28 - Les métamorphes

― Ça n'a rien à voir avec les sirènes, me répondit mon amie. C'est juste que... je n'ai pas du tout pensé à une sirène, à ce moment.

― A quoi alors ?

― J'ai cru que tu faisais partie des métamorphes marins.

― D'accord, répondis-je en notantmentalement l'idée que plusieurs sortes de métamorphes existaient. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi tu t'es comportée comme ça...

Elle fit un petit geste de la main pour me faire comprendre qu'elle allait continuer :

― Il faut savoir que les métamorphes ne se côtoient pas tellement entre espèces. Voire pas du tout.

― C'est à dire ?

― Les félins ne côtoient pas les canins, et encore moins les marins. Ni les volatiles, d'ailleurs ou les rongeurs... Ils vivent en clans, meutes, bandes, etc. L'espèce se transmet génétiquement et chaque méta' a son propre et unique animal.

Elle eut un temps d'hésitation avant de conclure :

― Chacun dans son coin, sauf cas exceptionnels.

― Cool ! Enfin, je crois... Tu viens de la branche canine alors, concluai-je en repensant à n'énorme loup fauve.

Mon amie fit une grimace avant de reprendre :

― Je vais d'abord t'expliquer comment j'ai atterri sur le bateau...

― Ah ? Ok, vas-y.

Je ne comprenais pas trop pourquoi elle voulait faire un tel détour dans ses explications, mais je la laissai continuer pour ne pas accentuer la gêne que je ressentais chez elle :

― Quelque chose clochait avec mon idée de métamorphe marin, dit-elle alors. C'est le fait que tu ne contrôles pas ta transformation au contact de l'eau, c'était pas normal. A part la première transformation et lors des pleines lunes, c'est assez facile de contrôler ses métamorphoses.

Une image de loup-garou hurlant à la pleine lune effleura mon esprit, et je ne pus réprimer un frisson. Elya ne remarqua rien et continuait :

― Alors je t'ai suivie. Mais je n'ai rien vu de concluant, jusqu'à ce que ton père débarque chez toi le soir de pleine lune.

― Mon père ?

― Oui, avec ta mère aussi. Je l'ai deviné à leurs paroles. Ils étaient complètement paniqués à cause de la lune. Et si j'ai bien compris, c'était ta première ?

Je hochai la tête silencieusement, l'invitant à poursuivre.

― J'avais loupé ta sortie, donc j'ai suivi tes parents. Je connais l'effet de la pleine lune sur les méta', donc je comprenais leur inquiétude.

Elle prit une gorgée de coca avant de reprendre :

― Je te passe les détails. J'ai suivi ton père jusqu'à ce qu'il prenne un bateau et traverse la moitié de l'océan, puis je t'ai vue remonter à la surface sous ta forme de sirène.

Elle eut un petit sourire en concluant :

― La grosse bête pleine de plumes, c'était moi.

― Hein ? Le goéland géant ? Mais... et le loup, tout à l'heure ?

― Ouais. C'était moi aussi.

― Attends... intervins-je en fronçantles sourcils, pensant avoir mal compris ses mots. Je croyais que vous n'aviez qu'un animal par personne et que vous viviez en groupes qui ne se côtoient pas ?

― C'est le cas.

Je secouai la tête,toujours sans comprendre, alors qu'elle reprenait en détournant le regard :

― D'après toi, pourquoi est-ce que je vis parmi les humains ?

― Ce n'est pas habituel ?

― Non. Loin de là, soupira-t-elle. Les méta' vivent dans des lieux retirés loin de toute présence humaine.

― Mais toi ?

― Moi ? Je... je n'ai plus de clan. Et aucun méta' qui voudrait me côtoyer. De n'importe quelle race. D'où ma fuite quand j'ai cru que tu étais une méta'.

Je restai un instant silencieuse pour tenter de recoller tous les morceaux.

― Tu viens de quel groupe ? demandai-je encore.

― Les félins.

La réponse était sortie dans un souffle presque inaudible. Elya fixait le bout de ses chaussures qui avaient survécu à sa dernière transformation, sans rien ajouter.

Après quelques secondes de réflexion, je ne voyais qu'une seule explication, et elle sortit de ma bouche dans un murmure triste pour mon amie :

― Ils t'ont chassée par ce que tu te transformais en plusieurs animaux... ?

Elle détourna son regard soudain brillant de larmes et but une gorgée de coca pour se donner une contenance. J'avais vu juste.

― C'est de l'histoire ancienne, murmura-t-elle d'une voix tremblante qui démentait ses paroles.

Elle prit une inspiration profonde pour reprendre son récit :

― J'ai alors compris mon erreur. Sur le coup, j'ai cru que tu allais me détester, comme ceux de mon clan, mais tu étais une sirène, pas une méta'.

J'étais touchée par son histoire, mais je ne savais pas quoi répondre pour lui remonter le moral, n'en connaissant pas assez sur les métamorphes. Elle ajouta encore :

― Il y avait aussi le fait que tu étais parmi les humains toi aussi, qui ne collait pas.

Voyant qu'elle avaitterminé son explication, je décidai d'attendre pour lui en demander plus sur cette histoire de transformation multiple inhabituelle, et repris sur le sujet présent :

― Pourquoi as-tu attendu toutes les vacances pour me parler ?

Elle eut un petit sourire en coin en me répondant :

― Vu l'état dans lequel tu étais, je me suis doutée que ta première pleine lune avait dû être assez éprouvante. J'ai décidé de laisser passer un peu de temps.

― Et je t'en remercie, soupirai-je en appréciant réellement le geste.

Je ramassai les verres vides pour les mettre dans l'évier et demandai encore :

― Remy est au courant, pour toi ?


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