment de déconcentration n'impacte ta future compétition et de t'en vouloir pendant des années. Parce que tu n'avais pas détruit ton corps jour après jour pour ne pas ramener de médaille. Et en ces derniers jours, tu remettais en question chacune de tes actions tant tu avais peur d'échouer à quelques minutes de ton objectif. 

Tu continues de tracer ta route dans le village pour te rendre dans le restaurant où les athlètes de tous les pays se mêlent le temps d'un repas. Tu passes devant un groupe de français qui semblent porter un regard suspicieux à la nourriture leur étant servie. Tu n'engages pourtant pas la discussion avec eux bien que l'envie d'échanger un pins' est forte. Ton estomac te rappelle bien trop qu'il a faim depuis un gros quart d'heure. Alors tu te dépêches de remplir ton plateau et de rejoindre tes coéquipiers déjà installés à table un peu plus loin. 

C'est à ce moment précis que la porte d'entrée est franchie par une blonde et une brune vêtues des mêmes habits que toi. Tu reconnais sur le champ la première pour l'avoir déjà croisée à des événements de sponsoring liés à Adidas, votre sponsor commun. Tu ne la quittes pas des yeux alors qu'elle se dirige vers la file où elle va commander à son tour son repas. Tu détailles son visage que tu avais déjà trouvé parfait alors que contrairement à aujourd'hui, il était maquillé. Tes iris sombres trainent une seconde sur son corps sec de journées entières passées à trop courir. Et dans ton esprit, les mêmes mots que ceux que tu avais pensé quand tu l'avais vue pour la première fois plusieurs mois plus tôt reviennent : Elle était magnifique. 

Son rire résonne bientôt alors qu'elles passent avec leurs plateaux derrière vous. Tu ne réfléchis pas plus longtemps et te décides à agir. Ce village, c'était peut-être le seul moyen que tu puisses apprendre à la connaitre réellement. Alors compétition ou pas, tu comptais bien profiter de sa présence dans les lieux pendant quinze jours, ou au moins lui adresser la parole et non l'observer de loin comme c'était le cas lors de votre précédente rencontre. Toute ta raison, celle concentrée depuis des semaines sur cette unique compétition t'abandonne le temps de quelques secondes.

On a une place si tu veux.

Elle s'arrête et se tourne vers toi. Ses prunelles brillent de sympathie alors qu'elle fait un léger demi-tour pour venir s'installer juste à côté de toi. Tu entends les quelques rires qui s'élèvent de la table mais n'y prête pas attention. Parce que la marathonienne qui règne sur l'Europe depuis plusieurs saisons des recherches que tu avais faites sur elle et en train d'engager la conversation avec toi. Elle t'interroge sur ton sport, tes objectifs, ce que tu attends de Londres alors que tu lui demandes des détails sur la cérémonie à laquelle elle a participé de son côté. Et lorsqu'on te dit qu'il est temps de quitter les lieux pour l'entrainement de l'après-midi, une moue déçue s'installe sur ton visage. 

Je suis à la salle de muscu tous les soirs si tu veux discuter quand t'auras fini de concourir.

Tu sens tes joues s'empourprer alors que tu bégayes un faible okay et une bonne après-midi à celle-ci. Des rires et sifflements résonnent alors que tu rejoins tes amis et tu as envie de disparaitre. Mais quand ton corps souffre l'après-midi, la douleur est légèrement atténuée lorsque tu penses au fait qu'une fois ta compétition terminée dans quelques jours, tu sais déjà où tu pourras retrouver celle que tu n'arrives pas à leur cacher qu'elle te plait. Mais cette idée ne t'enlève malgré tout pas la peur qui enserre tes muscles chaque instant, celle que tout ce que tu as fait, que les blessures, les mains déchirées, les longues séances de kiné ou de musculation aient été vaines. 



« Pour moi, le plaisir se situe dans la préparation, j'aime la construction du projet d'autant que, dans la course à pied, on évolue avec des paramètres mesurables, deux et deux font quatre. »
Amélie Mauresmo


Alors que tu commences à courir tu te sens perdue. Il n'y a pas cette voix que tu avais appris à connaitre et à aimer pour te guider. Il n'y a pas les détails si agréables sur les lieux que vous parcourrez qui te sont donnés. La voix de l'anglaise était une récurrence dans ta vie depuis plusieurs années et elle n'est désormais plus là. Elle a été remplacée par une voix bien plus grave, plus masculine, moins douce. La voix d'une personne qui n'a pas le regard admiratif de ton ancienne guide sur l'environnement vous entourant. Alors que celle avec qui tu avais gagné à Paris te partageait sa passion pour l'architecture dont elle prévoyait de faire son métier dès qu'elle arrêterait de courir, ce n'était pas le cas de son remplaçant. 

Avec le temps, tu t'habituais au changement, mais cela restait toujours aussi compliqué. Car tu avais à chaque fois l'impression que l'on t'arrachait un petit morceau du cœur. Tu savais pourtant que ce lien plus proche de celui qui unissait deux sœurs que deux amies que vous partagiez ne disparaitrait jamais, mais la voir reprendre sa carrière de son côté était difficile. Car parmi toutes celles et ceux qui t'avaient accompagné, elle était certainement celle avec qui les choses étaient les plus simples. Et pourtant, c'était celle pour laquelle tu avais eu le plus de réticence. Son passé d'athlète olympique était un frein au départ et tu avais eu peur que sa frustration de ne pas réussir à se qualifier pour Paris de son côté aller tout compliqué. Cela n'avait pas été le cas et cette grossesse qui avait été un obstacle sur le chemin de sa propre carrière avait certainement l'une des meilleures choses qui soient arrivées dans ta vie. 

Tu cours depuis déjà une heure et tu ne peux tenter de savoir ce qui t'entoure qu'aux odeurs. À un moment, tu te doutes que tu as dû t'approcher d'une ferme à l'odeur de fumier qui régnait. À un autre, c'était le son de l'eau s'écoulant qui t'avait fait comprendre que vous deviez longer une rivière. Mais tu n'avais aucune idée de sa vitesse, de sa largeur, des fleurs qui ornaient potentiellement ses berges. 

Tes pieds se prennent l'un dans l'autre et tu trébuches. Deux bras puissants te retiennent avant que tu ne tombes au sol. Tu sens tes prunelles qui s'emplissent malgré tout de larmes alors que tu as l'impression de reprendre tout du début. Une large main se pose alors sur ton bras maigre de ne pas recevoir suffisamment de calories par rapport aux efforts effectués jours après jours. Tu es manœuvrée sur quelques mètres avant que tu sentes une légère pression être effectuée sur toi et que tu te retrouves assise sur un banc alors qu'une voix rauque mais douce s'élève. 

On va faire une petite pause. 

Et même si tu ne le connais pas depuis longtemps, tu peux entendre distinctement le fait qu'il est perdu sur ce qu'il doit te dire ou faire. Et tu ne peux pas lui en vouloir, toi aussi tu ne sais pas comment tu agirais si tu te retrouvais avec une championne quelques semaines plus tôt complètement perdue et en train de pleurer pour avoir failli tomber.

Tu sais, je serai jamais une championne olympique de marathon comme elle l'était, je sais que je n'aurais jamais son niveau et que je pourrais jamais la remplace tant vous avez partagé des sentiments forts à Paris. Mais on va y arriver. On a quatre ans pour apprendre à se connaitre et être prêts.  

Le silence s'installe quelques secondes entre vous alors que tes sanglots se calment et que ton souffle comme le sien redeviennent réguliers. Tu relèves la tête et la tournes dans sa direction. Tu restes pourtant bien silencieuse, ne pouvant déterminer à ses expressions ce qu'il pense en cet instant. 

On va aller prendre un café. Je connais un endroit pas loin d'ici. Je pense qu'il est temps qu'on fasse réellement connaissance si on veut que ce projet fonctionne. 

Ses doigts se serrent dans les tiens avant que tu ne le sentes se lever. Tu le suis. Parce que tu n'as pas d'autre choix que de lui faire confiance. Mais peut-être que quelques mots de sa part et sa compréhension de ta situation faisaient qu'il l'avait déjà acquis. Il ne manquait plus qu'à vous accorder sur ce que vous attendiez tous les deux de tout ça, et alors, peut-être que c'était avec lui que tu aurais la chance de partager les mêmes émotions, que celles qui t'avaient fait planer pendant plusieurs semaines quelques temps plus tôt, lorsque vous vous retrouveriez à courir à Los Angeles.

on ne m'arrête plus !

et pour la team F1 sûre qui s'est perdue sur la route (chacun son tour d'avoir droit à ses infos), le préparateur physique de max whitlock, parce qu'il était prépa physique de la fédé britannique de gym, ça a été bradley scanes pendant des années (plus de titres avec ce max là si j'ose dire 😂).

j'ai rajouté des chansons sur les différents chaps. je case les musiques principalement entendues sur les jo & même s'il faut pas prendre celle-ci telle quelle, je trouve qu'elle colle particulièrement bien pour l'un des persos si on change juste le pays.

je finis regenbogenfarben & ensuite j'essaie d'enchainer ici pour l'avancer rapidement :) 

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