Chapitre 7
Voilà quinze jours que j'ai été accepté au conservatoire et une petite semaine que j'ai débuté les cours. Heureusement les cours n'étant que le matin, j'ai ou m'organiser avec Maryse et Alec afin de pouvoir poursuivre mon travail à ses côtés. Je le suis tellement attaché à Alec que désormais je n'envisage pas de revenir à ma vie d'avant et de ne plus le côtoyer quotidiennement.
C'est donc comme toujours armé de mon plus beau sourire et de mon éternelle bonne humeur que j'entre chez mon ami avec un joyeux «Bonjour!». Alec est assis dans le canapé avec un livre en braille sur les genoux et lit tranquillement avec un fond de musique — du violon, étrangement. Il relève la tête dans ma direction en m'entendant débouler chez lui comme un rayon de soleil bondissant et m'offre un sourire qui comme toujours me fait fondre un peu plus pour lui.
Non je n'ai toujours pas trouvé le moyen de lui avouer les sentiments troubles qui m'agitent secrètement. Et non je ne compte pas le faire pour le moment, même si je ne rêve désormais que d'une chose: me couler dans ses bras et m'endormir l'oreille posée contre son coeur. Alec, même s'il va mieux a encore besoin de trouver ses marques dans son nouveau quotidien avec son handicap, alors lui avouer les sentiments ne servirait qu'à le plonger dans des tourments dont il n'a pas besoin en ce moment.
Je m'avance dans le salon, puis je vais m'asseoir aux côtés de mon ami, déposant un bref baiser sur sa joue pour le saluer, et j'entreprends d'ouvrir son courrier que j'ai récupéré en arrivant. Je jette les publicités, classe les quelques factures après lui en avoir parlé, et finalement je tombe sur une belle enveloppe en papier de soie couleur crème. Intrigué je froncé les sourcils en me demandant de quoi il peu bien s'agir. Je découpe délicatement l'enveloppe à l'aide du coupe papier, et en tire un beau faire part dans le même papier que l'enveloppe. On peut y lire une écriture fine et calligraphiée ainsi qu'une phrase en braille en bas de page, et une petite clé USB y est accrochée par un fin ruban de soie. Alors que je lis le texte, mes yeux s'agrandissent de surprise et de ravissement, en comprenant quelle est la belle nouvelle qu'annoncent ces quelques mots:
Bonjour,
je vous écris cette lettre car d'ici quelques mois je vais venir m'installer dans votre belle ville, et je le demandais si vous accepteriez de m'accueillir dans votre vie. En effet ma maman m'a déjà beaucoup parlé de vous et j'ai l'impression de déjà vous connaître. Je ne prendrais pas beaucoup de place, seulement une toute petite dans votre coeur. Alors si vous le voulez bien, je vous donne rendez-vous dans quelques mois afin que nous fassions connaissance vous et moi. En attendant je laisse le soin à ma maman le soin d'organiser notre future rencontre, en espérant que vous l'aimerez autant que je vous aime déjà.
— Qu'est-ce que c'est? Demande Alec.
— Hum... On dirait un faire part... Dis-je avant de lui lire le texte manuscrit.
Alec fronce les sourcils, ne semblant pas comprendre de quoi il retourne alors je lui glisse la lettre dans les mains.
— Il y a des mots en braille en bas de page. Tu seras certainement mieux à même que moi de les lire. Il y a aussi une clé USB avec, je vais la mettre sur ton PC voir de quoi il s'agit. Expliqué-je.
A ces mots j'attrape son ordinateur portable posé sur la table basse et y insère la clé. Un seul fichier apparaît: un fichier audio. Je l'ouvre et un son sourd ressemblant à des battements de coeur très rapides se fait entendre... Les battements de coeur typiques d'une échographie. Je souris face à la délicate attention que je devine venir de la soeur de mon ami qui a songé à faire un faire part personnalisé à son frère afin qu'il puisse lui même découvrir la bonne nouvelle.
Un sanglot me fait relever la tête pour découvrir le visage d'Alec couvert de larmes tandis que ses doigts de sont crispés sur le faire part.
— Alexander, qu'y a t'il? Demandé-je d'une voix inquiète en posant une main sur son bras que je sens trembler sous mes doigts.
— Je... Par l'Ange... Je... Ma soeur... Izzy, elle... Balbutie mon ami.
— Doucement explique moi ce qu'il se passe, que disait le mot en braille?
Alec prend quelques secondes pour inspirer profondément afin de retrouver une respiration à peu près régulière, puis il me lit la fin de la lettre:
— Mon frère, mon meilleur ami, le premier homme de ma vie, tu seras bientôt le tonton adoré de mon fils. Je t'aime Alec. Isabelle...
De nouvelles larmes roulent sur les joues de mon ami, et ses épaules se mettent à trembler sous l'effet de ses sanglots chaotiques qu'il tente de retenir. Sur le moment je ne sais pas si ses larmes sont de bonheur ou de détresse, peut-être un peu des deux. Je dépose délicatement une main sur son bras, et enlace ses épaules de l'autre. Contre toute attente, Alec se laisse aller entre mes bras et se tourne pour venir enfouir son visage dans mon cou, ses bras se refermant avec force autour de moi, s'agrippant à moi comme à une bouée.
— Ma... Magnus... Ma soeur... Izzy... Elle... Enceinte... Sanglote t'il contre mon torse.
— Heeyy Alexander... C'est une bonne nouvelle non? Tu vas être tonton! Dis-je d'une voix tendre et enjouée, laissant parler mon inépuisable énergie positive. Allez sèches tes larmes, sinon je vais pleurer moi aussi.
— Je... Tu comprends pas Mag's... Je... Ce petit bout... Je pourrais jamais le voir... Souffle Alec en relevant le visage vers moi avant de fondre à nouveau en larmes, le visage enfoui dans ses mains.
Mon coeur se serre violemment dans ma poitrine avant de tomber en chute libre et de se briser à mes pieds. Je retiens laborieusement mes propres larmes face à la tristesse de la situation, et je réfléchis activement à une solution afin qu'Alec retrouve le moral.
Soudain, une idée me vient en tête et je m'en veux presque de ne pas y avoir pensé plus tôt. Après lui avoir fait découvrir l'émerveillement grâce à son ouïe, son goût et son odorat, il ne reste plus que son toucher. Je sais comment détourner son attention de cette tristesse qui le ronge et l'enferme dans une bulle de désespoir.
— Alexander, j'ai une idée pour te prouver que tu seras en mesure de faire correctement la connaissance de ton neveu.
Sans me répondre, Alec lève néanmoins un visage pâle aux yeux rougis par les larmes vers moi, semblant sceptique.
— Je suis sur que ça va te redonner espoir. Tu me fais confiance ? Dis-je doucement en essuyant tendrement une larme traîtresse qui roule sur sa joue.
— Oui... J'ai confiance en toi Magnus...
— Bien, alors tourne toi légèrement qu'on puisse être face à face sur le canapé.
Alec obéit docilement tout en affichant un air intrigué. Il replie une jambe sous lui et laisse l'autre pendre sur le bord du canapé tandis que je m'installe en tailleur face à lui. Je saisis ensuite des mains que je ne peux m'empêcher de caresser doucement de mes pouces, et je les guide sur mon visage de façon à ce que ses paumes englobent mes joues.
— Qu'est-ce que tu fais? Demande mon ami d'une voix troublée en amorçant un geste pour retirer ses mains.
Je retiens ses mains en resserrant ma prise sur ses poignets, en caressant la peau fine de leur creux.
— Je te prouve que tu peux découvrir un visage grâce à tes mains. Il paraît que les sens restants d'un non voyant ou d'un sourd se développent afin de compenser le manque, je suis sur que c'est le cas pour toi aussi. Alors comme tu n'as jamais eu l'occasion de me voir, je te propose de me "voir" avec tes mains. Expliqué-je d'une voix douce.
A mesure que je parle, je relâche ses poignets et je constate avec une pointe de plaisir qu'il ne cherche plus à retirer ses mains. Il reste quelques secondes sans bouger, puis lentement, presque timidement, ses doigts se mettent à bouger, glissant sur ma peau. Il reste d'abord sur les joues, en éprouvant la douceur de ma peau imberbe, puis il redessine le tracé de la mâchoire. Ses doigts remontent sur les tempes, puis sur mon front, avant de descendre sur mon nez et mes yeux qui se ferment spontanément. Le toucher délicat des mains de mon ami sur mon visage me fait frémir et frissonner malgré moi. C'est tellement agréable... Quand ses doigts arrivent finalement sur mes lèvres, ces dernières s'entrouvrent sur une faible expiration que je n'avais pas eu conscience de retenir. Je n'avais pas prévu que cette expérience destinée à redonner confiance a Alec me ferait tant d'effet... Me voilà pris à mon propre piège, sans possibilité de me dérober. Penser à autre chose que ses mains qui glissent maintenant sur mon cou... Penser à Dad et Ayah. Oui c'est une bonne idée, penser à leur façon de danser l'un avec l'autre, de toujours avoir une petite attention l'un pour l'autre, de se caresser tendrement sur le canapé quand on regarde un film... Danser étroitement serré dans les bras d'Alec, l'effleurer en passant proche de lui, caresser son corps sur le canapé, ou sous la dou.... NON! Non! Non! Magnus tu te calmes! C'est pas le moment de craquer et d'avoir un souci en dessous de la ceinture!
Alors que je me perds dans mes pensées inavouables, les mains d'Alec descendent sur mes clavicules puis sur mon torse sans que je m'en rende compte. Alors que les doigts explorateurs de mon ami s'évadent vers mon ventre, un gémissement m'échappe, mes fantasmes prenant leur essor dans ma tête sans que je puisse les contrôler.
Mes yeux se rouvrent brusquement au moment où le son importun sort de ma bouche, et Alec cesse soudain tout mouvement. Mon ami semble figé de stupeur. Ses yeux sont écarquillés, et ses doigts légèrement crispés sur la chemise. Que lui arrive t'il?
— Alexander...
Avant même que je puisse lui demander quoi que ce soit, il retire précipitamment ses mains de moi et se lève brusquement du canapé, trébuchant sur la table basse. Je ne peux m'empêcher de suivre son mouvement, et de poser une main sur son bras afin de le stabiliser. Mais la réaction de mon ami est une nouvelle fois de s'éloigner de moi comme si mon contact l'avait brûlé, ce qui cette fois me pince le coeur, alors que je comprends qu'il me fuit...
— S'il te plaît Alexander... Je... Pardonne moi c'était une mauvaise idée...
— Non Magnus, ce... Ton idée était excellente... C'est juste... Moi... Je me suis laissé emporter, j'aurais pas dû...
— Ce n'est rien Alexander, je t'assure. J'avoue que je ne m'attendais pas à réagir comme ça, bien que... Hum... M'interromps-je en réfléchissant à la meilleur façon de présenter les choses. On peu s'asseoir et en discuter? S'il te plaît?
Alec semble hésiter quelques instants, puis il hoche doucement la tête et revient s'installer sur le canapé. Je prends quelques secondes pour ordonner mes pensées afin de lui avouer le mieux possible ce qui agite mon coeur depuis quelques temps.
— Alexander... Je dois t'avouer quelque chose... Si je t'ai fixé aussi intensément lors de notre rencontre, ce n'est absolument pas parce que je voulais me délecter de ta situation avec un intérêt morbide. Je sais que c'est monnaie courante et que tu as probablement vécu ce regard ainsi, mais je ne suis pas comme ça, crois moi. Tu le sais je suis immigré, et de par ma couleur de peau et mes traits asiatiques, il m'est arrivé dans mon enfance de vivre des cas similaires. Pourtant même en sachant que ce regard pouvait passer pour inconvenant, j'ai eu toutes les peines du monde à détourner les yeux quand tu me l'as demandé... Parce que j'ai tout simplement été fasciné et ébloui par ta beauté...
Alec qui avait gardé le visage baissé pour m'écouter relève légèrement la tête pour tourner son regard cobalt vers moi.
— Tu es un homme splendide Alexander... Et je crois bien que j'ai un un coup de coeur pour toi dès la première fois où j'ai posé mes yeux sur toi. Et plus j'ai appris à te connaitre, plus ce sentiment s'est amplifié. Tu me plais beaucoup Alexander. Et ma réaction de tout à l'heure a juste été une perte de contrôle de ma part alors que mon esprit carburait à plein régime...
Le silence tombe sur la pièce après mon monologue. Le visage d'Alec semble figé et ne laisse filtrer aucune émotion. Comment vit-il ce que je viens de lui avouer? Est-ce que ça lui fait plaisir? Va t'il se mettre en colère? Me rejeter une fois de plus? Après plusieurs minutes de silence , je tente de poser ma main sur son bras pour le faire réagir, ce qui provoque un violent sursaut à mon ami , comme s'il s'éveillait brutalement d'un sommeil agité .
— Alexander, parles-moi...
— Je... Je peux pas Magnus... Je ne peux répondre à tes sentiments, je... Je suis un poids que tu ne mérites pas de porter...
— Tu es loin d'être un poids Alexander. Je... J'ai jamais été aussi heureux que depuis que tu es entré dans ma vie...
— Je peux pas Magnus ! Répète mon ami plus fortement. Je... Je suis pas prêt à entretenir une relation avec qui que ce soit... Je suis trop cassé pour ça... Je t'aime beaucoup Mag's... Mais je ne peux pas t'imposer mon mal être comme ça. J'ai déjà bien trop abusé de ta gentillesse... On... On devrait arrêter...
— Arrêter...? Qu'est-ce que tu veux dire... Demandé-je d'une voix tremblante, refusant de comprendre ce que veut me dire mon ami.
— Je veux dire qu'on devrait cesser de se voir... Je... Je vais dire à maman que je n'ai plus besoin de l'aide d'un auxiliaire de vie et que je vais rentrer vivre chez mes parents.
Mes oreilles entendent les mots terribles de mon ami , mais mon cerveau refuse de les traiter et de les intégrer. C'est impossible... Alec ne peut pas réellement me chasser ainsi de sa vie n'est-ce pas ? Il ne peut pas jeter aux ordures ces semaines que nous avons passé l'un avec l'autre, tout ces bons moments que nous avons partagé...
— Alexander... Soufflé-je d'une voix tremblante , une boule de chagrin enflant peu à peu dans ma gorge.
— Non Magnus. Ce... C'est mieux pour nous deux. Il faut que l'on arrête avant de souffrir... Regardes je l'ai déjà fait. Dit-il d'une voix triste en caressant ma joue où une larme a roulé sans que je n'en ai conscience.
— Alexander s'il te plait... Supplié-je en saisissant ses doigts entre les miens.
Alec sourit tristement et dans un geste d'une infinie douceur, il porte mes doigts à ses lèvres pour les embrasser, après quoi il me relâche et se lève avec un soupir à fendre l'âme.
— Tu devrais rentrer chez toi. Je me charge de prévenir ma mère, et ne t'en fais pas, je lui dirais à quel point ton aide m'a été précieuse et je m'assurerai qu'elle te paie une somme confortable pour que tu puisse sans problème poursuive le conservatoire dans les années à venir.
Je voudrais lui dire que je me fous de son argent, que tout ce que je souhaite, c'est continuer à le côtoyer chaque jour , et ce, peu importe si c'est en tant qu'ami . Je saurais supporter ne partager qu'une amitié avec lui, mais pas qu'il me chasse de sa vie comme si nous n'avions jamais été que des inconnus... Ne sachant plus quoi dire ou faire pour le convaincre de changer d'avis , et sentant mes émotions se figer dans non coeur qui semble geler, comme pour se protéger du chagrin immense qui menace de me submerger, je me lève et me dirige vers l'entée comme un robot. J'y réunis mes affaires , puis fouillant dans ma poche, j'en tire les dés de son appartement et les dépose sur le meuble de l'entrée. Le son du métal sur le bois semble sonner comme le glas de notre relation à peine débutée dans le silence pesant qui s'est abattu sur la pièce. Je me tourne vers Alec qui m'a suivi sans un bruit, et dont le visage est fermé.
— Adieu Alexander... Soufflé-je d'une voix meurtrie avant de tourer les talons et de quitter l'appartement.
Je n'entends même pas s'il me répond, le sang bat dans mes oreilles, assourdissant tout autour de moi. Mes jambes me portent seules vers le seul endroit où je me sens encore bien : la maison. Lorsque j'entre dans la demeure que je partage avec mes pères, je monte immédiatement dans ma chambre où je me jette sur le lit, éclatant brusquement en lourds sanglots qui déchirent ma poitrine.
Tout est fini...
*****
Coucou!
Voici le nouveau chapitre plutôt triste je vous l'accorde malgré les moments choupis.
Promis je ne finis pas la fic ici!
Que va t'il se passer ensuite? Comment pourront ils se rabibocher?
A très vite pour la suite ❤️❤️❤️
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